L'utilisation d'armes lourdes contre les civils ivoiriens par le camp du président sortant de la Côte d'Ivoire, Laurent Gbagbo, inquiète les Nations unies.
Dans un communiqué émis mardi, la mission de l'organisation internationale en Côte d'Ivoire, l'ONUCI, s'est dite « extrêmement préoccupée par l'utilisation croissante d'armes lourdes, dont des mitrailleuses, des lance-roquettes et des mortiers, par les Forces spéciales du président Laurent Gbagbo contre les populations civiles à Abidjan ».
Composée de 10 000 personnes, la mission onusienne a averti « qu'elle ne tolérera pas les tentatives d'utiliser ces armes et qu'elle prendra l'action nécessaire contre elles, conformément à son mandat ».
L'ONUCI affirme en outre avoir observé récemment que « le camp du président Gbagbo réparait un hélicoptère armé MI-24 sur l'aile militaire de l'aéroport d'Abidjan et qu'il apprêtait des BM-21 lance-roquettes multiples à Abidjan ».
Ces derniers jours, l'ONU a évoqué un « crime contre l'humanité » pour qualifier le pilonnage d'un quartier d'Abidjan par les forces armées du camp Gbagbo. L'opération, menée dans le quartier d'Abobo, un fief des insurgés pro-Ouattara à Abidjan, aurait fait entre 25 et 30 victimes au sein de la population civile, jeudi dernier.
Le camp Gbagbo a répliqué en dénonçant un « complot ».
Autre motif d'inquiétude : le camp du président sortant a commencé à recruter au sein de l'armée des jeunes volontaires « prêts à mourir » pour le défendre. Quelque 20 000 jeunes se seraient présentés pour la seule journée de lundi, selon la radio-télévision d'État RTI.
En entrevue à Radio-Canada, un représentant de l'ONU en Côte d'Ivoire a par ailleurs évoqué pour la toute première fois un recomptage électoral, comme le réclame le clan Gbagbo. Pour que la mission onusienne y consente, celui-ci devrait toutefois s'engager de façon claire à reconnaître l'issue du recomptage et accepter que le processus soit supervisé par des experts internationaux indépendants, ce dont l'ONU doute.
L'ONU critiquée par les deux camps
L'ONUCI se trouve quant à elle sous le feu des critiques des deux camps. Si Laurent Gbagbo exige son départ depuis plusieurs mois, son rival Alassane Ouattara, reconnu président par la communauté internationale, a multiplié les critiques à son endroit ces derniers jours.
Ses partisans exhortent l'ONUCI à « passer à l'action » et à « user de la force légitime » pour protéger les populations civiles prises dans les violences. Lundi, le gouvernement Ouattara avait notamment réclamé « la destruction de l'arsenal militaire de guerre du camp Gbagbo utilisé contre les populations civiles ».
Selon le bilan de l'ONU, les violences qui ont suivi le scrutin présidentiel du 28 novembre ont déjà fait près de 440 morts, principalement des civils. Le gouvernement Ouattara déplore de son côté 832 victimes. L'ONU estime en outre que près de 500 000 Ivoiriens ont fui leur domicile depuis le début de la crise, dont quelque 94 000 sont réfugiés au Liberia.
Le temps presse, juge l'International Crisis Group
Selon l'International Crisis Group (ICG), une organisation qui travaille à prévenir et à résoudre les conflits, estime que la guerre civile en Côte d'Ivoire est plus qu'une possibilité.
La Côte d'Ivoire n'est plus au bord de la guerre civile, cette dernière a déjà commencé.
— International Crisis Group
L'ICS presse donc les 15 chefs d'État de la Communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), réunis en sommet mercredi et jeudi au Nigeria, de créer une mission militaire pour protéger les civils.
La crise ivoirienne sera au coeur de leurs débats. Il y a trois mois, la CEDEAO a menacé de déloger par la force le président sortant, une stratégie qui n'a pas donné de résultats.
L'ONU lance un appel d'urgence aux donateurs
Devant la détérioration de la situation, le bureau de coordination des affaires humanitaires de l'ONU (OCHA) a de son côté lancé un appel de fonds urgent, estimant « inacceptable » d'avoir reçu si peu d'argent. Sur les 32 millions de dollars demandés, la communauté internationale n'en a versé que 7 millions. L'OCHA devrait par ailleurs réviser à la hausse le montant réclamé « dans les prochains jours ».
Le Programme alimentaire mondial (PAM), une agence onusienne, a expliqué qu'il n'avait ainsi reçu aucun fonds pour la Côte d'Ivoire, ce qui mettait en péril la distribution de vivres.
La victoire d'Alassane Ouattara à l'élection présidentielle du 28 novembre a été reconnue par la commission électorale ivoirienne et la communauté internationale. Validée par les Nations unies, elle a été rejetée par le Conseil constitutionnel, dirigé par un partisan de Laurent Gbagbo.
Radio-Canada.ca avec
Agence France Presse et Reuters
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