mercredi 16 décembre 2009

L’homme et l’arbre pêché avant d’être sculpté …




L’artiste redessine le réel en apportant de lui-même dans son œuvre, il diffuse ainsi la perception de ce qui l’entoure, sa conception du monde.

C’est un regard purement narcissique mais dont la finalité est l’échange, la rencontre avec l’autre.

Son travail est solitaire. Une plume, une mèche, un clavier d’ordinateur, une vieille machine à taper, un microphone, un burin, de l’argile ou plus extraordinairement une tronçonneuse.

C’est un sculpteur saintanais (Guadeloupe) Alex Boucaud qui a fait de cet engin, plus accoutumé à détruire, scier, couper, étêter, le prolongement de sa main et de sa pensée.

Un sculpteur engagé pour la défense de son peuple, un nationaliste tout en étant un universaliste, une posture qui prête à confusion - pour le commun sans doute, pour l’artiste non, car étant à la fois profondément en lui et dans l’autre.

Une inclination toute personnelle le porte vers le végétal, une attirance qu’il ne serait pas à même de rationaliser, simplement il sculpte le bois. Un bois rencontré lors de ses promenades ou rapporté par la mer, un bois ayant séjourné dans l’eau salée et devenu autre, qui porté par la vague s’échoue sur la plage ou bien le tronc d’un arbre ou une branche mis à bas par un fort vent cyclonique.

Là où le verbe fut à l’origine du monde, l’inspiration naît de la rencontre de l’homme et du végétal sans qu’aucune parole ne fut prononcée. Une osmose se crée et l’œuvre de création commence. La forme du tronc assigne l’œuvre, elle détermine la sculpture créée.

L’artiste privilégie les masques et statues. La tronçonneuse entaille le bois, elle anthropomorphise le tronc de l’arbre mort, qui devient une œuvre surréaliste, sa matérialité même change comme son aspect, ce n’est plus un bois, un tronc ; il est devenu une œuvre d’art.

L’imaginaire du sculpteur s’inscrit dans des représentations de l’art africain sous certains aspects et de l’art amérindiens. Je ne le qualifierai pas de primitif, mais d’art totémique, car dès apostées, la statue symbolise l’ancêtre éponyme et offre une protection, cette magie perceptible par l’œil. Nos sensations sont la prière qui nous vaut le don.

Le sculpteur joue sur les configurations du bois, évide le tronc, donne des formes éclairant la statue et permettant à la lumière de la traverser ou de se refléter pour nous offrir comme un jeu d’ombre.

Une des statues au regard émerveillé donne à croire qu’il est un être habité par des peurs, mais conserve une posture fraternelle.

Certaines œuvres s’octroient une impression de massivité, elles sont brutales, d’autres élongées, presque fluettes, les statuettes surréalistes ont des lignes épousant l’obliquité, elles sont affilées, parfois presque tranchantes, toutefois la production du sculpteur n’est pas uniforme, le sens n’est univoque.

Si nous pouvons lui assigner une géographie, nous ne pouvons la figer dans une seule et unique émotion.

Evariste Zephyrin

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