Des corps de nègres déshabillés brutalement, nus, dénudés, entassés les uns sur les autres. Des cargaisons de nègres. Images de triste mémoire ; images qu’on n’avaient plus revues depuis la fin de la traite négrière. Images de Côte d’Ivoire ; images de sous-sol, de cagibis à la limite du supportable datées d’avril 2011. Ce qui est entrain d’advenir aujourd’hui en Côte d’Ivoire est grave, extrêmement grave, monstrueux, sans précédent dans l’histoire récente de ce pays. Pillages, humiliations, arrestations arbitraires, exécutions sommaires, viols, les nouvelles en provenance d’Abidjan sont terrifiantes. La destruction organisée est en marche ; on fouille les corps ; on pille les maisons ; on humilie, on supplicie, on agresse, on rabaisse, on terrorise, on institue la torture comme pratique courante, normale, on banalise la cruauté la plus abjecte, on démolit des hommes et des femmes sous le regard bienveillant de l’armée française et de l’ONUCI. Après l’abattoir de la guerre, voici venu le temps de la terreur.
Terreur totale, organisée, savamment organisée, calculée ; froidement calculée. Terreur sans pitié, terreur rationnelle mise en scène pour briser la société ivoirienne, pour briser toute velléité de résistance : chacun doit savoir qu’il est à la merci d’une rafle, d’un viol, d’une exécution ; chacun doit savoir – s’il n’est ni Dioula, ni Akan, ni membre du parti des vainqueurs - qu’il peut être appréhendé, arrêter n’importe où, massacrer n’importe quand. Car ayant commis le crime, le terrible crime d’exister en tant que non dioulas, en tant que non partisan de Ouattara.
Terreur de cabinet du Golf, terreur de rue, terreur sans limites instituée en mode de gouvernement. Il s’agit d’anéantir tout ce qui ne rampe pas ; il s’agit de détruire tout le tissu associatif non soumis ; il s’agit de détruire tout contre-pouvoir politique potentiel ; il s’agit d’imposer à tout prix la domination sur Abidjan de l’homme arrivé au pouvoir dans les fourgons des bombardiers de l’ancienne puissance coloniale: Alassane Ouattara. Un Ouattara qui n’a d’autre légitimité sur cette ville que celle d’une conquête brutale, sanglante et meurtrière, qui n’a d’autre autorité sur cette cité que celle de la barbarie d’une aviation française déversant la mort à dose massive sur Abidjan. « Nous serons maîtres de la Côte d’Ivoire fut-ce au prix de 100 000 morts ! », avaient d’ailleurs promis des proches de Ouattara bien avant les élections.
Terreur sur la Côte d’Ivoire. La terreur faite loi. Rien de surprenant pour qui connaît le parcours politique du nouveau maître d’Abidjan, l’homme au sourire civilisé et à la main chevillard ; l’homme qui ne sait pas ce que veut dire le mot dialogue, l’homme de la petite vengeance. Et aujourd’hui, cet homme-là, porté par un sentiment de pouvoir absolu, porté par une sensation de toute puissance pense qu’il peut tout : arrêter, emprisonner, terroriser, éliminer à volonté qui il veut. A huis clos, dans le silence et l’impunité absolue. Au nom, dit-il, la voix fluette et grésillant, au nom de la pacification du pays ! Scandaleux euphémisme qui dit en réalité le droit sans fin, le droit sans limites du conquérant, le droit du fort du moment de supplicier en toute impunité le faible, le sans-défense.
Tout cela ne serait évidement jamais advenu sans la bénédiction de la France ; oui, sans la grâce accordée par l’autoproclamée patrie des droits de l’homme ! Car il faut le dire : c’est la France qui a créée les conditions de la terreur actuelle : la furie destructrice de l’intervention française portait en germe la cruauté en cours. En proclamant l’hygiène démocratique comme autrefois Gobineau proclamant l’hygiène raciale ; en affirmant que la démocratie se trouve à l’ombre des rafales et des chars ; en ajoutant aux intolérances classiques, raciales, politiques et religieuses, l’intolérance démocratique ; en théorisant et en faisant la guerre purificatrice contre des supposés ennemis de la démocratie ; en dessinant une tête de mort sur chaque chef d’Etat étranger à son interprétation de l’orthodoxie démocratique, la France est la mère de la barbarie actuelle. Elle en porte la responsabilité ; elle a jeté les bases de l’ignominie, de l’horreur, de la tragédie actuelles.
Une tragédie, une terreur prolongée par le silence de la presse française ; une presse comme frappée, dans son ensemble, par l’éclipse de toute humanité ; une presse plus occupée à danser la danse chauvine du scalp autour des images du kidnapping de Gbagbo qu’à faire son métier : faire du bruit, montrer l’effrayant Etat d’exception qui règne aujourd’hui à Abidjan. En ne disant pas son opposition à ce processus de destruction humaine - destruction physique, psychique et sociale ; cette presse, par son silence délibéré, dit que cette barbarie-là n’est pas un crime ; elle l’encourage, elle dit qu’elle peut continuer. Car ne l’oublions pas : c’est le silence qui permet toujours la perpétuation de la terreur. Nul n’a le droit de se taire aujourd’hui face à l’inhumanité à l’œuvre à Abidjan. James Baldwin : « Il nous faut agir maintenant comme si tout dépendait de nous : faire autrement serait un crime. »
Source Africa time for peace
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