La lettre
Mesdames Messieurs, propriétaires et responsables de Caribbean Market, votre silence m'oppresse. Un silence dont l'écho retentit tous les jours aux oreilles de milliers d' usagers de la route de Delmas mais en particulier les centaines de survivants et les familles de toutes ces personnes tuées ou disparues sous le poids de votre édifice. En effet le 12 Janvier dernier, un tremblement de terre que nous n' oublierons jamais a ravagé la vie de bon nombre d'entre nous.
Nul ne saurait être tenu pour responsable de la furie de Mère Nature, cependant, près de six mois plus tard, quelle attitude devrions nous avoir face a ceux qui ont refusé d’assumer leur responsabilité en jouant la carte de la nonchalence ou de l' indifférence dans un pays où la norme est absente ?
La communauté vous avait trop bien accueilli pour qu'aujourd' hui vous n'ayiez même pas la décence de débarrasser de sa vue le spectacle hideux qu'offre aujourd' hui le site de votre supermarché. Comme ont témoigné de nombreux survivants et des proches de victimes ensevelies, je ne peux plus passer au coin de la route de Delmas 95 sans trembler de frayeur. Le géant que votre supermarché représentait est tombé pour se transformer en un monstre nous regardant tous les jours, le ventre trop rempli apres avoir avalé nos fils, filles, époux et épouses. Mon indignation est sans limite. Ce mardi 12 janvier peu avant la catastrophe, ma femme s'était rendue chez vous pour faire des emplettes. Son fils et moi nous l' attendons encore.
Elle y était arrivée quelques minutes avant la catastrophe. Le destin diront certains. Mais ce destin avait misé ce jour-là sur notre confiance pour s'assurer qu'à l'heure du rendez-vous nous serions dans les points les plus vulnérables. En effet, à cette catastrophe s'est ajoutée la main de l'homme. C'est cette confiance qui a conduit ma femme chez vous ce jour-là, ignorant vos nombreux compétiteurs sur son parcours elle rebroussa chemin alors qu'elle était déja en route pour la maison. Personne ne saura jamais combien de vos clients fidèles comme elle, sont encore sous les décombres de votre immeuble.
A travers le pays, propriétaires de petites, moyennes et grandes entreprises, propriétaires de petites et grandes maisons détruites par le séisme du 12 janvier s'acharnent pierre après pierre à retrouver un être cher, un ami, un employé pour permettre aux nombreuses familles de faire finalement le deuil.
Ecoles, entreprises sont déja prêtes à reconstruire sur leurs cendres, par contre chez vous, les cendres de nos fils, filles époux et épouses sur qui vous avez choisi plutôt de mettre le feu, se confondent aujourd' hui avec la poussière de vos décombres.
Vous avez été l' un des premiers à abandonner le navire, emportant coffres, argent, congélateurs, objets par vous jugés de valeur, laissant derrière vous de nombreux clients ne vous souciant, cette fois-ci, si leur facture avait été payée.
La facture pourtant lourde, devra être payée par plusieurs générations M. Rayes. Nous aurons des explications à fournir à nos enfants, répondre à leurs questions, les unes plus difficiles que les autres. En effet, plusieurs jours après le drame, mon fils de 4 ans ne voyant toujours pas sa mère arriver, me demanda où elle était passée. Ayant finalement accepté que l'inéluctable était arrivé, je lui répondis qu'elle avait été appelée à rejoindre le petit Jésus. Il en suivi pour me demander le numéro de téléphone du p' tit Jesus car il tenait à parler à sa mère.
En fait, mon fils grandit, j'évite à tout prix d'emprunter avec lui la voie près du site du Caribbean Market. Cette tombe ouverte, cette horreur que vous laissez sous nos yeux n'a rien de l' image du ciel que nous nous efforcons de décrire à nos enfants, encore moins l'endroit où se trouverait le p'tit Jésus des enfants.
Et en ce qui concerne le numéro de téléphone, je crains qu'un jour mon fils me demanderait de le mettre en contact avec un de ces badauds, qui avec votre autorisation continuent cette tâche macabre à plutôt illustrer l'enfer sur terre où chaque corps retrouvé doit être brûlé.
Peut être l'un d'eux pourrait lui montrer une bague sur laquelle était gravée la date de notre mariage ou le bracelet medic alerte à la pénicilline.
Aujourd' hui vous avez une dette envers vos clients et leurs familles M. Rayes et j'exige qu'elle soit payée. Aidez nous à faire le deuil. Aidez nous à faire de ce lieu à jamais maudit, le ciel qu'on nous décrit tous les jours, le paradis sur terre, un lieu où des centaines de familles pourront se recueillir et rendre hommage à ceux qui leur sont chers.
Faisons de notre Enfer, leur Paradis!
Stanley Handal
Nabil Handal
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