jeudi 29 septembre 2011

Besoin de dignité, devoir d’espoir



La France a endossé à l’ONU un rôle qui est à son honneur. Elle a alerté sur les dangers de rester sourds aux aspirations palestiniennes. Elle a été lucide sur l’échec d’une méthode. Elle a proposé un cap et un calendrier. Il y avait tout. Tout sauf peut être le courage de changer vraiment la donne. Car les perspectives sont minces de faire réussir aujourd’hui des négociations bloquées hier, sans élément changeant la donne, sans engagement israélien.
Le courage aurait été de dire oui les Palestiniens ont droit à la reconnaissance de leur Etat. Pour la simple raison que cette aspiration est le fondement même de l’Organisation des Nations Unies et de la Société des Nations qui l’a précédé. Il n’y a de légitimité de l’ONU que tant qu’est respecté le droit des peuples à l’autodétermination. De dire: non, il ne peut y avoir de compromis sur le statut qui ne soit vécu comme une humiliation, de plus par un peuple qui se sent déjà humilié. Existe-t-il un peuple palestinien ? Qui en doute ? Aspire-t-il à la reconnaissance d’un Etat ? Qui en doute ? Une fois que le principe est reconnu – et il l’est aujourd’hui par l’essentiel des forces politiques israéliennes- le droit d’un peuple à se constituer en Etat n’est pas une récompense mais un objectif commun.
Ce droit n’est pas davantage un remède à tous les maux, faut-il ajouter – mais les Palestiniens le savent, qui vivent la complexité du quotidien, des check points, des barrières, de ce pays en archipel.
Il y a deux façons de lire la demande palestinienne aujourd’hui. Soit on y voit un acte désespéré, pour solde de tout compte de dix huit ans de négociations de paix qui ont abouti à l’impasse. Cela ouvre alors sur une période extrêmement incertaine. Soit on y voit le cri de dignité capable de créer le sursaut, le réveil, le rappel de chacun à ses responsabilités. Nous avons bel et bien un devoir d’espoir.
Aujourd’hui, c’est bien d’un triple réveil qu’il s’agit.
Un réveil israélien. La reconnaissance d’un Etat palestinien peut être un acte fort pour permettre à Israël de s’éveiller de cette torpeur qui conduit au pourrissement du conflit israélo-palestinien. Il faut aider Israël à sortir de la dérive où l’entraîne sa peur depuis une décennie maintenant, une dérive faite de radicalisation du paysage politique, de recours systématique à la force – au Liban, à Gaza- d’une accélération de la colonisation, d’une logique du « avec nous ou contre nous ». La solution viendra, un jour, d’Israël, comme elle est venue, en Algérie, du général de Gaulle, capable d’éviter la cassure complète du corps social et civique, surtout parmi les Français d’Algérie, tout en faisant accepter le changement.
Un réveil palestinien, car ce qui apparaîtra avec un Etat reconnu, c’est ce qu’il reste à faire pour être à la hauteur de l’exigence d’un Etat. Et beaucoup a été fait au cours des dernières années par des personnalités compétentes et engagées comme Salam Fayyad qui a rendu possible une croissance économique impressionnante en Cisjordanie. Beaucoup reste à faire pour une réconciliation nationale entre les factions et les courants qui traversent le peuple palestinien.
Un réveil international, car faute de progrès au cours des dernières années, tout le monde a fini par accepter un conflit inexorable. Le Quartette avait presque disparu des écrans radars avant de soudain être à nouveau entendu dans l’urgence de la demande palestinienne à l’ONU. C’est donc que la démarche avait du bon. Il y a aujourd’hui une chance historique de dénouer le conflit israélo-palestinien. L’évidence est là : au-delà des efforts de Barack Obama, ce n’est pas des Etats-Unis que viendra le changement. C’est donc à l’Europe d’assumer un rôle plus important au Proche Orient.
Il faut que nous disions : nous vous avons entendu. Changeons de méthode, donnons nous un calendrier pour des négociations de bonne foi et dans un an l’ONU reconnaîtra pleinement un Etat palestinien indépendant.
Domique de Villepin

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