Je ne pensais pas que la Martinique était aussi montagneuse, habitué que j'étais à ne fréquenter que les côtes, certes on voyait la montagne Pelée, les Pitons du Carbet, la Montagne du Vauclin, le Morne Larcher mais n'ayant rien mis sur ces hauteurs que voulez-vous que j'aille y faire.
Mais voilà qu'un grand cousin me rencontre, lors de l'intervention à la bibliothèque Schoelcher d'une de mes cousines, Sabine Andrivon Milton, présentant son dernier livre au public. Césaire m'invite à passer un moment avec lui, dans l'une de ses deux propriétés du Lamentin sise sur le Morne Pitault.
Pour rendre ce moment plus attrayant, il se propose de me faire un jus de canne, une boisson que j'adore et à ce moment de l'année est assez difficile à trouver en Martinique.
Césaire Andrivon quitte son domicile foyalais et me prend à 6 h 30 du matin à St Thérèse, à bord de la voiture il y a sa femme Philomène et sa fille.
Nous partons, il s'arrête dans une station service pour acheter le pain, j'essaye d'acheter la boisson, car mon organisme ou peut-être par habitude, j'ai besoin de sucre, un grand besoin de sucre sinon je suis sans énergie et deviens faible et irritable.
Devant le refus de mon cousin que je prenne les boissons, je me dis me voilà parti en galère, toute une journée sans soda, sans coca, cela ne va pas le faire !
Nous quittons la plaine et nous commençons à monter, je me demande où je suis, serait-ce la Suisse, la route est tortueuse, elle monte et monte, je n'aime pas les hauteurs, mon estomac se barbouille avec tous ces tournants, je sens que je vais être assujetti au "mal de voiture".
Je m'occupe l'esprit en découvrant ce milieu mornais, tout est verdoyant, le cadre est luxuriant et arboré. Il y a un bel ensoleillement, la route offre des pentes d'une raideur inconnue, nous voilà à Morne l'Enfer 1, en voyant la plaque l'annonçant je me dis qu'il porte bien son nom...
Malgré les pentes et leur fort pourcentage, tout est habité, la vie s'est assise dans les hauteurs.
Nous arrivons à la propriété, une case créole traditionnelle des campagnes martiniquaises, j'apprends que cette maison à cinquante ans, construite par le père de Philomène pour son baptême.
L'homme vendait des greffes de mangues Julie, une variété de mangue prisée à cette époque, et vendait relativement cher ses plants, il y avait quelques manguiers en fleurs sur la propriété, mais ce n'était pas encore la saison des mangos.
Ma cousine me fait le tour du propriétaire, une grande basse-cour avec des oies, des poules, coqs, canards, les volatiles ne sont pas farouches, ils participent au décors, je n'étais pas certain qu'ils soient destinés à la consommation.
A la limite du terrain coule une rivière, j'apprends qu'elle est riche en « écrevisses » c'est ainsi que nous les appelons sachant qu'il n'y a pas d'écrevisses en Martinique, toutes les variétés que nous trouvons dans la nature sont des crevettes d'eau douce, à moins qu'il n'y ait une introduction d'écrevisses provenant d'un élevage récent.
Je regarde cette rivière encaissée de loin, écoutant le bruit si particulier de l'eau qui dévale doucement de la ravine. J'ai subitement l'impression de ce côté d'être dans une forêt tropicale, il fait sombre la canopée retient la lumière, il fait presque nuit
Je découvre la flore qui m'entoure, les cocotiers sont élancés, les manguiers en fleur, les bananiers dressés, les prunes de Cythère sont impressionnants, les arbres sont chargés, toutes les minutes un fruit tombe sur le sol, les fruits pourrissent à même le sol.
Je me rends dans le jardin créole, dans un touffu de plantes, tout pousse, les ignames, les dachines, les pois, les légumes, les épices et les maracudjas.
Ma cousine me tend un coui, je récolte des « pois souche », qui seront servis au repas. Philomène a déjà mis la viande à cuire, le riz et les légumes, nous écossons les pois récoltés, qui seront consommés dans un grand faitout.
Césaire m'invite à l'accompagner, il se rend dans la deuxième propriété, c'est encore plus haut perchée. Cette fois, je vois un panneau m'indiquant que nous sommes à Morne l'Enfer II, je souris me disant que mes compatriotes ont un drôle de sens de l'humour et nous continuons à monter, je me demande si cela va s'arrêter.
Nous arrivons, c'est un terrain d'une bonne superficie avec une case en tôle, il m'apprend que c'était la maison de la mère de son épouse, elle se trouve sur un léger dénivelé, tout est planté en légume, il y a quelques agrumes qui portent des fruits, orangers, mandariniers, citronniers.
L'homme prend son coutelas et se met à abattre la canne à sucre, j'en fais des petits lots que j'amène dans le 4X4.
Je n'aime guère ce genre de travail, c'est salissant, épuisant, franchement je commence à déchanter et le soleil qui s'installe à la cime du ciel finit par me donner raison.
Dès la voiture remplie, nous redescendons. Guy un autre cousin arrive avec le moulin à canne à sucre, il me dit que sa femme viendra plus tard.
Un voisin se joint à nous, je profite pour m'éclipser, tous ces travaux manuels ne sont pas faits pour moi, je suis en lin blanc, puis mes mains sont délicates et douces, je n'ai aucune propension pour ces travaux, j'arrête de faire société, je prends mon appareil photo, mon stylo, mon carnet, je fais ce que je sais faire et les laisse à leur nettoyage et lavage de canne à sucre.
Je discute avec Philomène, me parle son enfance dans ces lieux, je m'informe de la vie de ce quartier, qui sans être isolé est fortement reculé.
Le voisin se risque une pique à mon encontre, avec toute ma maîtrise de la langue, je le remets sèchement à sa place, quelques instants plus tard, il vient à moi dans d'autres dispositions et me parle de lui, de sa vie, de son quotidien dans ce morne.
Je me rapproche des « travailleurs », la parole se libère chacun me raconte une anecdote, une bonne parole, une bonne blague, ils prennent la pose pour la photo, le moment est dès plus agréable.
La femme de Guy débarque, nous sommes tous présents, le repas sent bon, les femmes servent, je prends une assiette, les pois souche sont excellents, on eut dit des haricots rouges en plus petits et légers, le manger est bon, très bon.
Ils se servent des assiettes à l'antillaise, j'ai vite fini la mienne. Je les laisse manger et je pars à la découverte de cet environnement.
Je reviens, ils commencent à faire le jus, Guy Andrivon m'apprend que ce fut à un moment son métier avant qu'il ne devienne conducteur d'engin sur le port de Fort de France, me confie que la canne n'est pas encore en pleine maturité mais on aura un bon jus.
Le jus est récolté, filtré puis mis en bouteille, ce travail est à ma portée, je m'assieds et je fais de l'embouteillage de jus de canne.
L'après-midi se déroule gentiment, je passe un beau moment en famille, puis c'est le départ, c'est mon autre cousin qui m'embarque cette fois pour le retour.
Evariste Zephyrin
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