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dimanche 17 janvier 2010
Aider, bien sûr, mais pas n'importe comment
L'administration de l'aide internationale est généralement confiée à du personnel issu du pays bailleur de fonds. Pour réaliser la promesse du développement, il faut changer cette pratique et embaucher du personnel local, estime un auteur américain qui connaît bien Haïti.
Quiconque connaît un peu l'histoire d'Haïti a dû se dire en regardant les informations, comme je l'ai fait : "Un tremblement de terre ? Et quoi d'autre, encore ? Ces pauvres Haïtiens sont maudits." Mais, si les séismes sont des catastrophes naturelles, la terrible vulnérabilité du pays est, elle, due à l'homme. Et l'histoire de cette vulnérabilité aux désastres – inondations, famines, épidémies, mais aussi ce monstrueux tremblement de terre – est longue et complexe, bien qu'ayant une explication évidente.
Haïti a été créé par d’anciens esclaves, des Africains de l'Ouest arrachés à leur terre qui, en 1804, alors que l'esclavage prospérait encore aux Etats-Unis et dans les Caraïbes, chassèrent leurs cruels maîtres français et fondèrent leur propre république. Depuis, les habitants n'ont cessé de payer le prix d'avoir revendiqué leur liberté. Les Français les ont châtiés, exigeant dans les années 1820 d'être dédommagés pour la perte de leur colonie négrière, ce qui a appauvri le pays pendant des années. Puis, de 1915 à 1934, Haïti a subi une occupation américaine souvent brutale, sans parler de la mauvaise gestion des autorités locales soutenues par Washington. Depuis quelques années, les gouvernements américains ont eu tendance tantôt à soutenir, tantôt à saper la démocratie constitutionnelle haïtienne.
D'où la situation que l'on connaît : quelque 10 000 ONG se chargeraient de missions théoriquement humanitaires sur place, mais le pays reste l'un des plus pauvres du monde. Une partie du financement dont dépendent les organisations humanitaires vient des Etats-Unis, qui insiste pour qu'une portion non négligeable de l'aide retombe dans des poches américaines – un pourcentage supérieur à celui de tout autre pays industrialisé. Mais ce n'est là qu’un des éléments du problème. Dans l'arène de l’aide internationale, beaucoup d'opérations, passées et présentes, semblent avoir dès l'origine été vouées à l'échec. Ainsi, certains projets étaient manifestement conçus non pour les Haïtiens démunis mais dans l'intérêt des responsables de leur pauvreté. Plus grave encore, beaucoup d'organisations sont visiblement incapables – et certaines refusent même – de travailler en partenariat les unes avec les autres ou, ce qui est essentiel, avec le secteur public de la société qu'elles sont censées servir.
On invoque toujours la même cause pour expliquer cette situation, à savoir qu'un gouvernement comme celui d'Haïti est faible et corrompu. Une excuse qui ne tient pas debout, car ce serait là une raison de plus, en réalité, de travailler avec lui. L'aide qui afflue ne devrait avoir qu'un seul but : le renforcement des institutions, des infrastructures et de l'expertise haïtiennes. Depuis le séisme, la liste de ce qui fait défaut à Haïti – des emplois, des vivres, un programme de reforestation – s'est soudain considérablement allongée. Le tremblement de terre a principalement touché la capitale et ses environs, la région la plus peuplée du pays, où se trouvent les quartiers généraux d'organisations comme la Croix-Rouge et les Nations unies. Plusieurs sites qui auraient pu servir à coordonner les secours – dont l'hôpital central – sont en ruines.
Mais on trouve aussi à Haïti des organisations humanitaires efficaces. L'une d’entre elles au moins a été épargnée par le drame. Partners in Health, Zanmi Lasanté en créole haïtien, est le plus grand prestataire de santé dans les communes rurales du pays (je fais partie de son comité de développement). Elle gère, en collaboration avec le ministère de la Santé haïtien, une dizaine d'hôpitaux et de cliniques, situés loin de la capitale et toujours intacts. Dans le sillage du cataclysme, Partners in Health est peut-être aujourd'hui le principal prestataire de santé toujours opérationnel à Haïti. Heureusement, c'est aussi un solide modèle d'indépendance : seule une poignée d'Américains sont impliqués dans son fonctionnement quotidien, tandis que les Haïtiens y sont aux commandes. Ce sont des programmes comme celui-ci qui pourraient permettre au pays de reconstruire, tout en renouant avec les promesses nées de sa révolution.
L'auteur a écrit sur Haïti Mountains Beyond Mountains (Les montagnes au-delà des montagnes).
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