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dimanche 2 mai 2010
Parution du dernier roman de Didier Daeninckx : Galadio (éd.Gallimard)
Comment le jeune Allemand Ulrich Ruden, né à Duisbourg en 1920, découvre qu'il est également Galadio Diallo, l'enfant d'un tirailleur de l'armée française originaire du Mali. Une quête sur les mille facettes de l'identité qui le conduit dans les salles des hôpitaux nazis, dans les studios de cinéma de Babelsberg, sur les rives des fleuves Sénégal et Niger, et s'achève dans les villes ruinées du Reich vaincu.
Une interview filmée de l'auteur par Julia Cordonnier (réalisatrice) :
http://www.dailymotion.com/video/xd0nn0_galadio-de-didier-daeninckx_creation
Une interview écrite de l'auteur par Jean-Noël Mouret (Gallimard) :
1 - Comment est né le personnage de Galadio, cet enfant métis de nationalité allemande qui va subir la montée du nazisme ?
Il y a une douzaine d'années, alors que je travaillais sur le roman Cannibale et l'Exposition coloniale de 1931, mon attention avait été attirée par des informations concernant les "métis du Rhin", ces centaines d'enfants nés en 1920 et 1921, des rencontres entre de jeunes femmes allemandes et les soldats des troupes françaises qui occupaient la vallée rhénane. Ces métis malgaches, antillais, maghrébins, annamites, africains ont été l'objet d'une campagne de haine, étant nécessairement issus de viols pour une large fraction de l'opinion nationaliste. J'ai peu à peu dégager la figure d'un de ces enfants, en essayant de comprendre comment une société en mutation violente, lui impose des identités successives dans lesquelles il ne peut se reconnaître.
2 - Voyez-vous, dans la dénonciation des "Gaulois de couleur" par la presse allemande de l'époque et le "nos ancêtres les Gaulois" enseigné dans les écoles de la France coloniale, la même volonté de nier l''autre"?
Cela ne me semble pas du même ordre. Le "Nos ancêtres les Gaulois" avait pour vocation, illusoire, de construire les bases d'un roman national. La propagande contre les "Gaulois de couleur", en Allemagne, va nourrir un discours d'exclusion mortelle. On a assez peu souligner la place que prend ce thème dans le Mein Kampf d'Adolf Hitler. Il y consacre de nombreuses pages : pour lui, la France s'est faite complice du complot juif en provoquant la guerre de 14-18, dont une des conséquences consistait en l'arrivée de l'Afrique sur les bords du Rhin. Et par voie de conséquence la fin de la race allemande au moyen de la "négrification" du sang aryen !
3 - Babelsberg, où l'on oscille entre fascination esthétisante pour le nazisme et envie de liberté (voyages sous prétexte de tournage, projet de film sur le faux divorce de Goebbels...) n'est-elle pas le symbole de l'attitude de certains milieux intellectuels occidentaux d'alors ?
Après les lois de Nuremberg de 1935, les enfants métis, devenus pubères, ont été raflés, afin de procéder à leur stérélisation. Un groupe, dont fait partie mon personnage, est dirigé vers les studios de Babelsberg où se tournent nombre de films à la gloire de la colonisation allemande. L'un des principaux scénaristes n'est autre qu'Ernst von Salomon. Il règne là une atmosphère très étrange, un espace où se croisent toutes les ambiguïtés du temps, tous les effets de la rationalité délirante du nazisme et la nécessité de l'habillage de la réalité à fins de propagande. Mon personnage est un "réprouvé", mais on lui accorde une place, sur la pellicule, afin de justifier le fait que cette place doit lui être niée.
4 - Au-delà d'un riche contexte historique, "Galadio" n'est-il pas aussi - ou surtout - un roman de formation ?
Au début de l'histoire, pour les autres comme pour lui-même, Galadio s'appelle Ulrich. Il se vit en jeune allemand et son évolution personnelle accompagne la montée du nazisme. Il rêve de porter l'uniforme des Hitlerjugend, et ne comprend pas, dans un premier temps, pour quelle raison il est exclu de la communauté allemande. Il va devoir accepter les images que la dureté des temps projette sur lui. Il lui faudra abandonner les siens pour mieux les retrouver, accomplir un périple dans l'Afrique noire qui hésite entre Pétain et De Gaulle, remonter des fleuves, porter d'autres uniformes et retenir sur ses lèvres le prénom d'une jeune fille dont j'espère encore qu'il lui a été accordé de la retrouver.
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