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vendredi 15 janvier 2010
Haïti : colère et désespoir de la population, casse-tête logistique pour les secours
Trois jours après le séisme qui a frappé Haïti et fait des milliers de morts, la population commence a exprimer sa colère face aux lenteurs de la distribution de l'aide arrivée du monde entier
Dans les rues de la capitale Port-au-Prince, les survivants du séisme du mardi 12 janvier ont passé une troisième nuit dans le chaos, au milieu des ruines, de la puanteur des cadavres et de la violence.
Une trentaine de pays participent déjà aux opérations d'aide sur place, selon le département d'Etat américain, mais les difficultés sont immenses.
L'aéroport de Port-au-Prince, équipé d'une seule piste, est totalement engorgé par le trafic des avions transportant aide humanitaire et équipes de secours. Les communications sont en piètre état et les déplacements entravés par des routes détruites ou bloquées. Pour ajouter aux difficultés logistiques, les secouristes sont confrontés aux risques de pillages et aux défaillances des structures locales.
Un porte-avions américain pour soulager l'aéroport
Un porte-avions américain à propulsion nucléaire, l'USS Carl Vinson, était attendu incessamment afin de servir de base flottante pour les rotations d'hélicoptères, un élément du dispositif de secours essentiel pour soulager l'aéroport. Le bâtiment dispose en outre d'un système de purification d'eau, de dizaines de lits médicalisés et de trois salles d'opération. Sa présence permettra d'évacuer des blessés et de transporter des médecins, ainsi que de grandes quantités d'eau potable.
L'armée israélienne a quant à elle envoyé vendredi deux avions d'aide et une équipe médicale de 220 personnes chargée de créer un hôpital de campagne.
Sur place, plusieurs équipes venues des Etats-Unis, de France, de République dominicaine ou du Venezuela étaient déjà à pied d'oeuvre. Dans les débris de l'hôtel Montana à Port-au-Prince, des sauveteurs français ont ainsi secouru jeudi sept Américains et une Haïtienne, tandis que des secouristes américains sauvaient une Française.
40.000 à 50.000 morts selon la Croix-Rouge
L'insécurité reste l'un des principaux problèmes pour les équipes de secours. "Il y a des pillages et des gens armés, parce que c'est un pays très pauvre et qu'ils sont désespérés", observait Delfin Antonio Rodriguez, chef des opérations de la défense civile dominicaine, déplorant des vols de matériel.
Difficulté supplémentaire, les sauveteurs risquent de devoir travailler sans que les autorités locales ne soient capables de coordonner leurs efforts, les principales infrastructures du pays étant détruites.
De 40.000 à 50.000 personnes pourraient avoir péri, selon une estimation communiquée jeudi par Xavier Castellanos, directeur pour les Amériques de la Fédération internationale de la Croix-Rouge.
"Au cours des dernières heures, 7.000 personnes ont été enterrées", a déclaré jeudi soir le premier ministre péruvien Velasquez Quesquen depuis l'aéroport de Port-au-Prince où il coordonnait l'aide de son pays, après s'être entretenu avec le président haïtien René Préval.
Mais les cadavres continuaient de joncher les rues. "Nous avons passé la journée à ramasser des cadavres (...) Il y a tant de corps dans les rues que les morgues sont pleines, les cimetières sont pleins", a témoigné le chanteur américano-haïtien Wyclef Jean, venu prêter main-forte à ses compatriotes.
Selon les agences onusiennes, 3,5 millions de personnes ont subi les secousses les plus vives à Port-au-Prince et ses environs, à 17 km de l'épicentre du tremblement de terre. "Les premières estimations montrent que 10% des habitations à Port-au-Prince ont été détruites, ce qui signifie que 300.000 personnes se sont retrouvées sans abri", explique le Bureau de coordination des affaires humanitaires (Ocha) de l'ONU. Au total, 30% des bâtiments de la ville seraient dévastés ou gravement endommagés, selon l'agence de Stratégie internationale de prévention des catastrophes naturelles.
Le Programme alimentaire mondial (PAM), dont les réserves ont été pillées à Port-au-Prince, prévoit une assistance alimentaire d'urgence pour deux millions de personnes.
Colère contre le peu de réactivité du gouvernement
Beaucoup d'Haïtiens exprimaient leur colère contre le peu de réactivité de leur gouvernement. Dans les rues, des bandes de jeunes tentant tant bien que mal de porter secours aux rares survivants criaient leur rage face aux 4X4 des diplomates ou des travailleurs humanitaires qui passaient sans s'arrêter. "Il n'y a pas de gouvernement. On n'a pas d'autorités", déplorait une femme.
L'ancien président Jean-Bertrand Aristide, en exil en Afrique du Sud, s'est dit vendredi prêt à rentrer dans son pays pour "aider à reconstruire". "Nous sommes prêts à rentrer aujourd'hui, demain, à tout moment, pour rejoindre le peuple d'Haïti, partager ses souffrances et aider à reconstruire le pays", a déclaré à la presse l'ex chef d'Etat qui a dominé la vie politique haïtienne pendant près de 15 ans avant d'être contraint de quitter son pays en 2004, confronté à une insurrection armée et des pressions internationales.
Une réunion au sommet a eu lieu jeudi soir à la Maison-Blanche entre des représentants de différentes agences et administrations américaines. Un conseiller à la sécurité nationale du président Barack Obama devait partir dans la foulée pour Haïti avec un responsable du Pentagone afin d'assurer la coordination des secours.
Le gouvernement américain a annoncé jeudi 100 millions de dollars d'aide. La Banque mondiale et le FMI ont chacun annoncé une enveloppe similaire. Face à l'ampleur des dégâts, les Nations unies s'apprêtent à lancer un appel de fonds d'urgence vendredi à New York. L'organisation a déjà reçu des promesses d'aide à hauteur de 268,5 millions de dollars d'une vingtaine de pays, institutions et entreprises.
AFP
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