lundi 21 juillet 2014

5 QUESTIONS D’UN TÉMOIN VISUEL SUR LA CONSTRUCTION DES ÉVÉNEMENTS DE LA RUE DE LA ROQUETTE


Lettre ouverte à François Hollande
en vue de voir levée l’interdiction de la manifestation
pour la paix entre Israël & la Palestine
prévue demain à Paris (la manifestation, pas la paix)

Paris, vendredi 18 juillet 2014

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Monsieur le Président de la République,

C’est entendu, les hordes mahométanes ont déferlé sur Poitiers en 732 de l’ère commune & sur la synagogue de la rue de la Roquette dimanche dernier, 13 juillet 2014. Concernant Poitiers, il est à noter que Charles Martel, un lointain prédécesseur de votre actuel Premier ministre, profita de l’occasion pour affermir son pouvoir puis usurper quelques années plus tard la fonction de votre lointain prédécesseur (un certain Thierry IV, bien oublié de la grande histoire): à bon entendeur... Concernant la synagogue de la rue de la Roquette, le nom de cette artère, probablement tiré d’un végétal se consommant en salade, ne devrait pas inciter à en raconter (des salades).

En effet, je puis témoigner, ayant été présent sur les lieux, que la version des faits qui a conduit à l’émoi national ainsi qu’à l’interdiction par votre gouvernement d’une manifestation pour la paix entre Israël & Palestine, demain samedi 19, pose (au moins) cinq questions.

Question n°1. Pourquoi parler
de «centaines d’assaillants»?

J’étais rue de la Roquette au moment & à l’endroit exacts de la confrontation entre vingt ou trente éléments perturbateurs (peut-être issus d’une autre manifestation pour la paix entre Israël & Palestine qui venait de s’achever à quelques dizaines de mètres de là, place de la Bastille) & une bonne cinquantaine de membres de la LDJ ou du Betar, assurant un service d’ordre ou bien plutôt de désordre - nous y reviendrons - de la synagogue précitée. Toutes les vidéos tournées, ainsi probablement que le rapport de la police qui a fini - nous y reviendrons aussi - par arriver, attestent ou devraient attester du faible nombre d’assaillants. Dès lors, pourquoi gonfler ce nombre?

Question n°2. Pourquoi occulter l’imprudence
des responsables de la synagogue?

Alors que la date, l’heure & le parcours de cette manifestation étaient déjà connus, la synagogue de la rue de la Roquette, située à quelques dizaines de mètres de son point d’arrivée, n’a rien trouvé de mieux à faire que d’organiser, à l’heure même de son arrivée, un événement intitulé «Israël on t’aime! Grand rassemblement de soutien». Or, chacun sait que la fin d’une manifestation est souvent le moment choisi par des éléments perturbateurs échappant au contrôle de ses organisateurs pour se livrer à des actes de violence: dès lors, il est imprudent & pour tout dire irresponsable sinon provocateur d’avoir choisi l’heure & le lieu même de la fin de cette manifestation pour organiser, en quelque sorte, une contre-manifestation, susceptible d’agir comme un chiffon rouge sur l’esprit de tels éléments.

Question n°3. Pourquoi occulter
les provocations de la LDJ?

Si le sens de la responsabilité de ladite synagogue peut ainsi être mis en cause, que dire de celle de la LDJ qui avait pour sa part, dans ces conditions, lancé un appel parallèle à cette contre-manifestation? Cette organisation, qui n’est pas spécialement réputée pour être un cercle de réflexion, a accumulé les provocations les jours précédents sur les réseaux sociaux, invitant les participants à la manifestation à venir l’affronter... devant la synagogue. Peu après 18 h. 00, revenant moi-même de cette manifestation (que je quittai, précisément, par la rue de la Roquette, n’étant pas au courant de la contre-manifestation organisée par la synagogue & par la LDJ), j’ai constaté un attroupement d’individus agités devant la synagogue, qui ne cessaient de courir vers un sens ou vers l’autre, hurlant sporadiquement «Kadima!» («En avant!», en hébreu) ou «Palestine, Palestine, on t’encule!» (sic) alors même qu’aucun groupe de manifestant ne se montrait encore à l’horizon. Craignaient-ils qu’il n’en arrive ou l’espéraient-ils? Dans les minutes ayant immédiatement précédé l’affrontement (survenu peu avant 19 h. 00), les membres ou sympathisants de la LDJ (dont l’un au moins se masquait le visage d’un foulard tête-de-mort semblable à celui ayant provoqué récemment un scandale dans l’armée française) ont ainsi multiplié les provocations verbales d’aussi loin qu’ils le pouvaient, face aux quelques manifestants qui commençaient de quitter la manifestation & empruntaient tout naturellement la rue de la Roquette (laquelle leur permettait de se rendre au métro Voltaire, la station Bastille ayant été fermée par la police). En outre, selon des membres du service d’ordre de la manifestation (que j’ai parcourue de bout en bout dans une ambiance pacifique sans entendre un seul slogan antijuif), les sbires de la LDJ n’auraient cessé de provoquer les participants de cette manifestation, tout au long de son parcours & en particulier place de la Bastille, les invitant à les suivre vers la rue de la Roquette ou vers le Marais, également situé à proximité.

