lundi 25 janvier 2010

Guadeloupe-Haïti : "Je t'aime, moi non plus"


"Haïti ? On s'en fout, c'est pas chez nous !" Voici le titre, un brin provocateur, d'un édito du quotidien guadeloupéen France-Antilles . Le journaliste, Martin Laventure, y décrit la relative mobilisation de ses concitoyens pour les victimes du séisme d'Haïti, pays qui se trouve à une heure et demie d'avion de l'île française. Alors qu'on comptait encore les morts dimanche soir à Haïti, "dans les rues de Petit-Bourg, le contraste était choquant, honteux", écrit Laventure. "Des centaines de carnavaliers entraînés par une musique d'enfer sautaient, dansaient, chantaient..." Le même soir, à Pointe-à-Pitre, tandis que la communauté haïtienne se recueillait sur la place de la Mairie, peu de Guadeloupéens - en dehors des politiques - avaient fait le déplacement.

S'ils se montrent généreux (100 tonnes de dons ont à ce jour été collectés), tous les Guadeloupéens ne manifestent pas une solidarité spontanée. Comment expliquer ce manque d'entrain de la part d'un pays qui compte environ 10 % d'Haïtiens ? D'après les connaisseurs, deux éléments peuvent l'expliquer. Dans les années 1990, un animateur de la télé locale (Canal 10), Ibo Simon, avait lancé une campagne de xénophobie anti-haïtienne. Tous les jours, il diffusait des propos racistes sur cette chaîne populaire. Plus tard, des magasins tenus par des Haïtiens avaient été incendiés et des vendeurs haïtiens battus sur un marché. Aujourd'hui, après le séisme, on parle d'une île "maudite". On entend même ici ou là que les Haïtiens seraient victimes de leur pratique du culte vaudou... Mais derrière ces explications irrationnelles, se cache une crainte de voir débarquer de nouveaux clandestins haïtiens sur leur île qui subit déjà de plein fouet la crise économique.

"Beaucoup de Guadeloupéens continuent à dénigrer les Haïtiens, confirme Élie Domota, le porte-parole du LKP. Quand tout va mal, l'enfer, c'est les autres. C'est ce discours qu'ont fait passer l'État et les élus pour ne pas s'attaquer aux vrais problèmes. On expulse des Haïtiens et pourtant le chômage ne diminue pas en Guadeloupe !" Pour le leader de la grève de 2009, ce n'est pas "une fatalité", mais le résultat de l'histoire coloniale d'Haïti. Afin de mobiliser la population, le LKP organisera samedi une journée de solidarité pour ses "frères" haïtiens. Au programme, des conférences sur l'histoire de cette île qui s'est toujours battue pour son indépendance.

Émilie Trevert, envoyée spéciale à Pointe-à-Pitre
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