lundi 9 mai 2011

Commémoration de l’abolition de l’esclavage le 10 mai 2011



Quel programme et quel projet politiques pour les populations noires de France ?

La commémoration de l’abolition de l’esclavage est un pas important pour la filiation des Noirs à l’histoire de France. Cette commémoration reconnue par la République doit se traduire par des rassemblements solennels des Noirs de France originaires d’Afrique ou descendants d’esclaves vivant aux Antilles et en métropole et qui sont les victimes du racisme quotidien. Pour la troisième année consécutive, la cérémonie de commémoration de l’abolition de l’esclavage doit être un temps fort pour les descendants d’esclaves de se rassembler afin de réaffirmer leur opposition réelle au développement du racisme ordinaire dans la société française dont l’affaire actuelle des quotas de Noirs dans le football français est venue donner un coup de projecteur.

La société ordinaire française, au-delà des commémorations, continue de véhiculer des idées racialisantes fondées sur l’anthropologie physique du XIX° siècle qui valorise le Noir en tant qu’acteur social puissant physiquement et donc forcément bestial. Les idées en cours dans le football français reprises par certains intellectuels français qui estiment que l’équipe de France est trop black, black, black et non black, blanc, beur comme en 1998, traduisent l’ancrage des considérations inappropriées en direction des populations noires.

Les commémorations sont une bonne chose pour rappeler à la République son devoir de rassembler les citoyens français quelques soient leurs origines, néanmoins, il revient aux Noirs de France de construire un vaste mouvement durable et quotidien pour montrer à la République leur apport historique au temps de l’esclavage, des guerres de 14/18 et 39/45 et pendant les Trente Glorieuses dans la construction de la France.

Les historiens issus des populations noires ont failli. Ils se contentent d’aborder la question Noire quand ils le font sous l’angle de la condition noire au XX° siècle de façon moderne uniquement sous l’angle des discriminations, sans traiter les problèmes de fond liés aux relations très ambigües et très violentes entre la France et ses différentes populations noires au temps de l’esclavage et de la colonisation.

En parlant des descendants des esclaves, c’est-à-dire des Antillais ; que sait la population française de l’impact de Joseph de Bologne dit le Chevalier de Saint Georges et du Général Alexandre Dumas qui ont contribué en dépit du racisme du XIX° siècle dont ils ont été victimes, à faire triompher la mémoire de la République en étant des héros noirs ? Que sait la population française des français d’origine sénégalaise du camp de Thiaroye qui ont été exterminé par leurs camarades d’armes français blancs en 45 car ils voulaient simplement réclamer un traitement égalitaire ?

Senghor, Président Africain et chantre de la Négritude, académicien, a été oublié par la République qui ne lui a pas rendu les honneurs à la hauteur de ses missions pour l’incorporation des Noirs dans la France républicaine.

Le chantre de la négritude Aimé Césaire a été reçu au Panthéon en 2011 après des atermoiements de la République. L’homme vertical qui a toujours combattu la colonisation, l’esclavage et qui a toujours reconnu l’Afrique comme matrice originelle de la plupart des Antillais a eu des obsèques républicaines à la mesure de son œuvre, ce dont n’a pas pu profiter Léopold Sédar Senghor.

La commémoration du 10 mai concernant l’abolition de l’esclavage, risque de passer inaperçue en France, notre « beau pays » qui va privilégier plutôt l’anniversaire de l’accès de François Mitterrand aux affaires de la République en tant que président. La commémoration du 10 mai laisse un grand vide dans l’espace public français car les différentes associations ou fédérations de Noirs ne font rien pour occuper l’espace politique ce jour là.

Il n’y a aucun programme ni projet politique pour les fédérations ou associations de Noirs pour les Noirs de France. Leurs principaux dirigeants n’ont comme programme ou projet politique que de valoriser leurs propres intérêts à l’image de ce que l’on rencontre en Afrique auprès de dirigeants Africains pour lesquels l’abolition de l’esclavage vue de France ne signifie rien pour leur pays alors qu’ils sont les représentants et les descendants des Noirs esclavagisés.

