mercredi 25 avril 2012

Europe : la politique, victime du populisme


Avec l’aggravation de la crise grecque, la question s’était posée à l’Europe : est-ce une fatalité de retenir un des États membres qui ne remplit plus les conditions du pacte ?
Ce qui vaut pour l’Eurogroupe vaut pour l’espace Schengen, si l’on en croit la campagne électorale pour l’élection présidentielle en France. Sarkozy a bien pris l’engagement de réactiver unilatéralement les frontières nationales si le dilettantisme des contrôles aux portes de l’espace Schengen perdure. Et François Hollande compte imposer la révision du pacte européen pour y inclure un volet croissance.
De plus en plus, les forces politiques en Europe évoluent dans une précarité qu’elles n’ont pas connue depuis la Seconde Guerre mondiale. L’exemple de la Belgique, contrainte de se priver durablement de gouvernement, illustre l’état d’instabilité politique vers laquelle convergent la plupart des pays du continent. Jusqu’ici, quelques rares démocraties, comme l’Italie, subissaient ces turbulences récurrentes du fait de leur système institutionnel. Désormais, le mouvement d’alternance traditionnel est menacé par la montée en puissance de conceptions extrémistes.
Les progrès électoraux de l’extrême droite semblent d’autant plus imparables que les forces politiques traditionnelles ne l’ont pas anticipée. Elles n’ont surtout pas anticipé les contraintes que l’évolution globale allait imposer à leurs sociétés. Après “les trente glorieuses” d’un développement linéaire, de “toujours plus”, elles ont continué dans la surenchère populiste autour d’un niveau de vie indéfiniment croissant et indéfiniment mesuré en termes de pouvoir d’achat.
Ni la raréfaction tendancielle des ressources, ni la concurrence des pays émergents et le rétrécissement relatif des marchés, ni le redéploiement de la puissance financière, ni les limites écologiques n’ont été pris en compte pour une éventuelle remise en cause du discours politique. C’est toujours à qui promettra, contre son élection, la meilleure prime aux plus larges catégories. Et pour tenir ces promesses, et ne pas compromettre ainsi sa réélection, on endette les États sans dire aux électeurs que c’est eux qu’on endettait.
Aujourd’hui, c’est à la finance qu’on reproche d’avoir spéculé sur une logique d’endettement que les gouvernements ont encouragée pour ne pas avoir à affronter la question de la réduction des ressources. Puisqu’il ne s’agit plus que de surenchérir, la pratique de la fuite en avant généralisée a promu un personnel politique au profil de joueur. Le discours glisse vers les extrêmes, avec avantage à l’extrême droite comme on vient de l’observer en France.
On commence par le plus facile : sus aux immigrés, source de chômage et d’insécurité, et même “à ceux qui ne travaillent pas”, sus à la concurrence déloyale de la Chine ! Et retour au protectionnisme patriotique, même à l’intérieur de l’Europe. Mais à ce jeu, on a toujours plus à droite que soi. Et le boulevard s’ouvre devant l’extrémisme.
Mais un jour, quand le tour sera fait des victimes expiatoires de la crise, il faudra bien prendre acte de la fin d’une époque. Ce jour-là, la politique sera réhabilitée. Et, en France, par exemple, la politique reprendra, comme en 1940 ou en 1958, ses lettres de noblesse et sortira de la misère conceptuelle dans laquelle le populisme triomphant l’a plongée.
Mustapha Hammouche

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