vendredi 26 août 2011

Affaire Strauss-Kahn : Un obsédé sexuel notoire a t-il sa place dans l’université française ?



Le vrai métier de Strauss-Kahn est d’enseigner l’économie à Sciences Po, avec le titre de professeur d’université. Il a de fait exercé dans cet établissement pendant sept ans, jusqu’à sa nomination au FMI, le 28 septembre 2007.
Strauss-Kahn nous est présenté par ses thuriféraires et ses communicants comme un « grand économiste », même si sa seule œuvre connue est une thèse publiée en 1977 : "L’économie patrimoniale des Français" (éditions Cujas). Mais laissons de côté la question de sa compétence.
Un poste de professeur d’université est cumulable avec un mandat de député (à la différence de tous les autres postes de fonctionnaires publics, incompatibles avec un mandat parlementaire). Jusqu’au 28 septembre 2007, date à laquelle il a été nommé au FMI, Strauss-Kahn pouvait ainsi cumuler son mandat avec son poste de professeur à Sciences Po, ce qu’il a fait, émargeant sur le budget de l’Etat français aux alentours de 14 000 € mensuels, dont on sait à présent qu’il n’avait pas besoin, puisqu’une femme complaisante s’occupe de le financer.
Nommé au FMI, Strauss-Kahn a démissionné de l’assemblée nationale et a dû, nécessairement, se faire placer en position de disponibilité par le ministère des Universités.
Ce que la presse française a oublié de révéler, c’est qu’en bonne logique, depuis sa démission du FMI, le 18 mai 2011, Strauss-Kahn a été officiellement réintégré (ou devrait l’être à titre de régularisation rétroactive) dans ledit corps des professeurs d’université, avec un traitement (à compter du 18 mai 2011, et sans fournir jusqu'à nouvel ordre aucun service en échange) qui ne saurait être inférieur à celui qu’on a beaucoup reproché à Luc Ferry, soit 4500 € mensuels.
Strauss-Kahn est en droit, par ailleurs, pour la rentrée universitaire 2011, de demander à retrouver son poste de professeur de micro et de macro-économie à Sciences Po, ce qui lui donnera une tribune, en attendant de solliciter un nouveau mandat à Sarcelles en 2012, où nous l'attendons de pied ferme.
On peut dès lors se poser la question du comportement passé et à venir de cet homme, qui louait naguère une garçonnière sise 7 rue de la Planche, à proximité des locaux de Sciences Po (rue Saint-Guillaume) avec des étudiantes âgées d’une vingtaine d’années dont on pourrait penser qu’elle peuvent constituer des cibles faciles pour celui que sa propre femme désigne comme un « séducteur » et que d’autres femmes traitent de violeur.
Lorsque n’importe quel Français postule pour un poste, même modeste de la fonction publique, y compris un poste d’enseignant, sa nomination est soumise à une enquête dite « de moralité » menée par les fonctionnaires du ministère de l’Intérieur. Lorsque n’importe quel Français, titulaire d’un poste de fonctionnaire, se trouve mis en cause dans une affaire pénale, le code de la fonction publique prévoit que l’administration a le devoir, surtout s’il s’agit d’une affaire de mœurs - qui pose un problème particulier dans le cadre de l’enseignement public - de mettre en route une procédure disciplinaire parallèle qui peut aboutir à une suspension de l’intéressé, en attendant qu’une décision de justice définitive intervienne.
Or Strauss-Kahn est sous le coup d’une plainte pour tentative de viol qui n’a pas été classée à ce jour. Il pourrait d’autre part être mis en cause dans une seconde plainte, déposée dans le cadre d’une affaire de subornation de témoin. Il est par ailleurs toujours accusé de viol et de crimes sexuels devant une juridiction civile américaine.
En 1969, une femme, Gabrielle Russier, professeur de Lettres à Marseille, avait été écartée de l’enseignement, puis condamnée, pour avoir eu, au moment des événements de 68, une relation amoureuse avec un de ses élèves, mineur au moment des faits (la majorité étant à cette époque fixée à 21 ans).
Mise en détention préventive à la prison des Baumettes pendant cinq semaines, elle s’était vu refuser par l’Université, pour des raisons de moralité, le modeste poste d’assistant qu’elle sollicitait, avant d’être condamnée, sur la pression de l’Université, à 13 mois de prison non amnistiables (on était en période d’élection présidentielle). Le 1er septembre 1969 Gabrielle Russier, qui n’avait violé personne et n’avait rien d’une séductrice, s’est donné la mort.
Mais Gabrielle Russier n’était qu’une femme et, pour les femmes, la présomption d’innocence n’a pas plus lieu d’être, parfois, que la présomption de victime.
Quarante deux ans plus tard, un professeur d’université autoproclamé obsédé sexuel, adepte de la prostitution et de l’échangisme, deux fois mis en cause dans des affaires de viol, peut-il reprendre tranquillement son poste de professeur à Sciences Po, quitte à ce que de nouvelles affaires éclatent au sein de l’enseignement public, entraînant cette fois la responsabilité de l’État si ce dernier avait négligé d’engager une procédure disciplinaire vu les circonstances ? Telle est la question que je pose aujourd’hui à Laurent Wauquiez, ministre français des Universités ainsi qu’aux parents de toutes les jeunes files - et en particulier des jeunes filles originaires des Antilles ou d’Afrique- qui vont entamer cette année un cycle d’études à Sciences Po.
Claude Ribbe

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