vendredi 15 janvier 2010

"Ça ressemblait à un bombardement pendant une guerre"


Ils s'appellent eux-mêmes "les rescapés de l'enfer". Les 91 premiers rapatriés français qui ont échappé au séisme d'Haïti sont arrivés, jeudi 14 janvier, à l'aéroport de Fort-de-France, en Martinique, acheminés dans trois avions des forces armées aux Antilles. Tous gardent en mémoire des images effroyables, se sentant presque coupables d'avoir "abandonné" un pays en ruines avec ses dizaines de milliers de morts.

Certains ont été pris en charge au CHU de Fort-de-France. L'établissement hospitalier devrait être utilisé comme base arrière pour venir en aide aux blessés de Port-au-Prince, la capitale haïtienne. D'autres ont trouvé refuge dans un hôtel du sud de l'île, à une trentaine de kilomètres de Fort-de-France. Les membres d'une cellule d'écoute psychologique les entourent.

A l'ombre des palmiers, ils se parlent, tentent de se rassurer. Une véritable solidarité s'est créée entre eux. Une jeune mère propose des vêtements de rechange à une autre qui n'a quasiment rien pu emporter. Certains veulent regagner au plus vite la métropole, alors que d'autres préfèrent attendre leurs proches qui viennent d'être hospitalisés. Beaucoup attendent des nouvelles de ceux qui sont encore à Haïti.

L'un des membres de la cellule d'écoute psychologique, explique que le plus difficile pour ces rescapés reste à venir. Les témoignages le confirment : "Ça ressemblait à un bombardement pendant une guerre. C'était terrorisant : les cris, la souffrance, les pleurs, la ville qui brûle, un vrai paysage d'horreur", témoigne Gilles Zvunka, un ingénieur-expert en radio téléphonie pour Astellia, une société française de conseil

Au moment du séisme, il se trouvait sur un chantier sur les hauteurs de Port-au-Prince. "J'ai décidé de regagner l'hôtel Montana où je logeais. J'ai dû marcher pendant dix kilomètres. Au bout de deux heures, je me suis aperçu qu'il était effondré."

VISION APOCALYPTIQUE

Les yeux rougis par la douleur, Marie-Hélène Lestrohan, retraitée de 64 ans, fait part de son désarroi: "Aujourd'hui, je ne sais rien de mes amis, je ne sais pas s'ils sont morts ou vivants et je ne le saurai pas avant longtemps… Je ne sais pas à l'heure qu'il est si je reverrai Haïti un jour, non pas parce que j'ai peur, mais pour quoi faire ?"

Une vision apocalyptique que Pierre Martinez ne pourra oublier. Professeur en sciences du langage à l'université de Paris-VIII, il dispensait des cours à Haïti lorsque le bâtiment s'est effondré : "J'ai une pensée pour les gens qui vont vivre des heures et des jours de plus en plus difficiles, les gens vont commencer à manquer d'eau, de tout, parce qu'il y a des morts partout, parce que personne n'a la force morale d'enterrer ces morts…"

Plusieurs de ces "rescapés de l'enfer" ont quitté la Martinique jeudi soir pour regagner la métropole où ils seront pris en charge dès leur arrivée par une cellule du Quai d'Orsay.

Hervé Brival

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