Chers amis,
Je vous salue depuis ma terre d’Amazonie de cette Sud-Amérique, où nous avons pris l’habitude au moins depuis la conquête coloniale, d’explorer toutes les culutres du monde, de côtoyer tous les visages du monde, d’entremêler toutes les amours du monde.
Aussi sommes-nous toujours, d’abord décontenancés, ensuite interloqués, avant d’être saisis d’une frémissante colère chaque fois qu’une personne, un groupe, un peuple est mis à l’index non pour ce qu’il fait mais pour ce qu’il est. Lors du débat sur l’identité nationale, un écrivain français de parents congolais, éberlué par l’incongruité de la chose a déclaré : “Les français doivent savoir qu’il n’y a pas plus français que ceux qu’ils ont colonisés, puisque nous avons pris au pied de la lettre tout ce qu’ils nous ont appris.” Moi j’ajoute que les français l’admettent, c’est le gouvernement qui l’ignore.
Cela fait quand même quelques temps que ce président nous teste. Depuis 2002 avec ses lois successives sur l’insécurité et l’immigration puis la racaille et le karcher, les charters et les tests ADN, le discours de Dakar et l’identité nationale ; Depuis il a sondé notre attachement aux libertés individuelles et aux libertés publiques ; Il a observé nos réactions sur ses coups de canif à la citoyenneté, sur l’affaiblissement de l’Etat laïque qu’il a livré au curé plutôt qu’à l’instituteur, ce sont ses propres mots, aux nantis qui n’ont pas de port d’attache et maintenant à son propre parti.
Nos voix officielles, militantes, associatives, personnelles ne furent pas assez fortes. Aussi crut-il à l’impunité en pourchassant les Roms.
Mais maintenant que nous avons exprimé notre émoi, nous devons quitter la défensive pour affirmer que les politiques publiques qui creusent les injustices et les inégalités, nous mettent tous en insécurité. Que le compte à soi, l’entre-soi, l’intolérance, les superstitions sapent nos chances de faire société, donc de vivre ensemble.
Nous devons affirmer que nous voulons une République fraternelle et que nous la savons possible. Nos champs de bataille sont le droit, l’éthique, la justice sociale, un Etat impartial et respectueux des obligations de la République et la saveur de l’altérité.
Il y a longtemps qu’Aimé Césaire l’a dit, “une civilisation qui ruse avec ses principes est une civilisation moribonde”, alors ne le laissons pas faire.
Christiane Taubira
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