samedi 4 juillet 2015

TITTYTAINMENT


“...Un cocktail de divertissement abrutissant et d’alimentation suffisante, permettra de maintenir en tranquillité, la population frustrée de la planète...”

Il s’appelle Zbigniew Brzezinski, cet universitaire et politologue américain d’origine polonaise, véritable éminence grise et intellectuel talentueux, est un de ces hommes qui, demeurant à l’arrière plan de la scène médiatique où s’exhibent les décideurs institutionnels, auront cependant le plus influencé les orientations de la politique américaine, en ayant été depuis près d’une quarantaine d’années, le conseiller particulier de plusieurs président des Etats Unis, dont l’actuel...

C’est au cours d’une de ces réunions telles que celle de Davos, où se rassemblent les puissants de ce monde pour définir par delà la consultation des peuples et parfois même, contre leurs avis exprimés, ce que devront être les orientations d’une politique globaliste, mais réunion qui se tenait celle-là à l’hôtel Fairmont à San Francisco en 1995, et à laquelle participait le dernier patron de l’Union Soviétique, Mikhaïl Gorbatchev, qu’il exposera son concept de “Tittytainment”. Ceci, en étant rejoint sur cette proposition, par une large partie des participants dont les analyses qu’ils faisaient de la situation, convergeaient...

Nous sommes maintenant une vingtaine d’années plus tard et nous ne pouvons que constater, avec un mélange à la fois de considération pour la pertinence intellectuelle de l’individu, et d’effroi quant au total cynisme avec lequel lui et ses comparses envisageaient le sort des humbles sur cette terre, à quel point cette projection était inspirée, pour ceux qui mettraient en œuvre ce principe à leur profit.

Car c’est bel et bien selon ce principe faisant des hommes ordinaires de simples objets que, du moins dans le monde occidental, les peuples se seront trouvés manœuvrés, maitrisés, et infantilisés, et tout cela, selon un gigantesque pied de nez aux idées de démocratie, de liberté, et de progrès que dans le même temps, on leur a vendues.

Ce mot “Tittytainment” est difficilement traduisible en français et il est constitué par la contraction des mots anglais, “tits”, qui est une forme argotique pour désigner les “seins”, et du mot “entertainment” signifiant le “divertissement”.

Dans une traduction littérale “tittytainement” signifierait donc quelque chose comme le “divertissement du téton”, mais il ne faudrait surtout pas croire qu’il y a là une quelconque allusion sexuelle. Il s’agit d’une métaphore basée sur le constat du plaisir qu’éprouve le bébé, et de la tranquillité dans laquelle il se trouve, lorsqu’il est en train de téter, au point parfois de s’endormir, pour indiquer le traitement que les puissants réservent aux peuples.

Car, tel sont pour ces gens les deux mots importants dans leur préoccupation qui est de parvenir à efficacement maitriser les peuples pour, soit leur imposer ce qu’ils ne désirent pas, soit leur refuser ce qu’ils désirent, “tranquilliser”, et “endormir”, cette option étant alors bien éloignée des méthodes autoritaires si souvent utilisées jusque là, mais contre lesquelles il est manifeste que ces peuples avaient toujours fini par se rebeller...

C’est ainsi que le tittytainment fut formulé autrement comme étant :

“ Un mélange d’aliments physiques et psychologiques pour endormir les masses et contrôler leur frustration et protestation prévisibles...”

C’est parce que l’évolution des choses dans les sociétés industrielles avancées du monde occidental, en particulier la montée irrépressible du chômage, ne cessait de vérifier jour après jour et sans qu’on comprenne exactement pourquoi, l’énoncé de Vilfredo Pareto, ce sociologue et économiste de nationalité italienne mais né à Paris et ayant fait ses études en France, que les responsables ont pris conscience de la fatalité chaotique de l’évolution de ces sociétés, par les déséquilibres qui n’allaient pas manquer de s’y produire...

Ce dont il est question ici est connu comme étant le “principe de Pareto” ou encore principe du “20/80”. Il s’agit d’une loi établie d’une façon statistique et empirique, mais dont la pertinence a été maintes fois vérifiée, et concernant laquelle Vilfredo Pareto, se contentant de l’utiliser pour ses affaires, n’a pas tenté de lui trouver une justification scientifique, ce qui l’aurait conduit bien trop loin, compte tenu de la grande étendue de son champ d’application. On peut la formuler de la façon suivante en disant que :

“ 20% des causes, impliquent 80% des effets...”

