mardi 13 novembre 2012

Manif pour tous, mais importance discutable



Chronique hebdomadaire de Philippe Randa

Samedi prochain, 17 novembre, une « Manif pour Tous »(1) entend tenir le bitume un peu partout en France, en réaction au projet de loi socialiste du « Mariage pour Tous », soit pour les homosexuels revendiqués comme tel !

Intéressant, ça, une manif qui n’est pas organisé par les professionnels du bitume estampillés de gauche. On s’interrogerait d’ailleurs pour savoir s’il y a des professionnels de la manif de droite ? Fort peu. Depuis la IIe Guerre mondiale, la culture du défilé populaire a été un quasi-monopole des auto-proclamés damnés de la Terre, hormis ceux de quelques catégories professionnelles présumés davantage de droite que de gauche, telle médecins ou paysans, de mouvements confidentiels d’une droite dite extrême et du traditionnel hommage à Jeanne d’Arc, organisé chaque année à Paris par le Front national.

Rien de comparable, en tout cas, avec les innombrables manifestations du « peuple de gauche » aux revendications tellement permanentes qu’on a pris l’habitude de les entendre sans les écouter.

Cette manifestation est organisée par un collectif d’association dont les porte-paroles, tels qu’ils se présentent sur leur site(2), « ratissent » large : Laurence Tcheng de « La Gauche pour le Mariage Républicain », Xavier Bongibault de « Plus Gay sans mariage » et Frigide Barjot de « Pour l’Humanié Durable »… Et parmi les soutiens, Camel Bechikh, président de « Fils et Filles de France », association revendiquant le patriotisme musulman, et Lionel Lumbroso, président de l’association juive David & Eugena.

Si ça, ce n’est pas du rassemblement œcuménique, on veut bien être crucifié, lapidé ou égorgé, à défaut d’être… sauf si affinités, bien sûr !
Enfin, bon ! la « Manif pour Tous » entend battre en brèche toutes les barrières politiques ou religieuses et le prouve. C’est son côté extrême. Extrêmement sympathique, reconnaissons-le.

Sur la finalité de cette manifestation, on peut être plus réservé.

Certains font du mariage homosexuel – et de la possibilité qui sera donnée au couple ainsi officialisé d’adopter des enfants – le scandale majeur de ce début de siècle. L’horreur suprême. Et même une monstruosité quasi-criminelle, telle que le déclare le chanteur Hervé Vilard : « Je trouve ça épouvantable. Je vous le dis très sincèrement. Je pense qu’un enfant doit avoir un père et une mère. Je trouve ça insupportable. On est mal barrés. [...] Je trouve ça sordide. »(3)

D’autres encore voient dans ce projet de loi l’exemple même de la décadence des mœurs contemporaines, voire de la faillite de notre civilisation, si ce n’est de la fin programmée de l’humanité telle que l’ancien député Christian Vaneste s’en était ému dans une déclaration qui lui avait valu sa brocardisation médiatique, suivi, in fine, de son éviction de l’UMP.

Ces considérations aussi disproportionnées que parfaitement démentes ne font, évidemment, que répondre à l’hystérie financièrement ou médiatiquement intéressée des associations et politiciens instigateurs de ce projet de loi.

Renvoyons les uns et les autres dos à dos dans leurs contradictions.
Rappelons que les homosexuel(le)s représentent à peine 6 % de la population et qu’il n’y a pas 1 % de ces 6 % qui envisage aujourd’hui ou demain, de s’enfiler… une bague au doigt ; pour preuve les statistiques du Pacte civil de solidarité (Pacs) depuis qu’il a été voté en 1999 : sur un million de pacsés en France au 1er janvier 2010, les couples homosexuels ne représentaient que 6 % du nombre total de pacsés début 2009.(4) Tout ça pour ça !

Quant à l’adoption possible par les couples homosexuels, il s’agit là encore d’une énorme tromperie dont ils seront victimes et eux seuls : d’une part la « demande » étant déjà extrêmement plus importante que « l’offre », la priorité sera à l’évidence toujours donnée aux couples hétérosexuels dans les pays où des enfants sont proposés à l’adoption ; pays où les « mœurs particulières » sont généralement assez peu appréciées, quand elles sont tolérées… De plus, beaucoup des pays où l’on pouvait adopter des enfants ont tendance à restreindre – si ce n’est à interdire désormais – l’adoption internationale de leurs ressortissants.

Et puis, que l’on sache, il n’a jamais été interdit à un homosexuel d’entreprendre une démarche d’adoption ; si celle-ci aboutit – et ça arrive – il est seulement parent unique ; sa compagne ou son compagnon, s’il y en a un(e), n’a pas de droits sur l’enfant… comme souvent les beaux-pères ou les belles-mères dans les très nombreuses familles recomposées.

On n’a jamais entendu non plus qu’un parent biologique ait été déchu de ses droits parentaux après qu’il ait découvert ou déclaré son homosexualité…

Des homosexuel(le)s élevant des enfants, cela existe donc déjà ; ce ne sera pas une nouveauté. Là encore, tout ça pour ça, la belle affaire !

Quoique l’on pense du mariage homosexuel, qu’on le considère ou non comme une magistrale connerie – on en est certes plus à une près ! – force est tout de même de constater qu’il ne concerne qu’une minorité de la population et qu’il ne changera strictement rien à la vie de la grande majorité des citoyens… alors que la multiplication des radars sur les routes est un racket qui concerne des millions d’automobilistes, l’interdiction de fumer dans les lieux publics des millions de concitoyens, la réintégration de la France dans l’OTAN et donc la soumission de notre armée aux guerres impérialistes de l’Amérique avec les risques de représailles sur notre sol des populations agressées, l’ensemble des Français, la « solidarité » financière dans les dettes de pays comme la Grèce, le Portugal, l’Espagne et l’Italie (pour ne citer qu’eux) tous les contribuables, etc. etc.

Tous sujets pour lesquels personne à gauche ou à droite n’a jugé bon de tellement descendre dans la rue.

Les manifestants de samedi prochain entendent « dire non à un bouleversement majeur et dangereux… », « Parce qu’il y a urgence… », « Parce qu’il faut exiger le débat… », « Parce qu’il y a urgence pour la famille… », « Parce que nous avons une responsabilité historique… », «Pour que les citoyens se mobilisent… »(5)

Oui, pourquoi pas ! S’ils estiment que c’est là une priorité plus importante que d’autres…
Pendant ce temps, certes :
« Rien ne se vend, mais tout s’achète
L’honneur et même la sainteté
Ça va
Les États se muent en cachette
En anonymes sociétés
Ça va
Les grands s’arrachent les dollars
Venus du pays des enfants
L’Europe répète l’Avare
Dans un décor de mil neuf cent
Ça fait des morts d’inanition
Et l’inanition des nations
Ça va…
 »(6)

Notes
(1) Samedi 17 novembre 2012 : Partout en France. À Paris : 14h30, place Denfert-Rochereau.
(2) www.lamanifpourtous.fr.
(3) Déclaration faite dans l’émission « Les Grandes Gueules » sur RMC… Le célèbre auteur de Capri c’est fini en 1965 a révélé son homosexualité en 1967.
(4) Sources : www.lefigaro.fr, 8 février 2011.
(5) www.lamanifpourtous.fr/pourquoi-se-mobiliser.
(6) Le diable (Ça va), chanson de Jacques Brel.

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