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lundi 26 avril 2010
UNE MISE SOUS TUTELLE OFFICIELLE
Le projet de loi, approuvé par la Chambre basse et voté par le Sénat dans la soirée du 15 avril, prolonge l’état d’urgence sur 18 mois. Après maintes tergiversations et l’opposition de onze sénateurs à ce projet, l’Exécutif a donc gagné un nouveau pari et se retrouve aujourd’hui avec les pleins pouvoirs.
Rappelons que cette loi consacre la création de la Commission Intérimaire pour la Reconstruction d’Haïti (CIRH), qui sera co-présidée par le premier ministre, Jean Max Bellerive, et l’émissaire spécial de l’ONU en Haïti, l’ex-président Américain William Clinton. Elle a soulevé beaucoup d’oppositions pour deux principales raisons : d’une part, elle prévoit la participation d’étrangers dans ladite Commission; d’autre part, elle prolonge la période d’état d’urgence au-delà du mandat du président René Préval, qui doit laisser le pouvoir le 7 février prochain.
Pour tout observateur de la scène politique, la première raison est nulle et non avenue. En effet, Haïti est un État failli qui s’est toujours caractérisé par sa corruption et d’un grave problème de gouvernance qui a toujours empêché le pays de passer à la modernité. Dans ces conditions, comment les pays donateurs accepteraient-ils qu’une telle Commission ne soit dirigée que par des Haïtiens alors même que ces pays sont eux-mêmes obligés de rendre compte de la dépense de ces milliards promis à la reconstruction d’Haïti à leurs citoyens ?
La seconde raison évoquée est plus préoccupante. En effet, connaissant le Président René Préval, il y a lieu de s’inquiéter car il gouvernera désormais par décret et aura les pleins pouvoirs. On sait ce qui est arrivé en 1997 sous son premier mandat et les conditions dans lesquelles se sont déroulées les dernières élections législatives partielles ne peuvent rassurer personne quant aux velléités de M. Préval d’assurer la continuité de son pouvoir à travers le Parti l’Unité. Toutefois, pour le moment, l’opposition haïtienne ne peut lui faire qu’un procès d’intention vu que M. Préval s’est engagé devant la Communauté internationale à quitter le pouvoir le 7 février 2011.
Une mise sous tutelle de fait
Edgar Leblanc Fils, actuel coordonnateur général de l'Organisation du peuple en lutte (OP) pense qu’il se ‘’ pourrait que le président Préval tente de rester au pouvoir au-delà du 7 février, mais ceci ne serait possible que s'il a l'appui des acteurs puissants de la Communauté internationale (…) Or, « aujourd'hui on constate que le président fait tout pour plaire aux représentants de la communauté internationale. Il leur offre toutes les possibilités et la loi d'urgence est une loi donnant les commandes du pays à la communauté internationale ‘’ . M Leblanc vient donc confirmer la thèse de plus d’un dont celle du journaliste Québécois, Vincent Marissal du quotidien La Presse, qui écrivait encore la semaine dernière: ‘’ On entend beaucoup de mensonges et de demi-vérités à propos d'Haïti dans les cercles de la communauté internationale, mais la plus grande supercherie est de continuer de parler de la souveraineté d'Haïti et de son gouvernement (…) On le savait, on l'a bien constaté dans les jours suivant le tremblement de terre et c'est encore plus vrai aujourd'hui, trois mois plus tard: c'est Washington qui dirige et dirigera Haïti ‘’. Si l’on s’en tient aux propos du sénateur Hector Anacasis à l’AFP, affirmant que ‘’ face au risque de voir le Sénat rejeter le projet de loi, une réunion a été convoquée avant le vote dans une ambassade occidentale "pour pousser les parlementaires à voter la loi (…) Les étrangers ont mis tout leur poids dans la balance pour faire adopter la loi ‘’ , la mise sous tutelle d’Haïti est désormais un fait indéniable.
Bill Clinton aux commandes d’Haïti
La Communauté internationale a toujours joué les faux semblant avec le gouvernement mais cette fois-ci, personne n’est dupe : la reconstruction d’Haïti se fera sous le contrôle de la Communauté internationale, les États-Unis en tête. Selon le Professeur Daniel Holly du Département de Sciences Politiques de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), ‘’ toutes les structures avaient été mises à cette fin depuis longtemps. Le plan de reconstruction aussi bien que la Commission intérimaire qui sera dirigée par Bill Clinton le confirme. Qui peut faire le poids à côté de Bill Clinton ? ‘’ questionne-t-il. De plus, sur les 16 membres de cette Commission, 12 sont des étrangers.
‘’ D'emblée, la commission intérimaire aurait toute latitude pour financer des acquisitions foncières en Haïti, afin de lancer des opérations d'urbanisme et de logement à Port-au-Prince où plus de quatre cents camps de tentes côtoient des bidonvilles et des immeubles en ruine’’, révèle le quotidien français Le Figaro. ‘’ Il est également prévu de procéder à des privatisations - celle, notamment, du port et de l'aéroport de la capitale. Les compagnies étrangères auraient la possibilité d'investir dans la plupart des secteurs d'activité, dont ceux agricole et touristique, qui paraissent les plus porteurs. Dans le cadre du dialogue entre grandes puissances et le pouvoir haïtien, sur ces aspects les plus économiques, pour ne pas dire les plus rentables, de l'opération, les discussions sont serrées entre les compagnies internationales et les milieux d'affaires ¬haïtiens ‘’, précise le quotidien.
Le vin est donc tiré et les cris des nationalistes pourront difficilement changer le jeu. L’opposition a beau s’agiter : il est trop tard. En effet, elle s’est fourvoyée dans le passé avec Préval, a été incapable de se montrer à la hauteur des attentes du peuple et aujourd’hui, elle n’a plus aucun pouvoir de convocation sur lui. Pire ! Il est de plus en plus commun d’entendre les Haïtiens dans la rue réclamer que les étrangers prennent le pays en main et ce n’est pas les manifestations de quelques dizaines de partisans de l’opposition ces jours-ci qui changeront la donne pour le moment.
Les deux questions essentielles auxquelles il faudra répondre sont les suivantes : la Communauté internationale permettra-t-elle au président de prolonger son mandat face au vide politique ? Les Haïtiens seront-ils capables de s’approprier la reconstruction d’Haïti ?
Nancy Roc, Montréal le 21 avril 2010. >
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