dimanche 7 mars 2010

Haïti: le besoin de prothèses est criant avec le nombre de nouveaux amputés


En créole, on les surnomme "ko kobe" ou "corps tordu". Aveugles, amputés d'un membre ou déficients intellectuels, ces Haïtiens portent la honte et la population les évite. Mais depuis le violent séisme qui a secoué le pays, ils sont de plus en plus nombreux et les besoins en prothèses sont criants.

Ainsi, depuis janvier, des centaines d'Haïtiens ont joint les rangs de ces exclus de la société, soit parce qu'un de leur membre a été écrasé sous les décombres ou encore, parce qu'une infection a mené à une amputation.

Le directeur exécutif du Christian Blind Mission Canada, un organisme présent dans les pays en voie de développement pour améliorer la vie des handicapés, affirme n'avoir jamais vu autant d'amputés qu'en Haïti.

Citant les chiffres d'Handicap International et du gouvernement haïtien, Ed Epp estime qu'il y aurait entre 2000 et 4000 adultes et enfants haïtiens ayant un membre amputé. Cela pourrait même aller jusqu'à 7000.

"On est probablement plus proche de 7000 que de 2000", a affirmé celui qui revient de Port-au-Prince, une des nombreuses zones sinistrées où il a travaillé au cours des 24 dernières années.

Mais ce qui est désormais crucial, selon les organismes d'aide et médicaux, c'est la réhabilitation de ces personnes. Les prothésistes doivent également être capables d'avoir accès à ces nouveaux amputés pour les aider.

Plusieurs spécialistes du Canada et d'autres pays sont déjà sur place et d'autres continuent à arriver, mais cela est toujours trop peu par rapport aux besoins.

Selon la physiothérapeute canadienne, Shaun Cleaver, les infrastructures destinées aux soins en réhabilitation en Haïti étaient déjà très pauvres. Mme Cleaver a travaillé pendant trois ans à l'Hôpital Albert Schweitzer, à Deschapelles, située à 65 kilomètres au nord-ouest de la capitale. Elle y est retournée en février pour coordonner les services de réhabilitation. "Il n'y a que quelques cliniques, et la plupart des hôpitaux de soins de courte durée n'offrent pas ces services", a-t-elle fait remarquer.

Lorsque la terre a tremblé dans la capitale, des milliers de sans-abri et Haïtiens blessés se sont réfugiés en campagne et nombre d'entre eux, dans la région de Deschapelles.

"Nos besoins sont plutôt clairs, mais ce qui l'est moins, c'est d'être capable de mettre en place ces services pour la grande vague d'amputés arrivés en même temps", a expliqué Mme Cleaver.

Pour les nouveaux amputés, la priorité c'est de s'assurer que l'endroit où le membre a été enlevé guérisse proprement et dans une forme qui permette d'insérer une prothèse confortablement.

Il est également important de s'assurer que la personne bouge pour éviter les blessures liées à une trop grande immobilité, selon un physiothérapeute de Toronto Rehab, Rob Balogh, qui a travaillé bénévolement au Pakistan après le séisme de 2005.

"Ils doivent réapprendre à vivre sans un membre", a expliqué M. Balogh. Pour plusieurs, cela veut dire apprendre à se déplacer avec une prothèse, des béquilles ou encore une marchette.

Selon Mme Cleaver, il y aurait beaucoup d'efforts investis en Haïti pour mettre sur pied des usines qui pourraient fabriquer des prothèses. Le but est d'accommoder, au moins temporairement, les amputés et leur montrer comment les utiliser. Idéalement, des commerces de prothèses ouvriraient leur porte et vendraient des prothèses permanentes.

Mais les organismes d'aide se heurtent aux préjugés, toujours très présents dans ce pays. Souvent, ces handicapés se cachent en campagne, à l'abri des regards désapprobateurs.

Mais sans ces précieuses prothèses, l'avenir des amputés haïtiens est sombre, prédit M. Epp puisque c'est tout le cycle de la pauvreté qui est enclenché. "Parce que quelqu'un doit payer pour eux, s'en occuper et leur fournir de la nourriture. Et s'ils ne contribuent pas au revenu familial, ils représentent un fardeau. "Et c'est là qu'un société de mendiants voit le jour", a conclu M. Epp.

De Sheryl Ubelacker (CP)

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