Le candidat à la présidence Michel Joseph Martelly, pendant toute sa campagne, ne cesse de demander à ses supporteurs de gagner les rues après les élections du 20 mars pour réclamer sa victoire. « Préparez-vous pour donner la même réponse que lors du premier tour », lance le leader de « Repons Peyizan ». En réplique, sa rivale Mirlande Hyppolite Manigat dénonce ces déclarations et appelle ses partisans à préparer également à se manifester. Des discours qui, selon des observateurs, peuvent provoquer des confrontations entre les deux groupes.
Haïti: Les pressions populaires semblent avoir raison de la loi ces dernières années lors des élections dans le pays. Et des candidats, par des discours populistes, ne peuvent s'en passer. Les pressions populaires lors des élections présidentielles et législatives en 2006 ont forcé les autorités électorales à proclamer le chef de l'Etat sortant, René Préval, vainqueur de la présidentielle au détriment de Leslie François Manigat, alors que M. Préval n'avait obtenu que 48,76% des voix.
Les résultats préliminaires du premier tour des élections du 28 novembre 2010 avaient écarté de la course présidentielle le candidat Michel Joseph Martelly au profit de Jude Célestin, candidat du pouvoir. Après des manifestations violentes et des casses enregistrées à travers différentes régions du pays, Michel Martelly a été réintégré dans la course et autorisé à participer au second tour du scrutin.
Pendant toute la campagne électorale, partout où il passe, Michel Martelly, n'hésite pas à appeler ses partisans à manifester dans les rues après les élections, pour ne pas être exclu, dit-il, comme au premier tour de ces élections entachées d'irrégularités et de fraudes. « Yo te mete nou deyò (...) prepare nou pou nou bay menm ti bagay la ankò » (On nous avait exclu (...) préparez-vous pour la même réplique), a lancé le candidat.
La concurrente de Martelly, Mirlande H. Manigat, a, elle aussi, appelé ses supporteurs à gagner les rues comme ceux de son rival après les élections. « Nou aprann ke y'ap prepare yo pou pran lari pou yo di yo genyen, nou menm tou, se pou nou pran lari a tou pou yo pa vòlè vòt nou. ( Nous apprenons qu'ils (les partisans de Martelly) se préparent à gagner les rues pour crier victoire, vous devez également gagner les rues pour le respect de vos votes), a indiqué l'ex-première dame.
Selon des observateurs, des leaders de la société civile ou des responsables d'organisation d'observation électorale, ce sont des discours qui conduisent vers la dérive et qui violent la loi électorale. « Ces discours violent l'article 122.2 de la loi électorale qui interdit toute manifestation le jour du scrutin ou avant la publication des élections. Nous n'appuyons pas une telle logique des candidats. Cela peut déboucher sur des confrontations », a déclaré Noel Laguerre du Conseil national d'observation électorale (CNO).
Un point de vue pas trop différent de celui d'Edouard Paultre qui indique que les deux candidats violent la loi électorale. « Ils pourraient faire appel à la vigilance mais pas des appels à manifester après les élections. Ce n'est pas normal et cette pratique n'est pas une règle de démocratie dans aucun pays. Ce qui compte, c'est l'expression du vote et les autorités électorales doivent faire montre de leur transparence pour la publication des résultats », a avancé M. Paultre. « Des troubles, on en a eu assez » Ce n'est pas des éducateurs ou des professeurs qui ne condamneront pas l'appel à manifester lancé par les deux candidats à la présidence. Selon l'éducatrice Odette Roy Fombrun, le pays ne pas vivre des tensions. « C'est très dur qu'un candidat appelle déjà ses partisans à manifester dans les rues pour réclamer sa victoire. Le pays ne peut pas supporter ce genre de choses. Des troubles, on en a eu assez. Si un candidat n'accepte pas de perdre une élection, qu'il n'y participe pas », a lancé l'éducatrice sur les ondes de Radio Vision 2000. Quant aux professeurs Christian Rousseau et Mozart Deroneth, ils laissent entendre que le discours de Martelly n'a rien à voir avec la démocratie. « Il s'agit de dérives très dangereuses pour la démocratie. Ca n'a rien à voir avec la démocratie. Le recours des politiciens à la population devient une solution et c'est vraiment une dérive à la démocratie. Quelqu'un qui se dit démocrate et qui recourt à la population pour atteindre ses objectifs n'est plus en démocratie, mais dans un régime totalitaire fasciste », a commenté le professeur Rousseau qui explique le recours de ces candidats à un manque de confiance dans les institutions du pays. C'est pratiquement l'avis du professeur Mozart Deroneth. Il se désole du fait que la population haïtienne aime entendre ce style de discours. « Ce sont les discours populistes de Michel Martelly, d'Aristide que la population est prête à entendre », a fulminé le professeur, regrettant ainsi que l'élite haïtienne a du mal à faire à la population un autre discours contraire à celui-là. Face aux menaces populaires lancées par les candidats, Mozart Deroneth croit qu'« il n'y a pratiquement aucune chance que le processus électoral ne se termine sans casse ». En attendant le 20 mars- le jour du scrutin - les deux candidats à la présidence qualifiés pour le second tour continuent de faire campagne dans les différentes régions du pays où ils sont tous les deux accueillis par des milliers de partisans dans de grands rassemblements publics, organisés sans de graves incidents, mais pas essentiellement dans la pure tolérance. | |
Valéry DAUDIER |
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