Sur un plan sociologique, il apparait que les acteurs les plus déterminants d’une société ne représentent que 20% des membres de celle-ci, et sur le plan productiviste, la traduction de ce principe que Pareto a vérifié lui-même dans les affaires qu’il menait est que :

“20% des producteurs, suffisent pour assurer à 80% des produits...”
“20% des acheteurs, suffisent à assurer 80% des ventes...”

Ces deux constats montrent que, tant concernant la production que concernant ce qui sous-tend celle-ci, c’est-à-dire la consommation, une minorité suffit à assurer l’essentiel de l’activité d’une société, de sorte qu’il ne reste plus à la majorité que l’accessoire à assurer.

Plus exactement, ceci signifie qu’à la limite de l’évolution actuelle de nos sociétés dans lesquelles la concurrence aura conduit à la faveur de la mécanisation et la robotisation, à une très forte augmentation de la productivité, 20% de la population suffisant à assurer 80% des besoins essentiels de celle-ci, il ne restera aux 80% restant que d’assurer 20% des besoins essentiels. Ceci, de sorte que cette majorité ne sera principalement vouée qu’à assurer des besoins accessoires et par le fait, selon des emplois précaires, dans cette société.

C’est donc presque exclusivement cette majorité des membres de la société qui va faire durement les frais du manque de charge de travail, au fur et à mesure que la mécanisation et la robotisation se substitueront à elle pour cela, et avec ceci notons le bien, que cela ne portera atteinte en rien au système, c’est-à-dire que cela ne l’empêchera pas de fonctionner et de le faire tout aussi favorablement, au bénéfice des 20% de privilégiés...

Car, ces 20% ne continueront pas moins de se partager 80% des revenus, lesquels sont liés aux activités essentielles qu’ils assurent eux-mêmes et qui se trouvent au départ, à l’abri de la baisse d’activité, avant qu’ils ne se trouvent éventuellement atteints à leur tour par celle-ci, ce qui ne se produira que dans un cas extrême, et alors même que cette baisse d’activité aura déjà terriblement affecté la majorité de la population...

D’autre part, si une trop forte baisse d’activité devait finir malgré tout par atteindre même les activités essentielles qui sont assurées par ceux de la minorité, en procédant à une délocalisation des activités menacées vers d’autres nations, pour constituer de la sorte une part de l’activité essentielle de celles-ci, ils auront vite fait de compenser et voire même de dépasser, la perte d’activité qu’ils auront subi en leur pays...

De tout cela il apparait donc clairement, tout d’abord, qu’une régression peut frapper très durement la majorité de la population d’une nation, sans que ceux qu’il convient alors d’appeler les “privilégiés” de celle-ci, n’en soient en rien affectés, et c’est bien ce que nous constatons avec le fait que les revenus de la classe aisée, n’ont pas cessé de croitre malgré la régression économique, et qu’il ne s’est jamais tant vendu de produits de luxe…

D’autre part, cette logique selon laquelle le sort de ces privilégiés ne se trouve plus lié solidairement à celui de leurs compatriotes, à pour effet de les soustraire de la solidarité nationale hors de laquelle ils entreprennent la quête de leurs intérêts, serait-ce au détriment de leurs compatriotes, et c’est bien ce que nous constatons aussi, par le fait que comblant leurs actionnaires, des sociétés deviennent de plus en plus florissantes en fermant leurs usines dans le pays qui les a vu naître, pour en ouvrir ailleurs...

Si donc la nation constitue encore pour le peuple, le cadre privilégié pour la recherche de son intérêt, il n’en est plus de même pour la classe des privilégiés. Car si jusqu’alors, dans leur quête d’enrichissement, les acteurs des activités essentielles s’employaient à développer celles-ci là où ils se trouvaient, en créant par cela des emplois, et les occasions pour leurs employés de produire de la richesse pour la nation, la mécanisation, la robotisation, et surtout, la globalisation découlant logiquement de la concurrence, ont eu pour effet que le cadre de la recherche de leur intérêt pour les privilégiés, est désormais un cadre supranational...

