mardi 14 juin 2011

Haïti : Les sans-abris de Champ de Mars laissés sans espoir



- Ils font tout : - manger, se coiffer, se baigner, aller aux toilettes et vendre de tout – des craquelins jusqu’à leur dignité – sous les regards des héros nationaux : Henri Christophe, Alexandre Pétion, Jean Jacques Dessalines.

Bientôt 17 mois depuis le séisme du 12 janvier 2010 qui a ravagé la capitale haïtienne faisant peut-être 230,000 morts et plus d’un million de sans abris. Les refugiés du Champ de Mars, situé à proximité du Palais National, ne sont pas encore relogés.

« Des agents sont venus recueillir nos noms en promesse d’assistance dont on connait la nature », a déclaré Harold Joseph, père d’une famille nombreuse de six enfants qui vivent tous dans son abri de fortune sur la place Henri Christophe. « On nous oublie, personne ne se soucie de nous. Ils ne sont que des bluffeurs et des profiteurs, ces dirigeants et ces organisations. »

Cependant les recherches menées par Ayiti Kale Je (AKJ) et des étudiants du Laboratoire de Journalisme à l’Université d’Etat d’Haïti montrent que des autorités nationales et internationales n’oublient pas Joseph et sa famille, ou du moins pas au départ.

Mais les objectifs contradictoires et le manque apparent de « leadership » et de prise de décision ont pour conséquence la condamnation de milliers de familles à braver la pluie et les inondations de la semaine dernière dans des abris fragiles, insalubres et carrément dangereuses.

Un bon plan

L’an dernier, peu de temps après le séisme, des organisations, des agences, des ministres voire le président René Préval se rencontraient quasi quotidiennement sur la délocalisation des sinistrés du Champ de Mars. Ils ont voulu faire un projet pilote pour les autres – plus que 1 300 – centres d’hébergement des zones affectées par le tremblement de terre.

Au cours du mois de mai 2010, l’Organisation internationale de la migration (OIM), La Croix Rouge, l’Agence américaine pour le développement international (USAID), l’organisation Caritas (CRS), et d’autres instances se réunissaient dans une salle utilisable du palais présidentiel, dont une bonne partie est en ruine, pour discuter d’un plan qui était à une phase « assez avancée » en vue de la relocalisation des réfugiés, selon un courrier électronique obtenu par AKJ le 17 mai 2010.

Ce message évoque une série d’actions en faveur des rescapés comme :
• Le ramassage des déblais. 
• La campagne pour encourager les sinistrés à retourner dans des maisons estimées non dangereuses .
• La démolition des maisons irrémédiablement endommagées. 
• L’installation d’abris provisoires à la place des maisons à démolir.

S’agissant d’un projet pilote « c’est sûr que les médias s’y intéresseront beaucoup », écrit Gerhard Tauscher, auteur de la correspondance. A l’époque, Taucher a été coordonnateur de Cluster Logement – un groupement où des agences humanitaires, ONG et autres institutions travaillant sur la problématique du logement, tentent de coordonner leurs activités.

Pourtant plus d’un an après, les médias n’ont pas encore couverts le projet pilote qui n’a jamais commencé, et les sinistrés sont encore dans l’enfer des tentes au cœur de cet espace qui était auparavant le plus grand centre de loisir de Port-au-Prince.

Contrairement à la situation dans d’autres camps visibles, les sinistrés du Champ de Mars ne bénéficient d’aucun programme de relogement. Pourquoi ?

Est-ce parce que les interventions des instances concernées ne sont pas coordonnées ? Pourquoi aucune autorité n’assume pas la responsabilité de gérer cet aspect fondamental de la situation post-séisme ?

La vie sous les regards des héros

Depuis le lendemain de la catastrophe, des milliers de familles vivent dans la promiscuité la plus humiliante dans 15 places et espaces auparavant verts autour du Palais National.

Il est difficile d’estimer la taille exacte de cette population mais le dernier recensement de l’OIM, datant d’octobre 2010, a enregistré 6 000 familles ou a peu près 30 000 personnes.

Ces familles habitent sous des tentes épuisées et des maisons aux toits de bâches. Artisanaux ou plus ou moins professionnels, leurs abris sont trop chauds pour les protéger du soleil mais ne peuvent non plus les abriter contre les pluies qui sont fréquentes en cette saison cyclonique.

Environ 172 toilettes mobiles installées par l’organisation Action Contre la Faim desservent l’ensemble de cette population. Elles dégagent une odeur pestilentielle dans cette aire du centre ville traversée tous les jours par le président de la république, les différents ministres et autres autorités – bien que circulant habituellement dans leurs véhicules climatisés.

Avec 172 toilettes pour 30,000 personnes – environ une cellule pour 174 résidents, soit en dessous de la moyenne pour les autres camps de Port-au-Prince disposant d’une cellule pour 148 résidents, ce qui est en soi une violation du standard international. (L’ONU et les normes « Sphère » recommandent 20 personnes par latrine, maximum.)

Et pourtant une grande partie de ces toilettes mobiles, exposées comme des cadeaux de valeur, ne sont plus fréquentées. Les sinistrés refusent d’y aller à cause de l’insalubrité qui les caractérise.

« Nous ne fréquentons plus les toilettes d’ici, elles sont trop sales. Les gens préposés au nettoyage des latrines ne le font que rarement car on ne les paie pas régulièrement », a fait savoir un badaud qui n’a pas voulu s’identifier.

Une femme d’une vingtaine d’années de renchérir : « Nous faisons nos besoins dans des sachets ou des assiettes en carton et on les jette dans les poubelles, certains le font à coté des toilettes, on est fatigué de vivre comme cela ».

La crise du logement ne date pas du tremblement de terre

Nombreuses sont les organisations internationales à avoir répondu à la situation provoquée par la catastrophe du 12 janvier 2010. Cependant, le problème du logement n’a fait que s’aggraver au lendemain du séisme. Il existait donc bien avant et est à la base de ce qu’on appelle à juste titre la bidonvilisation de Port-au-Prince.

Ce phénomène s’explique par un ensemble de facteurs dont la crise structurelle de l’économie haïtienne, notamment l’agriculture en milieu rural qui engendre l’exode à la base de la forte concentration de la population dans les grandes villes.

En effet, une unité du Ministère des Affaires Sociales est dédiée au logement social. Dépourvue de moyens, elle reste moribonde et ne joue pas son rôle en dépit de l’ampleur que prend ce problème.

L’insuffisance de l’État favorise l’intervention d’agences humanitaires. Des organisations internationales telles Le Rotary Club et Habitat pour l’Humanité étaient dans le pays bien avant le séisme.

Ces agences, ont-elles eu un plan pour la relocalisation des réfugies du Champ de Mars ?

Qu’est il advenu des planifications qui avaient lieu lors les rencontres au Palais National ? [akj apr 14/06/2011 10 :50]
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* « Ayiti Kale Je » (http://www.ayitikaleje.org/) est une initiative de partenariat médiatique en vue d’assurer des investigations journalistiques sur la reconstruction d’Haïti suite au séisme dévastateur qui a frappé le pays et fait 300.000 morts et autant de blessés.

Le Groupe Médialternatif est un des partenaires de cette initiative, à travers son agence multimédia AlterPresse (http://www.alterpresse.org/), avec la Société pour l’Animation de la Communication Sociale (SAKS - http://www.saks-haiti.org/). Deux réseaux participent également : le Réseau des Femmes Animatrices des Radios Communautaires Haïtiennes (REFRAKA) et l’Association des Médias Communautaires Haïtiens (AMEKA), qui est composé de stations de radios communautaires à travers le pays.

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