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mardi 26 janvier 2010
La République dominicaine, voisine solidaire et base arrière des secours pour Haïti
Port-au-Prince et Saint-Domingue, correspondant
Sonia Marmolejos, une jeune Dominicaine, allaite deux bébés à la fois. Un à chaque sein. Elle vient de donner naissance à l'un d'eux. L'autre est un nouveau-né haïtien dont personne ne connaît l'identité, qui a été évacué vers Saint-Domingue, en état de choc.
"Quand je l'ai vu, je n'ai pas hésité", dit-elle depuis son lit de l'hôpital Dario-Contreras, dans la capitale dominicaine, où plusieurs centaines de blessés haïtiens ont été accueillis depuis le séisme qui a dévasté Port-au-Prince le 12 janvier. Des personnalités haïtiennes, comme le président du Sénat, Kelly Bastien, et des fonctionnaires des Nations unies ont été soignés en République dominicaine.
Partageant l'île d'Hispaniola avec les Haïtiens, les Dominicains se sont immédiatement et massivement portés au secours de leurs voisins. Des quartiers les plus pauvres aux dynasties de l'oligarchie, un immense élan de solidarité s'est manifesté, balayant des décennies de suspicion et de frictions entre les deux pays.
PAR HÉLICOPTÈRE, PAR LA ROUTE ET PAR BATEAU
Le président dominicain Leonel Fernandez a été le premier chef d'Etat à se rendre en Haïti, deux jours après le séisme. Il a mobilisé toutes les ressources des organismes de secours de son pays pour venir en aide aux victimes et a débloqué 11 millions de dollars (8 millions d'euros) d'aide humanitaire.
Les premiers engins de chantier et les premières ambulances à intervenir dans la capitale haïtienne en ruines venaient du pays voisin. Par hélicoptère, par la route et par bateau, plus de 3 millions de rations alimentaires et 11 millions de litres d'eau potable ont été acheminés de République dominicaine vers Haïti en moins de dix jours. Des experts dominicains ont été envoyés pour rétablir les liaisons téléphoniques.
"Les aliments sont stockés dans le hangar de la Société nationale haïtienne des parcs industriels. Nous les répartissons avec l'aide de la Croix-Rouge haïtienne", explique Pastor Vazquez, le diplomate qui coordonne les secours à l'ambassade dominicaine, à Port-au-Prince.
Des centaines de particuliers, d'entreprises, d'établissements comme le lycée français et d'associations de quartier se sont mobilisés, organisant des convois de vivres, d'eau potable et de médicaments. "Nous avons donné à nos frères haïtiens tout ce que nous avions stocké pour un éventuel cyclone", dit Marco Maceo, le président de la Fondation pour le développement de San Cristobal, à une vingtaine de kilomètres à l'ouest de Saint-Domingue.
La République dominicaine est également devenue la base arrière des secours qui arrivent du monde entier. Pour désengorger l'unique piste de Port-au-Prince, deux aéroports, celui de Barahona, ville proche de la frontière, et la base aérienne de San Isidro, près de la capitale, ont été mis à la disposition du commandement américain qui coordonne l'acheminement de l'aide.
En moins de huit jours, la direction de l'aviation civile a autorisé, sans formalités, l'atterrissage de 102 avions chargés d'aide humanitaire. Les cargaisons sont acheminées par la route, via le poste-frontière de Jimani. Le président haïtien René Préval a accepté le déploiement de 150 militaires dominicains sur son territoire pour sécuriser le corridor humanitaire entre les deux pays, ce qui aurait constitué un sujet sensible en d'autres temps.
L'hôpital de Jimani, petite ville située à moins de 60 km de Port-au-Prince, a été le premier à recevoir les blessés haïtiens. "Nous étions débordés, nous avons dû faire un grand nombre d'amputations", raconte le docteur Idalia Zapata, une orthopédiste de Saint-Domingue qui s'est portée volontaire pour renforcer l'équipe du petit hôpital General-Melenciano.
SANS-PAPIERS
Leonel Fernandez a assoupli les contrôles migratoires pour permettre l'entrée des blessés et la circulation des sans-papiers souhaitant retourner en Haïti. La présence en République dominicaine de près d'un million de migrants haïtiens, pour la plupart en situation irrégulière, est un des principaux facteurs de tension entre les deux pays. Si des emplois ne sont pas créés rapidement pour la reconstruction en Haïti, le nombre d'immigrants illégaux risque d'augmenter en République dominicaine, ce qui raviverait les conflits.
L'heure est à la solidarité, mais aussi, pour les entreprises dominicaines, aux perspectives d'importants contrats pour participer à la reconstruction d'Haïti.
"Nous avons échappé de justesse au désastre qui a frappé nos frères haïtiens, mais nous avons senti le vent du boulet. De nombreux Dominicains sont en état de choc émotionnel", assure le psychiatre César Mella.
Beaucoup s'interrogent sur la solidité de leur logement ou de leur lieu de travail. A commencer par Leonel Fernandez, qui a demandé une évaluation de la vulnérabilité du palais présidentiel face au risque sismique.
Jean-Michel Caroit
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