jeudi 14 janvier 2010

Haïti: la douloureuse cohabitation des morts et des vivants


TREMBLEMENT DE TERRE | Les survivants errent comme perdus dans les rues, tentant de dégager des blessés à mains nues. Pas la moindre ambulance, pas de pompiers, encore moins de pelleteuses.

Les gémissements d'un bébé résonnent sous les décombres, au milieu d'un groupe d'hommes qui tente de le dégager. Soudain, la terre tremble à nouveau, comme elle l'a fait des dizaines de fois depuis le séisme qui a éventré Port-au-Prince.

Les sauveteurs battent en retraite dans un mouvement de panique. Tous, sauf Jeanwell Antoine, qui continue à tenir la main de l'enfant et cherche à le réconforter. "Ce n'est pas moi qui dégage ces gravats. C'est la main de Dieu qui aime la vie et m'a guidé jusqu'ici pour sauver ce bébé", explique le sauveteur.

Les mêmes scènes se répètent partout mercredi soir dans la capitale haïtienne, 24 heures après le séisme dont le bilan reste inconnu mais pourrait dépasser les 100.000 morts.

Dans les maisons en ruines, les corps des victimes restent dans la position qui était la leur au moment du drame: un couple surpris pendant la sieste, des petites filles recouvertes de poussière, des femmes presque dévêtues dont les yeux restent ouverts de frayeur. Dans les carcasses de voitures accidentées, des corps carbonisés sont toujours là.

Les corps retirés des décombres sont alignés dans les rues, à même le sol, recouverts d'un drap. Une sinistre procession qui tire les larmes des habitants.

"Au secours ! Mon mari est coincé là-dessous. Par pitié, aidez-moi, je sais qu'il est vivant", implore une femme.

Rue Saint-Honoré, dans le centre-ville, un homme recouvert de poussière garde depuis le séisme le pied coincé dans une voiture accidentée, entouré de voisins qui ne parviennent pas à le dégager. Sa jambe semble atteinte d'une hémorragie interne. "Il mourra avant qu'on arrive à le tirer de là", murmure Wilson, un étudiant en sociologie qui assiste à la scène.

Des habitants ont récupéré le peu qu'ils possédaient dans leur maison en ruine pour installer un logement de fortune. Ils attendent que quelqu'un vienne leur offrir un peu d'eau ou de riz.

Les plus vieux pleurent en pensant à leurs enfants qui sont morts ou à leur famille dont ils n'ont pas de nouvelles. La secousse a coupé les lignes téléphoniques.

"Qu'a donc fait notre pays pour mériter un tel malheur?", se demande Rody Baptista, un octogénaire assis sur une chaise à la porte de ce qui était sa maison. Il ne quittera pas les lieux tant qu'il n'aura pas récupéré les corps de ses deux enfants enterrés sous le tas de décombres, assure-t-il.

A quelques mètres de là, un groupe de femmes chante en tapant dans ses mains. Un air gai qui contraste avec la tristesse des lieux mais leur rappelle qu'elles ont la chance d'être encore en vie. Soudain, une nouvelle réplique du tremblement de terre les remplit de frayeur.

"Vous pensez que la Terre pourrait se remettre à trembler aussi fort?", demande l'une d'entre elles. "Dieu seul le sait", obtient-elle pour toute réponse.

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