A ce sujet, on ne comprendra rien à la politique sournoise, traitresse et inavouable, “d’abandon”, qui se trouve menée dans ce pays depuis déjà plusieurs décennies, et ce, par ceux-là mêmes qui ont pourtant nominalement à charge de défendre ses intérêts, c’est-à-dire ses dirigeants, si on manque de remarquer que la nation ne constitue plus un cadre d’intérêt pour la classe des privilégiés à laquelle ces dirigeants justement, appartiennent. Elle constitue bien au contraire, avec ses lois sociales, ses exigences et surtout sa charge financière, un empêchement pour ceux-ci, de pouvoir pleinement s’accomplir selon leur privilège.

Si les citoyens de ce pays demeurent encore totalement consternés devant l’incapacité désespérante et définitive de leurs dirigeants et de quelque bord politique qu’ils soient, à régler le moindre des problèmes qui se posent à la nation, c’est parce qu’ils n’ont pas encore pris conscience que tel n’est justement pas la préoccupation de ces gens. Car, les principaux obstacles auxquels ils doivent faire face selon leur projet politique, sont tout d’abord la nation, avec ses contraintes, et le peuple, avec ses nécessités, ses exigences, et surtout, sa dangerosité.

Ainsi, selon ce qui par rapport au peuple et à la nation, ne peut pas porter d’autre nom que celui de “haute trahison”, ces dirigeants qui de toute évidence, n’exercent qu’au service de ceux auxquels ils doivent leurs carrières, ont ils présidé sans la moindre gêne à la désindustrialisation de la nation, à sa régression économique, à son endettement, la ruine de ses intérêts supérieurs, à la vente à des puissance étrangères, des plus beaux fleurons de son industrie, et pour couronner le tout, à la perte de son indépendance nationale.

Contre le peuple, et selon une marche forcée vers le moyen âge, ils ont démantelé en masquant leur malfaisance sous des arguments de raison totalement fallacieux comme ils sont devenus maitres dans cet exercice, tout un ensemble de dispositions en faveur d’un bien-être pour le plus grand nombre, qui avaient été acquises durant des décennies de lutte sociale, sans avoir eu cependant à affronter quelque sérieuse protestation de la part de la masse endormie.

Mais il doit être maintenant bien clair pour nous tous devant l’évidence des faits, que ces gens sont des ennemis déclarés de la nation, et du peuple...

Car, il était tout à fait possible que ces gains fantastiques de productivité acquis grâce à la mécanisation, à la robotisation, au développement des échanges, et à la mutualisation des connaissances tout autour de la planète, se fassent au bénéfice de tous, en libérant de la sorte partiellement l’homme de la contrainte du labeur, afin qu’il puisse positivement se réaliser selon toutes les autres dimensions de l’existence.

Des spécialistes ont ainsi calculé que, compte tenu des progrès accomplis dans les sciences et des techniques, dans une société qui serait intelligemment organisée en ce sens, deux heures seulement par jour, de notre temps, suffiraient amplement à satisfaire nos besoins fondamentaux et notre confort.

Cependant, un tel système qui impliquerait tout d’abord un partage équitable à la fois, du revenu global d’activité, qu’il soit monétisé ou nom, tout comme de la charge de travail et de la responsabilité que cela nécessite, et impliquerait également la participation la plus large possible aux prises de décision en vue de l’organisation de la cité. Ceci aurait pour effet de ruiner les privilèges liés, tant à la possession d’argent, qu’à l’exercice du pouvoir...

Il est clair que la classe privilégiée n’entend pas s’y résoudre et il lui faut pour pouvoir se maintenir, éloigner le peuple des bénéfices considérables tirés de la mécanisation et de la robotisation, pour pouvoir non seulement en jouir en exclusivité mais surtout, pour pouvoir en le privant, et en l’engageant à devoir emprunter de l’argent tiré de la richesse détournée qu’il a pourtant lui-même produite, constituer un instrument financier qui permettra de l’asservir.

Il s’agit d’autre part pour cette classe privilégiée d’éloigner le peuple par toute une série d’artifices conservant tous les aspects d’une procédure démocratique, de la décision politique et par là, du pouvoir. Et ceci particulièrement, en offrant à ses suffrages pour lui laisser l’illusion de décider, un choix d’options qui lui sont toutes défavorables, représentées par des hommes dont cette classe privilégiée à fait la carrière, et qui lui sont obligés...

