lundi 2 mai 2011

Quand Blanc veut laver les couleurs…


Les extraits rapportés par Mediapart d'une réunion au sommet en date du 8 novembre dernier, des plus hautes instances du football français laissent pantois : les critères de sélection physiques « grands, costauds, puissants » favorisent les « blacks », il faudrait donc, selon ces instances, mettre en place des critères propres à la culture française et favoriser « l’intelligence » pour avoir plus de joueurs blancs. L’idée étant, selon Mediapart de blanchir progressivement l’équipe de France pour la rendre aussi blanche que l’équipe d’Espagne - oubliant au passage le sang maure qui coule dans les veines de ces joueurs issue d’une nation occupée 900 ans par les arabes.

Ces propos, s’ils sont confirmés par les deux enquêtes en cours, l’une diligentée par le ministère des sports, l’autre interne à la fédération française de football, sont d’une exceptionnelle gravité, tant ils portent en eux toute la lourdeur des stéréotypes racistes d’un autre siècle, toute une idéologie d’exclusion que l’on croyait, non pas révolue, mais au moins, en voie de disparition.

Depuis les théories racistes du XIXe siècle, on n’avait jamais osé affirmer publiquement que l’intelligence était exclusive de l’homme noir. Pour les instances de football, la puissance de la pensée d’un Senghor, d’un Aimé Césaire, tout juste « panthéonisé », d’un Frantz Fanon ou d’un Edouard Glissant, tout juste éteint, n’est sans doute qu’un accident de l’histoire…

La supériorité physique de l’homme noir que ces instances insinuent, n’est guère plus flatteuse,  implicitement elle serait liée au caractère primitif de celui-ci, à une force animale qui rapprocherait l’homme noir de la nature, et l’éloignerait de la culture. La culture parlons en ! Ces instances invoquent la culture « française » comme un moyen, d’éloigner l’homme noir ou arabe des terrains et d’avoir d’ « autres types de joueurs ».

Qui aurait pu penser que la culture, formidable moyen de devenir un citoyen éclairé, puisse être instrumentalisée pour exclure la différence socio-ethnique ?

Après tout, la culture n’a-t-elle pas déjà été un moyen d’exclusion du monde de l’entreprise et de l’administration, à un niveau de responsabilités, de toute une frange de la population socialement pauvre, et souvent ethniquement différente, bien que les deux ne se recoupent pas toujours ?

Pour quelles raisons ? Non pas à cause de qualités intellectuelles propres aux minorités, mais parce que l’accès à cette culture est de moins en moins universel, et beaucoup plus éloigné de cette frange de la population.

Au-delà de ce constat, personne au sein de ces instances n’a semblé esquisser la moindre explication d’ordre sociologique sur l’intérêt des minorités noires et arabes pour le sport. Il se trouve que le sport, contrairement au monde de l’entreprise ou de l’administration est peu regardant sur la couleur de ses élites !

En effet, l’accès à un terrain de football pour une personne des cités sensibles est moins compliqué que celui d’un lycée de centre ville proche des lieux de savoirs et des grandes écoles. Un terrain de football, où qu’il se trouve, est le même pour tout le monde, le mérite et la rigueur font seules la différence entre les joueurs. La réussite semble davantage à leur portée.

L’école, elle, est une autre réalité. C’est un environnement beaucoup plus complexe : La qualité et l’ancienneté des enseignants, l’effet « établissement », le niveau de qualification des parents, les choix scolaires des parents, les moyens matériels d’obtenir du soutien scolaire jouent tout autant, si ce n’est davantage que le mérite, dans le processus de réussite scolaire. Les bons élèves des classes populaires ont de moins en moins de chance qu’il y a 10 ou 20 ans d’accéder aux filières d’excellence, l’incarnation même (à quelques exceptions près) de la ségrégation scolaire.

Les jeunes noirs ou arabes issus des classes populaires qui cherchent comme tout français quelle que soit leur couleur, à s’élever socialement, à avoir un avenir meilleur pour eux-mêmes et leurs enfants, ont donc tout naturellement investi massivement le sport, domaine où l’ascenseur social n’est pas (encore) tombé en panne, ce domaine qui portait, jusqu’ici les valeurs républicaines du mérite et de l’indifférence au genre et à la couleur de peau.

Pourtant, ce souffle d’universalisme qui parcourt encore le sport, les instances françaises de football voudraient l’éteindre ? Ces valeurs républicaines que portent encore le sport, les instances françaises de football voudraient les bafouer ? Nous ne voulons y croire.

Le sport est un des rares bastions qui montrent que les « couleurs de la France » peuvent être portés par n’importe quel français quelle que soit sa couleur. Et il faudrait donc le briser ?

Ce bastion a permis à des jeunes gens issus de tout milieu et de toute couleur, de devenir des hommes ou femmes respecté(e)s, pour leur mérite, leur travail, leur courage, leur discipline, leurs résistances aux épreuves mentales et physiques, leurs qualités de stratèges.

Ce bastion a permis à ces jeunes gens d’être des exemples pour une jeunesse française de toutes les couleurs…notre jeunesse admire ces jeunes gens qui réussissent quelle que soit leur couleur, faut-il s’en plaindre ?

Frank ANRETAR
Président de la Fédération des Associations Africaines et Créoles


                                

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