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samedi 7 août 2010
Wyclef déjà dans la tourmente
Lâché par Pras qui fut son ami au sein des Fugees. Taclé par l'acteur américain Sean Penn, Wyclef Jean commence à voir des nuages s'accumuler au-dessus de sa candidature. Détournement de fonds, infidélité, taxes non-payés...les tableaux ne manquent pour illustrer une candidature controversée.
Haïti: Son ambition présidentielle à peine confirmée, déja Wyclef Jean a reçu un tacle appuyé de l'acteur américain Sean Penn l'accusant de corruption. «Je veux quelqu'un qui veuille vraiment, mais vraiment, se sacrifier pour son pays et pas juste quelqu'un que j'ai vu personnellement dans un convoi de voitures de luxe, exhibant une richesse qui me semble déplacée en Haïti», a martelé l'acteur américain, le jour même de l'arrivée de l'icône des ex-Fugees en jet privé à l'aéroport international Toussaint Louverture. Très impliqué dans l'aide au pays à la suite du séisme, Sean Penn l'a aussi accusé d'avoir détourné 400 000 dollars de dons dans le cadre de levées de fonds pour son ONG Yélé Haïti. Créée en 2005, l'association caritative très active depuis le tremblement de terre aurait récolté quelque 9 millions de dollars.
Les déclarations d'impôts de l'ONG n'avaient pas été faites dans les règles de l'art, a concédé Wyclef Jean réfutant les autres accusations. Ce n'est pas la première fois que la star du hip-hop est attaquée pour son manque de transparence dans la gestion de ses activités caritatives au sein de Yélé Haïti. Il avait répliqué en janvier dernier à des attaques du site Internet « The Smoking Gum » en postant une vidéo sur Youtube pour convaincre qu'il n'avait rien à cacher, tout en reconnaissant que les choses pourraient aller mieux. « Je dénonce toute forme d'allégation prétendant que j'aurais profité de Yele Haiti », s'était-il défendu dans la vidéo diffusée le 17 janvier 2010. « Ce ne sont que de basses calomnies. Je me suis engagé à aider les gens d'Haïti tout au long de ma vie, et cet engagement continuera jusqu'au jour de ma mort », avait-il confié dans une note écrite, qui accompagnait la vidéo.
Une maitresse à 100 000 dollars ?
Le co-fondateur de Yélé Haïti avait été, entre autres, accusé de favoritisme à l'endroit de son assistante personnelle qu'il rétribuait grassement. Le site qui a publié la déclaration d'Impôts 2008 de l'organisation a révélé que le groupe a payé 105 000 dollars à l'assistante de Wyclef Jean, réputée aussi être sa girlfriend, Zakiya Khatou-Chevassus.
Le candidat du parti Viv Ansanm serait aussi dans la tourmente du Département avec le Trésor des États-Unis qui lui a envoyé une facture de 2,5 millions de dollars pour taxe non payé de 2008 à 2010 dans le pays qui l'a accueilli depuis bientôt une trentaine d'années. « On peut continuer à me dénigrer sur Internet », a répliqué Wyclef Jean du haut d'un char d'où il galvanisait ses sympathisants sur la route de Delmas.
Fort d'une grande popularité, qui le place en possible vainqueur des élections de novembre prochain, le fils de la Croix-des-Bouquets (banlieue de Port-au-Prince), selon ses détracteurs, serait le premier président haïtien inconfortable dans les deux langues officielles du pays : le créole et le français. « Son français et son créole approximatif pourraient nuire à sa candidature, tout autant que son programme politique inexistant à quelques mois seulement du scrutin », prévient Paris Match. Journaliste, écrivain et comédien, Dominique Batraville croit déjà aux chances de Wyclef Jean d'être élu président de la première République des nègres révoltés. «Le bilan politique des hommes au pouvoir depuis Jean-Bertrand Aristide est un échec. Un artiste à la tête d'Haïti, ce serait surprenant, mais peut-être représente-t-il le vent de changement dont le pays a besoin», a dit Batraville qui répondait aux questions de La Presse de Montréal. Des jeunes qui n'ont jamais vu l'intérêt de voter seront tentés de le faire, estime l'écrivain haïtien Dominique Batraville. Cela pourrait faire une différence dans un pays où plus de la moitié des 9 millions d'habitants ont moins de 25 ans. Les intellectuels et les gens d'affaires pourraient être plus difficiles à convaincre. « Wyclef n'a pas fait les grandes écoles et a déjà ridiculisé la bourgeoisie dans une chanson », rappelle Batraville.
