lundi 19 mars 2012

Inégalité républicaine et malhonnêteté médiatique


Chronique hebdomadaire de Philippe Randa

La campagne pour l’élection présidentielle française 2012 est terminée. Enfin, la première des deux campagnes. Celle que doit remporter tel ou telle candidat(e) pour avoir le droit de concourir. Pour certain(e)s, ce n’est qu’une formalité. Pour d’autres, c’est une épreuve que la plupart ne remportent pas… ou s’épuisent à réussir.
Cette première campagne appelle deux remarques.
La première, étonnante, est de voir qui, au final, a réuni les 500 parrainages d’élus… et qui ne les a pas réunis.
Que Nicolas Sarkozy, François Hollande, François Bayrou, Jean-Luc Mélenchon et Eva Joly aient déposés les leurs – et même bien davantage pour certains, comme s’il s’agissait d’impressionner les adversaires, un peu à la manière des boxeurs qui font jouer leur musculature avantageuse au moment de la pesée en décochant des regards haineux et en laissant fuser, parfois, quelques insultes ou menaces bien sonnées –n’est guère surprenant.

Que Marine Le Pen ait peiné à le faire est une habitude pour son mouvement. Qu’elle ait bluffé un peu, beaucoup ou pas du tout, voire que les partis institutionnels l’aient aidée in fine pour éviter l’aberration électorale qu’aurait représenté son élimination, peu importe. La quasi-totalité de la classe politique admet désormais que cette procédure nuit gravellent à la crédibilité de la démocratie française.

Mais que la candidate d’un mouvement dont le représentant obtient depuis plus d’un quart de siècle des scores de 14 à 18 %, qui se qualifia même pour le second tour en 2002 et dont les sondages l’ait donnée et la donne toujours susceptible d’arriver première, deuxième ou troisième cette année, soit susceptible d’être empêché de concourir, ne fut pas, cette année, le plus stupéfiant.

C’est bien plus encore l’échec de Dominique Galouzeau de Villepin à se présenter aux suffrages des électeurs.

Qu’un ancien Première ministre de la France dont les déclarations publiques n’ont jamais été des plus sulfureuses, dont la réputation ne souffre guère de « casseroles » – si ce n’est une inculpation dans l’affaire Clearstream pour laquelle la Justice a reconnu son innocence – soit empêché de concourir « faute des parrainages requis » et qu’il en ait appelé jusqu’à la dernière seconde à un « miracle républicain », laisse songeur.

Car soit l’ex-protégé de Jacques Chirac est un farfelu et on frissonne à l’idée que celui-ci ait pu occuper les fonctions qui ont été siennes à Matignon, soit il a considéré que les parrainages ne seraient pour lui qu’une formalité et son échec prouve qu’il s’agit bel et vient d’un parcours d’obstacles destiné à éliminer des rivaux politiques… ou à les contraindre à rentrer dans le rang, tel le centriste Hervé Morin ou la chrétienne Christine Boutin…

Mais cette première campagne présidentielle désormais close appelle à une deuxième remarque qu’étrangement, ou plutôt « à l’évidence », aucun média ne se fait l’écho : que valent les sondages quasi-quotidiens dont les Français ont été abreuvés depuis des mois concernant une élection où l’on ne connaissait même pas les noms de tous les candidats ?

Car la présence ou l’absence d’une Marine Le Pen – un temps envisagé, tout de même – celle de l’écologiste Corinne Lepage à laquelle aurait manqué 40 signatures et bien évidemment celle de Dominique de Villepin, changeaient la finalité des scores de la plupart des autres candidats… tout comme la présence ou l’absence d’un Carl Lang, ancien numéro 2 du Front national, qui affirme n’avoir manqué que d’une cinquantaine de parrainages pour disputer l’épreuve… et de Jean-Marc Governatori, dont beaucoup ont appris par le plus grand des hasards l’existence (entre autre à la lecture du quotidien Le Monde du 16 mars dernier), les velléïtés de candidature au nom d’une Alliance écologiste indépendante (si, si, ça doit exister !) et qui aurait obtenu, lui, 433 signatures…

À nouveau, deux hypothèses, soit ces candidats mentent sur le nombre de signatures en leur possession et il serait utile que le Conseil constitutionnel les oblige à prouver leur honnêteté en leur réclamant la preuve de celles-ci… soit la plupart d’entre eux disent la vérité et ont donc une crédibilité suffisante pour que plus de quatre centaines d’élus de la République leur apporte leur caution – à défaut de leur soutien – à se présenter à l’élection présidentielle.

Force est donc de constater que ni la démocratie française, ni les médias français, ne sortent véritablement grandis de l’affaire.

Mais si l’égalité républicaine et l’honnêteté médiatique étaient véritablement des préoccupations majeures de la vie politique française, cela se saurait. Évidemment.

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