mercredi 16 mars 2011

- Lettre adressée à Madame R. Bachelot, Ministre de la santé


Les Antilles, en particulier la Martinique et la Guadeloupe ont été particulièrement honorées de votre déplacement à l’occasion de l’épidémie de dengue qui sévit actuellement et qui a fait 21 morts depuis février dernier. Comme vous le savez certainement, la dengue est une maladie virale, transmise par les piqûres d'un moustique et pour laquelle il n'existe ni vaccin, ni traitement spécifique. Elle a provoqué 16 décès en Martinique, et 5 décès en Guadeloupe. Elle frappe plus durement les plus faibles d’entre nous et il se trouve que l’une des dernières victimes âgée de 16 ans, comme quelques autres d’ailleurs, était atteinte de drépanocytose.

Votre déplacement en urgence pour cette épidémie a fait écho à celui que vous aviez effectué il y a un peu plus d’un an dans nos départements. Vous aviez alors fait une série de promesses, hélas sans lendemain, concernant la drépanocytose. Il s’agissait, vous vous en souvenez, du Plan Interministériel de Lutte contre la Drépanocytose. Cette perspective a fait naître des espoirs dans la mesure où, cela fait cent ans que la drépanocytose a été découverte et que ce plan de fond a réellement suscité de grands espoirs au sein de la population ultramarine et chez toutes les personnes concernées directement ou indirectement par la drépanocytose. Malheureusement, et je peux l’affirmer en tant que présidente du collectif ECD (Ensemble Contre la Drépanocytose), de l’APIPD (Association Pour l’Information et la Prévention de la Drépanocytose), principale association représentative des malades, et mère de Taylor, jeune drépanocytaire que vous connaissez, ce plan n’a pas connu le moindre début d’application à ce jour.

L’élaboration d’un plan d’urgence pour faire face au fléau de la dengue vous a donné certainement l’occasion de faire une fois encore des annonces fracassantes sur des points dont, très probablement, vous ne vous soucierez plus guère une fois retournée en métropole.

Comment vous croire, en effet, Madame la Ministre, quand vous venez jouer les pompiers pour la dengue ou le chikungunya, alors que depuis un an et malgré l’existence d’un plan interministériel, vous n’avez pris aucune mesure concrète contre la terrible maladie chronique qui ravage en silence la vie de centaines de citoyens français.

Croyez bien que les drépanocytaires des Antilles et de métropole n’ont pas oublié vos promesses non tenues de juillet 2009. Ne pensez-vous pas qu’il est grand temps de prendre le taureau par les cornes et de concrétiser les promesses que vos prédécesseurs et vous avez faites. Vous ne pourrez en tirer que des bénéfices à long terme ! En particulier, vous deviez doter le centre de référence Antilles-Guyane, qui est le centre pilote, d'équipements nouveaux, notamment une écographie intracrânienne pour diagnostiquer les atteintes à la microcirculation cérébrale et deux appareils à érythraphérèse pour permettre la transfusion.

Vous deviez également mettre en place le dépistage néonatal systématique et national de la drépanocytose. Enfin concernant le traitement par l’hydroxyurée, nos malades attendent toujours de pouvoir se procurer le médicament orphelin qui a été spécialement mis au point pour la drépanocytoseCe médicament, vous le savez, permettrait le retour à une vie quasi normale pour tous ceux qui souffrent des terribles crises drépanocytaires, y compris les enfants. Il a une AMM au niveau européen et il est disponible dans la plupart des pays d’Europe, mais pas en France. Les malades et leurs familles ne comprennent pas pourquoi ils en sont privés et vivent cela, permettez-moi de vous le dire, comme une insupportable discrimination.

Et ne venez pas prétendre qu’il s’agit d’un problème financier ; je vous répondrais : qu’avez-vous fait des millions d’Euros dédiés à la lutte contre la grippe ? Ne serait-ce pas plutôt notre couleur de peau qui nous interdit l’accès à une prévention médicale ?

Face à pareille injustice, l’APIPD envisage d’ailleurs, entre autres, de porter plainte auprès de l’Europe pour discrimination raciale et perte de chance médicale. Notre colère est grande, Madame la Ministre, et si vous ne l’entendez pas à travers ces lignes, soyez certaine que nous saurons la faire entendre par d’autres moyens.

Nous, parents de malades et malades ne comptons plus assister à la longue agonie des patients drépanocytaires et dorénavant, plus aucun d’entre eux ne mourra dans ce total silence. Nous pouvons vous assurer qu’à ce niveau nous ferons démentir l’adage qui précise que « les promesses n’engagent que ceux qui y croient ». Attendez-vous à ce que les associations se disloquent afin de ne plus entendre parler des drépanocytaires et des associations qui les représentent ?

Par ailleurs, vous avez affirmé que : « bien qu’étant la maladie génétique la plus fréquente en France, la drépanocytose n’a pas bénéficié de la même attention que d’autres maladies génétiques. Il est temps de mettre fin à cette situation en rétablissant la qualité des soins et les qualités de tous, devant la maladie ».

En espérant que vous serez sensible à notre détresse et que vous débloquerez la situation par des décisions concrètes et immédiates, je vous prie de croire, Madame la Ministre, en l’expression de ma très respectueuse considération.

- APIPD -
(ASSOCIATION POUR L’INFORMATION ET LA PREVENTION
DE LA DREPANOCYTOSE)
Internet : www.apipd.fr
Email : apipd.@free.fr ou jenny.hippocrate@free.fr 

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