vendredi 27 août 2010

À qui peut-on se fier aujourd’hui ?

Même les livres de géographie nous mentent. Voilà pourtant un domaine où les statistiques ne devraient pas être soumises à contestation. Et pourtant… Dès notre plus jeune âge, on nous apprend ainsi que notre pays, la France, ne compte que 550000 km2. S’ensuit généralement un commentaire expliquant que nous ne pesons pas lourd face aux grandes nations de ce monde, sauf à se fondre et à se compter dans une vaste Europe… Et les dictionnaires confirment ce que disent nos manuels scolaires, à l’exemple de cette définition trouvée dans Le Petit Larousse : «La France est aujourd’hui une puissance moyenne, couvrant seulement 0,4% des terres émergées et comptant à peine plus de 1% de la population mondiale.» En matière de conditionnement des jeunes cerveaux, on n’a rien à envier aux démocraties totalitaires ! Car toutes ces affirmations sont fausses ou, à tout le moins, incomplètes. La France ne se réduit pas en effet au seul Hexagone mais comprend aussi des départements et des territoires outre-mer, portant notre superficie totale à 675000 km2 (sans prendre en compte la terre Adélie, en Antarctique, et ses 432000 km2).

Plus important encore : la France est le seul pays à être présent sur quatre continents et sur tous les océans du monde. Ni les États-Unis, ni la Chine, ni l’Inde, ni la Russie ne se trouvent dans cette situation, et le Royaume-Uni ne peut plus revendiquer une telle omniprésence. En ce début de XXIe siècle, c’est désormais sur la seule France que «le soleil ne se couche jamais».

Concrètement parlant, la France est le seul «empire» digne de ce nom sur la planète. Sur tous ces territoires, pourtant très éloignés les uns des autres, c’est la langue française qui prévaut, les lois de la République qui s’appliquent et nos gendarmes qui sont partout présents.

Cela pourrait tenir de la seule anecdote si cet «empire français» n’était pas aussi et surtout maritime, ce qui est essentiel pour son avenir et son développement. Le domaine maritime français, fort aujourd’hui de 11millions de km2, est ainsi considéré comme le second par sa superficie et le premier par sa diversité, donc sa biodiversité. Seuls les États-Unis disposent d’un domaine comparable à celui sous souveraineté française, mais ils sont absents de l’océan Indien et de l’océan Austral. À titre de comparaison encore, l’Angleterre, jadis reine des mers, a un domaine maritime de 4 millions de km2, soit presque trois fois moins que le nôtre.

C’est d’autant plus un atout pour notre pays que nous possédons et maîtrisons presque toutes les techniques et tous les savoir-faire qui nous donnent la capacité d’exploiter au mieux les ressources de ces océans, permettant dans le même temps de répondre aux grands défis auxquels est confrontée l’humanité : la question des réserves en eau douce, celle des ressources énergétiques et le problème de l’alimentation de milliards d’êtres humains.

Même si d’autres pays, comme le Japon, les États-Unis, le Canada, l’Australie ou la Norvège, partagent avec nous tel ou tel savoir-faire, nous sommes les seuls à maîtriser l’ensemble de ces techniques. Aussi, une volonté politique affirmée en la matière serait de nature à nous procurer une avance déterminante et à favoriser un développement économique de la France en général et de l’outre-mer en particulier.

C’est le colonel de Gaulle qui affirmait en 1934, dans Vers l’armée de métier : «Confondre l’intérêt permanent de la France avec un grand idéal humain, voilà qui serait beau et, en même temps, profitable !» Beau et profitable sont deux adjectifs qui résument assez bien l’enjeu d’une grande politique maritime pour la République française, qui possède à l’évidence le potentiel pour se réinstaller d’ici à cinquante ans dans les tout premiers rangs des puissances mondiales.

Cinquante ans, c’est le temps qui sera nécessaire pour recueillir les fruits d’une politique ambitieuse, moderne et planifiée, sur le modèle des réussites précédentes, par exemple dans les domaines du nucléaire, de l’armement, de l’aérospatiale ou de l’agriculture.

Mais l’action doit être engagée sans attendre et au plus haut sommet de l’État, en commençant par dresser un inventaire objectif et exhaustif de notre potentiel maritime, complétant d’intéressants travaux réalisés au cours des dernières années.

Il s’agit ensuite d’affirmer et de prendre en compte au quotidien la dimension «impériale» de la France, qui ne doit plus être assimilée au seul Hexagone.

Dans ce contexte, on aura compris que l’État doit retrouver toute sa place, celle qui permet d’engager l’avenir du pays à long terme, ce qui ne peut pas être laissé à la seule initiative du secteur privé. Participation! La participation active de l’ensemble des forces vives du pays à ce grand défi est la clé du succès. Le défi maritime français doit sortir des cercles de spécialistes et experts de tous poils, il ne doit plus être l’apanage des seuls élus du littoral. Pour que ce défi soit compris et relevé, les «Français de l’intérieur» doivent s’engager! Les deux auteurs revendiquent n’être ni scientifiques ni spécialistes reconnus des questions maritimes ni «enfants du littoral» mais simplement passionnés de la France, de géostratégie et issus des terres tarnaises et bourguignonnes. Des Tarnais, comme le navigateur-explorateur du XVIIIe siècle le comte de La Pérouse, l’amiral Jaurès, ancien ministre de la Marine (1889), le médecin-aventurier castrais Jean-Louis Étienne ou encore le navigateur-compétiteur nivernais Alain Colas sont d’ailleurs l’illustration que cette «France-sur-Mer» doit beaucoup à ces marins, découvreurs, chercheurs, scientifiques venus de la France continentale, celle de l’intérieur. Cette distanciation n’est-elle pas finalement le meilleur gage d’une certaine liberté et d’une longueur, si ce n’est hauteur, de vue ? Cet éloignement de la mer n’est-il pas un avantage pour faire bouger les esprits et convaincre nos concitoyens que notre pays peut enfin devenir une nation maritime et ainsi retrouver des raisons de croire, d’espérer en renouant avec sa vocation universelle et son rang de puissance mondiale ?

Évidemment, à l’énumération de ces «lubies gaulliennes», nous entendons déjà ricaner les esprits chagrins, les dignes descendants de ceux qui appelaient à se résoudre à la défaite en juin 1940 ou qui fustigeaient les programmes nucléaire et aérospatial, entre autres, mis en place par le général de Gaulle, engageant il y a cinquante ans le pays sur la voie du redressement.

Ne leur en déplaise ! La France, aux dimensions de son empire terrestre et maritime, possède aujourd’hui les atouts pour «refaire 1958» et viser les sommets à l’horizon 2058.

Xavier LOUY

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