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dimanche 2 mai 2010
La culture plus forte que les promesses
Photos de Mandy Thody
Haïti est aujourd’hui très loin des journées de chaos qui ont suivi la tragédie du 12 janvier. Dans des conditions difficiles, la vie a quand même repris à Port-au-Prince. Cependant, à peine que la population commence à croire à une amélioration de ses conditions de vie, elle doit faire face à un autre dilemme : se déplacer vers de nouveaux camps créés par l’État haïtien.
En effet, selon les chiffres officiels ils sont environ 1 million 3 cent mille les sans-abri qui vivent depuis le 12 janvier sous des tentes, dans des cabanes de fortune. Ils survivent dans des conditions d’extrême précarité. Les projets d’évacuation vers d’hypothétiques camps de relogement seraient déjà en cours puisque des averses de plus en plus fréquentes annoncent la saison des pluies et ses conséquences dramatiques au quotidien.
Si nous devons nous fier aux déclarations d’un responsable au ministère de l’Intérieur, une campagne de recensement a révélé que la plupart des campements des victimes du séisme dévastateur se situe dans des zones inondables. Il serait donc impératif, a-t-il dit, que ces gens soient déplacés avant le début de la saison pluvieuse. Selon des estimations réalisées à la mi-mars par le Bureau de coordination des affaires humanitaires de l’Onu (Ocha), près de 40 000 personnes seraient menacées par les glissements de terrain ou des inondations.
Parmi les autres raisons avancées par les autorités pour déplacer les victimes, la reprise scolaire. Les activités étant déjà lancées, l’un des soucis de l’État haïtien est de libérer les grands espaces pour loger, dit-on, les établissements n’ayant pas de grande cour. Didier Le Bret, l’ambassadeur de France en Haïti, intervenant sur les ondes de Radio France internationale, a expliqué que sur les sites, les sinistrés ont envie d’avoir la certitude que les choses vont un peu bouger. « Il faut leur donner un certain nombre de garanties sur ce qu’ils vont trouver ailleurs », une manière de les motivés à se déplacer.
Toutefois, le projet des responsables et organismes internationaux fait face à un sérieux problème, les 460 camps de rescapés qui se dressent aujourd’hui à Port-au-Prince, logent, pour la plupart, des gens qui ont habité dans des quartiers limitrophes. Bien que les Haïtiens accordent une importance particulière à l’éducation de leurs enfants, la charge culturelle qui accompagne tout déplacement de population semble faire échec à leur envie de céder les espaces occupés aux écoles.
La résistance s’organise
Bien que le gouvernement et les organisations non gouvernementales usent de stratagèmes pour déplacer les sinistrés, la tâche s’annonce difficile. Certains récalcitrants rencontrés dans les camps ne veulent pas entendre parler de déplacement. « Nous avons été délaissés par les autorités », a déploré Ti-Djo, un des occupants d’un camp de fortune situé en plein cœur de Pétion-Ville. « Voilà que le premier contact que nous avons avec les autorités, c’est pour nous dire qu’ils vont nous déplacer », a-t-il regretté.
« Nous sommes tous logés à quelques pas de chez nous a-t-il expliqué. Cela facilite nos déplacements et nous permet de vaquer plus facilement à nos occupations afin de pourvoir aux besoins de nos familles. Imaginez, a-t-il poursuivi, que quelqu’un qui habite à Jalousie soit envoyé à la Croix-des-Bouquets, comment fera-t-il dans les conditions actuelles pour venir travailler tous les jours à Pétion-Ville ? C’est donc de la démagogie pure et simple. Si l’Etat veut vraiment nous venir aide, il doit d’abord commencer par nous aider à déblayer nos maisons. Sinon ce sont des cadavres qu’ils emmèneront à la Croix-des-Bouquets », a-t-il lancé.
Dans les autres camps que nous avons sillonnés, la situation n’est pas différente. Bien que pour les inciter à partir le gouvernement promet des rations d’aide alimentaire, la création d’emplois et des services de toutes sortes (écoles, hôpitaux, etc.) et d’hypothétiques titres de propriété, les citoyens n’en démordent pas. Ils ne veulent pas partir, d’autant plus, disent-ils, les autorités ne respectent jamais leurs promesses. « Après nous avoir empilé comme des animaux dans leurs camps, nous seront une fois de plus livrés à nous-mêmes et les belles promesses vont rapidement s’évanouir », ont-ils soutenu.
Le camp qui se situe au lycée Toussaint Louverture est le symbole d’une situation qui s’enlise. Au début de la semaine écoulée, les élèves dudit établissement ont attaqué à coups de pierre les sans-abri qui occupent la cour du lycée. L’instinct de survie fait se dresser des frères contre des frères, selon plusieurs citoyens. Ils ne pouvaient en être autrement quand l’État ne se soucie pas du bien-être de la population. « La situation risque de dégénérer un peu plus chaque jour », craignent-ils.
Des victimes ont également expliqué que des organismes humanitaires leur ont offert des tentes et 500 dollars pour retourner habiter sur les ruines de leurs maisons. Ce qui serait contraire à la politique du gouvernement qui entend par le dialogue convaincre les sinistrés de partir. D’un autre côté, Les autorités n’entendent pas répondre, selon certains, à des sollicitations individuelles. De plus, au regard de l’agenda de l’Exécutif, ils croient que le déblayage des quartiers qui leur permettront de revenir à leur ancienne mode de vie, n’est pas pour tout de suite.
Par Lionel Edouard
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