Au moment où un discours raciste ? digne des pires moments de la III° République, peut se banaliser, au moment où le racisme ordinaire qui hier était politique devient le lot quotidien de la société française (Marine Le Pen n’y est pour rien, elle ne fait que révéler une posture hypocrite de la société française), force est de constater que les Noirs de France acceptent leur condition et essaient de s’en sortir individuellement.

Oui, c’est bien là une traduction de la République, la citoyenneté à partir de l’individu en évitant le communautarisme, mais tout de même, il faut descendre dans la société et dans les mentalités pour regarder comment l’espace politique et sociologique se forment. D’autres populations, autres que noires, se constituent de manière communautaire et non communautariste en essayant de s’organiser. Rien de tel chez les Noirs de France (je passe sur les faux débats concernant les teintes et les colorations de peau qui introduisent des différences entre Noirs, métis, foncés, marrons...) qui préfèrent subir les discriminations et se plaindre.

Les Noirs de France ont essayé de s’organiser en fédération, c’est un échec, lié aux ambitions des dirigeants de ces fédérations qui souhaitent d’abord d’être visibles pour eux-mêmes que pour la problématique de la question Noire pour laquelle ils ont constitué une fédération de Noirs et convié d’autres Noirs à les aider à mettre en forme le projet dont ils se sentent porteurs. Cette duperie est bien celle qui a toujours existé comme au temps de l’esclavage où des Noirs s’appuyant sur d’autres Noirs ont favorisé l’esclavage des populations noires et leur déportation vers les Amériques.

C’est une question de débat, et on souhaite que les historiens Noirs apportent leurs analyses constructives. Cette duperie a parfaitement été perçue par les Occidentaux, qui arrivés sur les côtes africaines, ont pu accéder à l’intérieur grâce à la complicité de Noirs, selon certains historiens, pour l’extraction d’autres Noirs.

Le phénomène ancien n’a pas disparu aujourd’hui où l’Occident continue de jouer des divergences et de l’absence de l’intérêt des Noirs Africains pour la gestion de leurs États, préférant les guerres civiles pour l’accession au pouvoir, la problématique de la commémoration du 10 mai venue de France est sans intérêt pour ces élites africaines. Aux Antilles, la mosaïque sociétale ne permet pas un rassemblement général des populations antillaises pour la lutte contre le racisme et les discriminations.

Les futurs 10 mai, et c’est un appel que je lance aux populations noires de France (africaines et antillaises), devront être les moments de la « réconciliation » des caribéens avec l’Afrique matrice originelle vantée par Aimé Césaire, cette Afrique d’où sont venus entre le XV° et XIX° siècles les pères et les mères des petits fils d’esclaves ultra-marins.

Que les présidents d’associations ultra-marins et les présidents d’associations d’Afrique Noire ou ceux qui en sont originaires remisent au grenier leurs petits egos, leurs envies d’exister individuellement dans la société française en tant qu’acteurs majeurs de la vie politique pour célébrer avec enthousiasme les commémorations futures à partir de 2012 ensemble en dépassant les invectives inutiles qui les caractérisent sur la recherche de la responsabilité des uns et des autres dans la traite négrière et dans l’esclavage.

Les futures commémorations du 10 mai à partir de 2012 doivent être le moment clé de l’approfondissement des programmes et des projets politiques pour réfléchir ensemble sur les manières d’exister des populations noires dans la République française. J’espère que ce n’est pas un vœu pieux de ma part. Il faut le faire et montrer à la République que les populations noires sont comme les autres capables de réflexion et d’actions et non pas comme on les présente de façon permanente depuis l’anthropologie physique depuis le XIX° siècle à nos jours à savoir :
des Noirs puissants et physiques donc bestiaux pour les hommes et pas simplement dans le football, incapables de réflexion et des femmes noires lascives et sexuellement faciles pour le bon vouloir des hommes. Il revient aux populations noires de démentir ces faits provocants et inutiles que la société française véhicule.


Lucien PAMBOU

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