Les projecteurs braqués sur Haiti durant les 3 premiers mois postérieurs au terrible séisme du 12 janvier tendent à s’éteindre. Les médias internationaux parlent de moins en moins du pays meurtri et des citoyens-nes de plusieurs nations, notamment en Amérique Latine, se posent la question : est-ce qu’on oublie Haïti ?
Le cas de la Colombie
Plus qu’une question, il s’agit d’un constat dans le cas de la Colombie. Les deux principales chaînes de télévision du pays, CARACOL et RCN, qui avaient dépêché leurs équipes en Haïti pour couvrir pendant tout le mois de janvier 2010 la situation post-séisme, ne font maintenant référence que rarement à la république caraïbéenne encore en détresse.
Pourtant, l’intérêt des Colombiens-nes pour Haïti n’est pas moindre aujourd’hui que pendant la période postérieure au tremblement de terre, lorsque dans presque toutes les villes du pays sud-américain la Croix-Rouge Colombienne recueillait des aides et de l’argent à envoyer aux sinistrés haïtiens. Les exemples de ce regain d’intérêt ne manquent pas.
À travers des émissions radiophoniques et des programmes de télévision il arrive souvent que des auditeurs et téléspectateurs colombiens s’enquièrent de l’actuelle situation humanitaire d’Haïti. Des mairies colombiennes réalisent des campagnes de levée de fonds pour la construction d’écoles et d’autres types d’aides à Haïti.
Tout Haïtien vivant en Colombie a été, au moins une fois, la cible de ces questions posées par des Colombiens désireux d’aider Haïti : « Comment va la situation dans ton pays, après le tremblement de terre ? C’est qu’on n’entend plus parler d’Haïti dans les médias… » Ou encore : « On voudrait bien continuer à aider les sinistrés, mais on ne sait pas comment ; qu’est-ce qui s’est passé avec la première aide d’urgence qui a été envoyée en Haïti ? On n’en a reçu aucune information. »
À qui demander des comptes ?
Voilà la question ! À qui demander des informations sur l’utilisation des fonds et d’autres aides humanitaires reçus pour Haïti ?
Les autorités haïtiennes se plaignent de ce que les Ongs se sont accaparées de ces fonds sans même daigner rendre compte de leur utilisation à l’État haïtien.
Les Ongs répondent que les fonds levés étaient destinés à satisfaire des nécessités urgentes qui sont bien précises et clairement identifiées et ciblées.
Entre-temps, des organisations locales et même les autorités haïtiennes dénoncent l’apparent manque de transparence des Ongs qui peinent encore, plus de huit mois après le séisme, à justifier les milliards de dollars américains qu’elles disent avoir dépensés en faveur des personnes sinistrées.
Par ailleurs, les personnes sinistrées expriment leur insatisfaction et leur colère grandissante contre les Ongs dans les camps, selon des témoignages concordants. Le communiqué de presse du Service Jésuite aux Réfugiés (SJR), publié à l’occasion de la Journée Mondiale de l’Aide humanitaire, le 19 août dernier, abonde en ce sens.
Depuis plus de deux mois, plusieurs groupes de déplacés protestent également de plus en plus à Port-au-Prince contre les autorités haïtiennes en vue d’exiger la protection de leurs droits fondamentaux, dont celui à un logement digne et sécuritaire.
Haïti pourra-t-elle se refaire une place dans l’agenda des médias et de l’opinion publique internationale ?
Les opinions divergent : pour certains, Haïti posséderait la vertu d’ « adoucir même les cœurs les plus durs ». Selon ce courant d’opinion, tout le monde voudrait se solidariser avec « le pays le plus pauvre de l’hémisphère ». Il suffit de citer le nom d’ « Haïti » dans une campagne de « levée de fonds » (fundraising) pour voir affluer des élans de solidarité comme des ruisseaux généreux, alors que c’est tout à fait différent pour d’autres pays tels que le Pakistan, l’Afghanistan…
Ce manque d’intérêt des médias et de l’opinion publique internationale envers Haïti serait passager et se terminerait du moment où les spécialistes de l’humanitaire et de l’aide internationale redéployeraient l’offensive, avec le lourd arsenal des médias et des stars internationales, estiment certains.
Pour d’autres, les priorités de « l’international » semblent se trouver ailleurs : là où la furie de la nature continue à frapper à coup de « tremblements de terre », d’ « inondations », d’ « éruptions volcaniques »….
Les maux sont de plus en plus légion dans le monde, et les mots tels que « solidarité », « fraternité » et « charité » ne tardent jamais à venir à tout bout de champ sur toutes les lèvres « pures et impures » pour prêcher l’évangile de la « solidarité internationale » avec les pays « victimes ».
Le momentum de l’urgence, qui a porté le monde entier à voler au secours d’Haïti pour panser les plaies de ce pays grièvement blessé par le séisme du 12 janvier dernier, est passé. La page d’Haïti est définitivement tournée.
Plus de huit mois après le tremblement de terre, on dirait que « le soleil retourne à son horizon » en Haïti, mais cette fois-ci : l’horizon devient plus sombre. La situation humanitaire s’est aggravée : l’insécurité alimentaire menace environ 2 million d’Haïtiens, le nombre de sans sans-abris s´élève à plus de 1.3 million et les besoins en services sociaux tels que l’éducation, la santé et l’eau potable sont plus criants.
Les propriétaires des terrains sur lesquels les déplacés se sont installés depuis la tragédie procèdent à des expulsions violentes dans plusieurs camps, dont celui d’Automeca situé sur la Route de l’Aéroport. Les déplacés sont doublement victimes : de la violence de la nature et des propriétaires.
Les priorités du « national » semblent être branchées ailleurs : beaucoup plus sur l’organisation des prochaines élections présidentielles et législatives du 28 novembre 2010 que sur l’actuelle situation humanitaire de la population sinistrée.
À chacun selon son métier : la politique aux politiciens et l’humanitaire aux Ongs. Et ceci, sous l’œil complaisant des organisations internationales (OI), telles que l’Organisation des Nations Unies (Onu) et l’Organisation des États Américains (Oea). Et la population haïtienne se sent victime d’un jeu de dupes entre les autorités haïtiennes, les Ong et les organisations internationales.
Wooldy Edson Louidor
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