"Le chanteur Michel Martelly a finalement considéré que les fraudes attribuées aux partisans du candidat du pouvoir, Jude Célestin, sont moins graves que prévu. Crédits photo : KENA BETANCUR/REUTERS
Deux des poids lourds de la bataille renoncent à demander l'annulation du premier tour.
De notre envoyé spécial à Port-au-Prince
Le front commun des candidats à la présidentielle demandant l'annulation du premier tour de dimanche a perdu ses ténors. L'universitaire Mirlande Manigat et le chanteur Michel Martelly ont finalement considéré que les fraudes attribuées aux partisans du candidat du pouvoir, Jude Célestin, sont moins graves que prévu. Ces défections font voler en éclats la solidarité, très artificielle, entre les principaux adversaires du favori du président sortant, René Préval. Elles réduisent à dix sur dix-huit le nombre de personnalités qui demandent le retour à la case départ d'un processus chaotique.
Le revirement tactique de Mirlande Manigat et de Michel Martelly dit Têt Kalé est avant tout opportuniste. L'intellectuelle et l'artiste ont découvert que les premiers procès-verbaux collectés les donnaient en tête dans les bureaux de vote alors que Jude Célestin, en apparente déroute, n'obtenait qu'une poignée de voix. Très partiels, ces premiers comptages n'ont qu'une valeur indicative, mais il n'en fallait pas plus pour pousser la favorite des sondages et le héros du petit peuple, auteur d'une fin de campagne remarquée, à atténuer leurs critiques.
Convaincu qu'il sera élu président, Michel Martelly considère que l'appel à l'annulation lancé durant le déroulement du scrutin a contribué à réduire le zèle des vandales qui ont saccagé les centres de vote considérés comme des bastions des rivaux de Jude Célestin. S'il a baissé d'un ton dans ses attaques contre les autorités, il n'en a pas moins demandé au président Préval et à son protégé de quitter le pays. Sur le même registre, son ami, la star mondiale du hip-hop, Wyclef Jean a mis en garde contre la violence.
Un fort taux d'abstention
L'avis de la mission d'observation de l'Organisation des États américains (OEA) est venu conforter ce changement de cap. Selon l'OEA, les irrégularités «aussi sérieuses soient-elles n'invalident pas les élections». Son chef, Colin Grandenson, qui reconnaît un «déficit de crédibilité» au Comité électoral provisoire (CEP) a jugé les demandes d'annulation «précipitées et regrettables». La communauté internationale, qui a investi lourdement dans l'aide à ce pays dévasté, préfère un scrutin au rabais mais abouti à un fiasco total. Amplifié par la désorganisation, le taux d'abstention devrait être très élevé. Seuls, 10 à 20 % des électeurs se seraient rendus aux urnes. Les autres auraient abandonné en cours de route, découragés par la pagaille générale ou ont occulté un rendez-vous dont ils n'attendaient rien.
Les résultats officiels devraient être connus à partir du 5 décembre. Un deuxième tour pourrait se tenir le 16 janvier, dix jours après le premier anniversaire du tremblement de terre.
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