Ainsi, au lieu de se faire discrète & de tout faire pour limiter les incidents (ce qui est une base de la sécurité qu’elle proclame rechercher), bien loin d’agir comme une protection ou comme un service d’ordre pour la synagogue ou pour le quartier juif historique du Marais, la LDJ a délibérément agi comme un «service de désordre» ou comme un «aimant à violences» pour ces deux lieux (au risque qu’en effet il n’arrive quelque chose de fâcheux aux habitant/e/s du Marais ou aux personnes se trouvant dans la synagogue de la rue de la Roquette). Dans quel but? Celui de justifier l’interdiction de prochaines manifestations pour la paix & de museler la société civile française, celle-là même qui vous a porté à la présidence de la République & qui est aujourd’hui choquée par la violence de l’État d’Israël envers une population civile captive, ne pouvant échapper à ses bombes, sujette à une véritable vengeance collective allant outre la loi du talion?

Question n°4. Comment expliquer
l’arrivée tardive de la police?

En de telles conditions, de 18 h. 00 environ jusqu’à la fin de l’affrontement finalement survenu peu avant 19 h. 00, alors qu’il était comme on l’a vu inévitable qu’une partie des manifestants passe devant la synagogue puisque la rue de la Roquette est l’une des artères qui rayonnent de la place de la Bastille, terme de la manifestation, il n’y avait que cinq ou dix agents de police devant cette synagogue. Pourquoi? Les renforts étaient-ils si loin? Que nenni, puisqu’ils sont arrivés rapidement & en nombre après que l’affrontement redouté (espéré?) eut éclaté: les quelques vidéos qui circulent & montrent des policiers chargeant (aux côtés de la LDJ...) quelques individus esseulés se déroulent en réalité à la toute fin de cet affrontement, lequel n’a pas duré plus de dix minutes en sa phase la plus intense (si l’on exclut la demi-heure l’ayant suivie d’un jeu du chat & de la souris entre les CRS & quelques jeunes du quartier finalement repoussés au nord de la place Voltaire).

Question n°5. Comment expliquer
la couverture partiale de la presse?

Dans les heures & jours qui ont suivi, la presse a fort peu couvert les quatre heures de manifestation pour la paix qui s’étaient déroulées de façon pacifique & sans débordement entre Barbès & la Bastille, se focalisant au contraire sur les dix minutes de violence de rue survenue dans ces conditions à l’issue de cette manifestation, en-dehors de son trajet comme du contrôle de ses organisateurs. Pourquoi?

Mercredi 16, alors que Mme Mouna Ben Aïssa, journaliste de France 24, s’efforçait à l’antenne & preuves à l’appui de démontrer que cette violence n’était pas survenue par hasard mais avait au contraire été construite par la LDJ sinon par les responsables de la synagogue eux-mêmes, elle s’est vue brutalement, avec une vulgarité & un machisme rarement vus, interrompue par son collègue M. Raphaël Kahane. Pourquoi?

De tout ceci, Monsieur le Président de la République, témoin des faits s’étant déroulés rue de la Roquette ce dimanche 13 juillet entre 18 h. 00 & 19 h. 30, heure à laquelle je suis rentré chez moi, je retire le sentiment d’une manifestation outrancièrement minorée par la presse & la police, d’une provocation du service d’ordre de la synagogue (en réalité composé essentiellement de la LDJ & du Betar, deux organisations peu connues pour leur pacifisme) passée sous silence par la presse & largement tolérée par la police, d’une manifestation fondatrice aussi car l’État français pourra difficilement continuer à ignorer la colère d’une partie importante de sa population face à la politique palestinienne de l’État d’Israël & face à son propre aveuglement quant à cette politique. La question palestinienne n’est pas une simple question de politique étrangère: de la même façon que la dignité bafouée des populations noires d’Afrique du Sud retentissait en France lorsqu’il s’agissait de dénoncer en France la politique d’apartheid de l’Afrique du Sud, la dignité bafouée des populations palestiniennes retentit partout où vivent des personnes attachées aux droits humains.

Alors que votre gouvernement a interdit, sur des bases aussi litigieuses voire aussi ostensiblement biaisées, la manifestation pour la paix prévue demain samedi 19, je souhaite que vous puissiez intervenir auprès de votre Premier ministre & de son ministre de l’intérieur & leur demander de rendre sa liberté d’expression à la société civile. En cet espoir, je vous prie d’agréer, Monsieur le Président de la République, l’expression de mon accablement.
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David Auerbach Chiffrin, porte-parole
d’Onzième Dom (Amicale des Français/es d’outre-mers
du XIème arrondissement de Paris & de leurs proches),
de Shechora Ani Venava (Amicale juive des personnes
lesbiennes, gaies, bi & trans de couleur),
de l’UJ2FOM (Union juive des Françaises & Français d’outre-mers)
et de la Fédération Total Respect (Tjenbé Rèd)
federation@tjenbered.fr
06 10 55 63 60


R É F É R E N C E S

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