Les armes utilisées sont alors la précarisation et la culpabilisation, pour empêcher de se rebeller, l’acculturation et l’abrutissement, pour enlever toute idée de se rebeller, et le tout, en maintenant malgré tout en toutes circonstances, un niveau minimal de subsistance...

Nous assistons donc à une politique de démantèlement de toutes les lois sociales qui avaient pour but de sécuriser les citoyens afin qu’ils puissent “s’établir” dans leur existence. Ceci, sous un flot d’arguments fallacieux qui prétendent que la précarité, qui pour l’occasion se trouve nommée flexibilité, en laissant croire qu’alors même qu’il y a un déficit manifeste d’emploi que, grâce à une mobilité générale, l’individu débarqué d’un endroit retrouvera sitôt une place ailleurs, constitue une condition imposée par la compétition internationale. Mais il doit être bien clair que le véritable but poursuivi, est de fragiliser ces citoyens.

C’est alors que, sachant pertinemment que pour des raisons logiques liées au principe de Pareto, le chômage de fera qu’augmenter, ce qu’il n’a d’ailleurs cessé de faire depuis déjà des décennies, et pour empêcher que ne s’ouvre un vaste débat à ce sujet concernant la répartition des tâches et des biens dans une société où la simple loi du marché ne permet plus de régler cette question, on s’emploie et avec succès il faut le dire, à culpabiliser les citoyens.

Ceci, en faisant davantage travailler ceux qui possèdent encore un emploi, sous le slogan de travailler plus pour gagner plus, ce qui permet de dire qu’il y a beaucoup de travail puisque les courageux en ont beaucoup à faire, et qui permet de laisser croire a contrario que ceux qui n’ont pas d’emploi ne sont tout simplement que ceux qui n’ont pas le même courage. Et tout cela, en faisant même colporter par les propagandistes de service, que de nombreuses offres d’emploi présentant pourtant tous les avantages en matière de salaire, de carrière, d’intérêt et de condition de travail, demeurent sans preneurs...

On promet alors depuis des années de supprimer les allocations minimales, à ceux qui refusent ces offres alléchantes mais remarquez le bien, par delà ces menaces constamment réitérées pour autant, on se garde bien de le faire, car le principe même du tittytainment c’est d’éviter les ventres vides tels que ceux-ci deviennent incontrôlables...

Les autres aspects de cette entreprise de domination résident dans l’acculturation, le divertissement abrutissant, le consumérisme, la promotion de l’individualisme narcissique et exhibitionniste lequel s’accompagne logiquement du désintérêt total pour la chose publique.

Ainsi, alors que les circuits d’un enseignement privé devant conduire leurs élèves aux grandes écoles, garantissent l’hérédité du privilège, la révision des programmes et la baisse des exigences aura permis de proclamer l’égalité des chances, en permettant à tous ceux du peuple d’obtenir un diplôme, même si celui-ci ne conduit qu’à des circuits universitaires sans issue.

Ce simulacre d’un peuple bien éduqué et bien formé sur une base égalitaire, parce que totalement diplômé, se trouve prolongé par le développement grâce à l’appareil médiatique de divertissement, de toute une sous-culture. Ceci, en faisant applaudir sur des plateaux, afin que ce peuple en fasse ses idoles, des individus grossiers qui ne sollicitent le peuple que par ses instincts primaires, ce qui le prive de demeurer en alerte quant à une nécessaire exigence intellectuelle, et qui le met surtout hors de pouvoir entendre le chant que quelque sirène révolutionnaire...

Bien sûr, la plus belle réussite de cette entreprise, c’est d’être parvenu à totalement inhiber le peuple et le maintenir en place, en faisant en sorte qu’il se retrouve pieds et mains liés à un téléphone, et de lui avoir rendu détestable pour qu’il s’en désintéresse complètement, tous les aspects de la vie politique. Ceci, par la promotion aux postes des plus hautes responsabilités nationales, d’hommes parmi les plus médiocres et aux mœurs dissolues, qui mettent ne œuvre des politiques dont la vanité se révèle jour après jour, afin que soient une bonne fois désacralisées ces fonctions, et par le fait, l’exigence démocratique...


                                    Paris, le 4 juillet 2015
                                        Richard Pulvar   

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