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mercredi 24 mars 2010
Interview de George Arnauld de retour d'un voyage de cinq jours en Haïti
Partie pour le centenaire de la Journée internationale des droits des femmes, elle a rendu hommage aux féministes haïtiennes mortes pendant le séisme et mis en place des partenariats, parce que « Sé batay fanm kap chanjé kondisyon fanm » !
Passer le 8 mars 2010 en Haïti, sans doute l'expression la plus juste de la sororité qui existe entre l'UFM et les féministes haïtiennes ?
L'UFM ET LES FÉMINISTES HAITIENNES.
Cela fait près de 10 ans que nous tissons des liens avec les féministes haïtiennes. Nous connaissions personnellement ces femmes qui sont mortes. Moi, j'en connaissais deux très bien, dont une qui a passé trois semaines chez moi en septembre et qui, la veille du séisme, m'a envoyé un mail... (son regard se voile) J'ai encore du mal, beaucoup de mal. C'était des femmes connues dans toute la Caraïbe et l'Amérique Latine. C'était des combattantes, des filles qui ont risqué leur vie. Les associations féministes se sont réunies au sein d'une organisation, la Conap (Coordination nationale de plaidoyer pour les droits des femmes). Elles ne se mobilisent pas seulement sur des questions d'égalité, mais sur des questions de transformation sociale. Quel que soit le pays dans lequel on se trouve, le féminisme ne peut pas avoir toute sa plénitude si on ne met pas à bas les inégalités sociales, le système de domination, le système patriarcal et finalement le système d'économie libérale. Alors, bien entendu, elles demandent un gouvernement autre, un gouvernement qui prenne en compte effectivement les besoins des femmes et des hommes de ce pays, et qu'on aille vers le progrès et la démocratie. Pour cette 100e Journée internationale des droits des femmes, nous avons rendu hommage à trois féministes haïtiennes, mortes lors du séisme du 12 janvier : Magali Marcelin, Anne-Marie Coriolan, Myriam Merlet. Tous les pays de la Caraïbe avaient décidé de rendre cet hommage.
Qu'avez-vous trouvé en arrivant en Haïti ?
On ne s'imagine pas la réalité. Ce que nous supposons est au-dessous de ce qu'est Haïti actuellement. Ce pays détruit... C'est innommable. Mais ce qui m'a le plus choquée et même révoltée - jusque-là je ne comprenais pas la colère des camarades haïtiennes - c'est le comportement du gouvernement. Imaginez, 27 000 personnes sur le Champ de Mars, la place Saint-Pierre complètement envahie par des tentes, la place Boyer avec des sanitaires des plus précaires, des conditions de vie au-dessous de l'inhumain. À l'heure actuelle, les tentes sont déchirées et les gens les couvrent de cirés par rapport à la pluie. Fanfan, le chauffeur qui nous conduisait, me disait : « Lè lapli koumansé tonbé, tèt nou ka vini cho » ! Autrement dit, ils ne savent plus où donner de la tête, ni quoi faire quand il commence à pleuvoir.
Qu'en est-il de la condition des femmes, déjà très difficile avant le séisme ?
Là, c'est catastrophique. Il y a eu beaucoup de viols, beaucoup d'agressions sexuelles, simplement parce que dans les campements il n'existe aucune intimité. Les femmes n'ont pas de lieux où se déshabiller, ou se changer quand elles ont leurs menstruations par exemple. Mais elles sont toujours au travail. Elles sont ainsi très nombreuses à vendre des fruits et légumes. Cette société qui est une société de domination existe toujours. Nos camarades féministes se mobilisent pour dire qu'il faut une transformation sociale du pays, qu'il faut mettre à bas le patriarcat et donner aux femmes leur vraie place. Ça passe par l'éducation, parce que là aussi ce sont les filles qui ne sont pas éduquées qui sont les premières victimes.
À ce propos, vous avez mis en place des partenariats qui vont se concrétiser dans les semaines à venir, notamment avec une clinique de femmes ?
Notre mission avait en effet deux objectifs : rendre hommage à nos soeurs et voir concrètement ce que nous pouvions faire ensemble. Nous avons plusieurs projets. Tout d'abord, avec Sofa, « Solidarité fanm ayisièn » . C'est une association qui lutte contre les violences faites aux femmes et qui gère ce qu'elle appelle « an klinik fanm » . J'y suis allée. J'ai rencontré l'équipe soignante et je leur ai demandé ce dont elle avait besoin. Dans un premier temps, ces femmes ne m'ont pas répondu, par dignité. Quand j'ai vu la pauvreté des étagères pharmaceutiques, j'ai insisté. Elles m'ont alors donné une liste de produits dont elles ont besoin. Nous allons confier ce projet à des pharmaciennes sympathisantes et militantes. Nous établirons un pont entre cette « klinik fanm » et l'UFM. Cette clinique se trouve dans la banlieue de Port-au-Prince et accueille des femmes et des enfants. Ensuite, on a constaté qu'il n'y a pas d'éducation à la lutte contre le VIH dans cette clinique. Nous leur avons proposé de travailler sur cet axe, former les accueillantes de la clinique - avec les associations haïtiennes, car il ne s'agit pas d'aller prêcher la bonne parole - parce qu'il faut intégrer la lutte contre le VIH, notamment la contamination chez les femmes, dans la question des violences. Enfin, dans le cadre de la prévention, et suite à la suggestion d'une psychologue qui travaille avec nous, nous allons réaliser des cabines en tissu pour un campement. Cela permettra aux femmes de se déshabiller en protégeant leur nudité. Une démarche que nous ferons avec les Haïtiennes, qui auront à coudre ces cabines, dans un projet à la fois de prévention et d'insertion. Ces trois projets sont dans l'esprit de l'UFM, dans l'esprit des associations de la Conap et de Sofa, parce qu'il s'agit de porter une aide humanitaire dans une dynamique d'éducation et de prévention.
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