lundi 18 janvier 2010

L'aide s'organise pour les sinistrés en Haïti, 70.000 corps enterrés


Les opérations de secours montaient en puissance lundi à Haïti où 280 centres d'accueil devaient ouvrir pour tenter de répondre à la détresse des sinistrés qui manquent de tout, moins d'une semaine après le séisme qui a laissé plus de 70.000 morts derrière lui.

Face à une situation chaotique et à une population aux abois, le gouvernement haïtien a décrété dimanche l'état d'urgence jusqu'à la fin du mois.

Un deuil national de 30 jours a été décidé et les drapeaux des bâtiments officiels mis en berne en hommage aux victimes.

Jour après jour, le bilan s'alourdit dans le pays caraïbe: 70.000 cadavres ont été enterrés dans des fosses communes, a affirmé dimanche le secrétaire d'Etat à l'Alphabétisation, Carol Joseph, alors qu'un bilan estimé par les forces américaines évoque jusqu'à 200.000 morts.

La secousse a fait au moins 250.000 blessés et 1,5 million de sans-abri.

"La vie est vraiment dure. On n'a plus rien", se lamente Jean Osée, 40 ans, qui campe avec sa famille sur un jardin du Champ-de-Mars de Port-au-Prince.

Ils sont des milliers à vivre dans ce bidonville improvisé à deux pas du palais présidentiel partiellement détruit, symbole d'un pouvoir haïtien décapité par la catastrophe.

Tout autour d'eux, des voitures accidentées et des bâtiments tordus par le séisme sont figés dans la même position depuis mardi. Une paire de jambes et un matelas émergent de la carcasse d'un hôtel. Une forte odeur d'urine flotte.

"Nous n'avons ni eau ni savon. Nous n'avons pas changé de vêtements depuis que nous sommes arrivés ici", dit la femme de Jean.

L'urgence est désormais d'éviter une énorme catastrophe sanitaire: sans accès à l'eau potable, à des sanitaires, les risques d'épidémie augmentent.

Pour répondre aux besoins des Haïtiens, 280 centres d'urgence devaient être ouverts à partir de lundi pour distribuer des vivres et héberger les sans-abri, selon une source gouvernementale haïtienne.

Ces centres pourront en moyenne accueillir 500 personnes et seront installés sur des places publiques, dans des cours d'école, des églises, dans la capitale Port-au-Prince et six villes alentour.

Dans un camp de réfugiés de Challe où 10.000 Haïtiens cohabitent dans des abris de fortune construits avec des bâches et des planches de bois, une distribution de rations a eu lieu dimanche sous la protection des casques bleus.

"Dans ce genre de camp, ça peut très vite dégénérer", explique l'un deux. Les humanitaires distribuent des petits paquets de biscuits secs. "On attend depuis mardi et il n'y a que ça!", s'emporte un père de famille.

La communauté internationale s'est massivement mobilisée pour aider le pays le plus pauvre des Amériques. Mais les efforts sont entravés par des difficultés logistiques: l'aéroport est engorgé, le port a été détruit et les routes sont souvent coupées par les décombres.

Selon un officier américain, quelque 600 mouvements d'avions ont pu avoir lieu depuis mercredi soir à l'aéroport de Port-au-Prince, un équipement prévu pour faire décoller quelques avions par jour en temps normal. La tour de contrôle reste inutilisable.

Le président haïtien René Préval devait se rendre lundi à Saint-Domingue pour une première réunion internationale destinée à préparer la conférence des pays donateurs organisée le 25 janvier à Montréal.

Lundi également, le Conseil de sécurité de l'ONU devait tenir une réunion spéciale consacrée à Haïti, et Bill Clinton, émissaire spécial de l'ONU pour ce pays, est attendu dans l'île.

Le séisme est "la plus grave crise humanitaire depuis des décennies", a estimé le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, qui a survolé dimanche la capitale haïtienne en ruines.

"Je suis ici pour dire que je suis avec vous. Vous n'êtes pas seuls", a-t-il dit, promettant d'accélérer le rythme des opérations de secours.

Quelque 43 équipes internationales sont engagées sur place, totalisant 1.739 sauveteurs et 161 chiens.

Trois Haïtiens ont été extraits à l'aube des décombres d'un supermarché et un fonctionnaire danois des Nations unies a également été retrouvé presque indemne. "Un miracle", a dit Ban Ki-moon.

En fin de soirée, après douze heures d'une intervention à haut risque, une cinquantaine de secouristes américains et français, épaulés par une douzaine de casques bleus brésiliens, ont libéré une jeune Haïtienne, prisonnière des ruines de sa maison et que ses parents croyaient morte.

"Il y a une poutre en béton qui coince son bras droit et il faudra amputer pour la sortir", avait averti un médecin français.

Ces rescapés s'ajoutent aux 70 survivants retrouvés à Port-au-Prince depuis l'énorme secousse d'une magnitude 7. Mais, signe que les chances de retrouver des rescapés s'amenuisent comme peau de chagrin, des secouristes belges et luxembourgeois ont regagné Bruxelles dimanche soir.

En tête des opérations de secours, les forces américaines ont déployé un puissant dispositif militaire et au total, 12.500 soldats américains devaient être sur zone lundi. 2.200 Marines devaient arriver lundi et le navire-hôpital américain Comfort mardi. Le président Obama a ordonné dimanche la mobilisation de réservistes pour participer à des missions humanitaires.

L'amiral Ted Branch, commandant du porte-avions Carl Vinson déployé au large de Port-au-Prince a assuré que les GI's faisaient "de mieux en mieux chaque jour" pour fournir des vivres.

Lors d'une cérémonie oecuménique en la cathédrale nationale à Washington, l'ambassadeur d'Haïti aux Etats-Unis, Raymond Joseph, a salué le "soutien extraordinaire" venant de toute la planète: "Ce que vous faites ce soir ne devrait jamais s'arrêter".

Clarens RENOIS
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