Le poids des ghettos
Officiellement inscrit au Conseil électoral provisoire, Wyclef Jean ne peut compter ni sur Pras, son partenaire musical pendant les années de gloire des Fugees, ni sur l'acteur américain Sean Peen, très impliqué dans l'aide au pays à la suite du séisme. « Martelly est le seul qui soit capable d'aider la population haïtienne. Il connait dans quelle situation vit le peuple », a lâché Pras qui accompagnait le chanteur vedette de Sweet Micky, une des plus importantes formations musicales du pays.
« On ne veut pas de moi comme président », a répliqué Wyclef Jean au choix de Pras de ne pas le soutenir et des accusations de l'acteur américain. « Aujourd'hui, j'ai annoncé ma candidature à la présidence d'Haïti. Plein d'espoir et de volonté pour mon pays d'origine, je pensais que mes amis les stars américaines me soutiendraient dans mon projet. Sean Penn a déclaré trouver ma candidature suspicieuse, et mon ex-partenaire des Fugees , Pras Michel, a appelé sur son Twitter à voter pour mon principal rival dans la course à la présidence. Je crois qu'on ne veut pas de moi comme président d'Haïti », a regretté l'ancien leader du trio Fugees.
Le rappeur qui vient de remettre au président René Préval sa démission comme ambassadeur itinérant risque de perdre aussi le soutien de son oncle Raymond Joseph, ambassadeur d'Haïti à Washington depuis 2005. Avant la fin de la période d'inscription des candidats fixée à samedi à 4h P.M, M. Joseph pourrait déposer sa candidature à l'institution électorale.
Sur le terrain, Wyclef Jean peut compter sur certaines figures de Barikad Crew et peut-être tout le groupe considéré comme l'une des icônes du mouvement hip-hop en Haïti. La star qui galvanisait la foule sur la route de Delmas tente de ramener à sa cause Rockfam, l'autre géant du rap créole. Entouré de sympathisants, M. Jean a arboré un mouchoir rouge et un mouchoir noir, symboles des deux plus importants groupes rap du pays.
Exprimant sa volonté de devenir le Bob Marley du XXIe siècle, Wyclef Jean se retrouve aussi dans le collimateur de dirigeants politiques haïtiens qui crient à l'aventurisme. « La politique doit rester aux politiques », a déclaré Serge Gilles, un responsable de la Fusion des socio-démocrates réunissant des partis de gauche.
En attendant la liste définitive des candidats retenus par l'institution électorale, la star du hip-hop a quitté le pays vendredi, après avoir enregistré, la veille, sa candidature à l'élection présidentielle de novembre. « La raison de ma présence dans cette course c'est que je vois que le pays a besoin d'éducation, d'emploi, de santé, et surtout, surtout d'investissements », a déclaré Wyclef Jean qui promet de revenir bientôt pour faire campagne.
Avant de commencer à mener campagne officiellement, Wyclef Jean devra s'assurer que sa candidature est conforme aux six critères imposés par l'article 135 de la Constitution de 1987. « Etre Haïtien d'origine et n'avoir jamais renoncé à sa nationalité », et « résider dans le pays depuis cinq années consécutives avant la date des élections » figurent parmi les thèmes qui font débat autour des candidats déclarés. Wyclef Jean ne remplit pas cette condition, puisqu'il réside aux États-Unis depuis le début des années 80, note Rue 98, un média en ligne. Selon le politologue Eric Saurey, il y a déjà eu des dérogations sur ce point pour des candidats à la présidentielle. « Sa nomination comme Ambassadeur de bonne volonté en 2007 par le Président sortant pourrait compenser cette condition », estime le politologue.
Claude Gilles
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