samedi 30 avril 2011

PREMIER MINISTRE SORTANT FAIT LE BILAN - Au regard du futur de la CIRH




By Mr. Jean-Max Bellerive

Alors que le pays s'engage résolument dans une nouvelle page d'histoire, j'ai pensé qu'il était de mon devoir, en tant que Premier ministre sortant et coprésident de la CIRH, de restaurer la vérité et de dissiper un ensemble de malentendus qui ne peuvent que dévier des réflexions sérieuses et si nécessaires sur l'avenir de la reconstruction d'Haïti.

Dans un contexte historique très particulier, mon but dans cette tentative de réponse est d'offrir aux nouveaux décideurs politiques, à la société civile et à la population dans son ensemble une perspective objective et le fruit de l'expérience des 12 dernier mois de fonctionnement de la CIRH. Je ferai donc le choix d'ignorer les accusations fallacieuses et les critiques intéressées reprises ça et là, pour éviter d'être entraîné dans une polémique stérile et surtout incompatible avec mes attributions de chef de gouvernement. Par contre, sur les questions de fonds mon point de vue est simple :
        i)          la CIRH a-t-elle été un instrument essentiel à l'engagement des différents partenaires de la reconstruction d'Haïti à un moment tellement critique? Ma réponse est: Oui;
      ii)          est-elle perfectible? Absolument!;
     iii)          quel devrait être son devenir, en tenant compte de l'évolution de la situation en Haïti?

Le travail de la Commission couplé aux autres efforts du gouvernement auront permis en 15 mois la mobilisation de ressources et la réalisation de résultats concrets dans les domaines suivants :

  1. des millions de litres d'eau potable ont été distribués aux populations, notamment à travers la DINEPA et autres organisations, évitant ainsi l'accentuation de la grande cause de mortalité en Haïti que constituent les maladies hydriques. De fait, l'incidence de ces maladies a dramatiquement diminué en Haïti depuis le tremblement de terre ;
  2. des millions de rations alimentaires ont été distribuées, limitant ainsi l'impact des conditions précaires et des conséquences du chômage sur l'alimentation des populations ;
  3. des centaines de milliers de tentes, abris et prélats ont été distribuées dans la phase d'urgence, permettant ainsi aux victimes de se protéger contre les intempéries ;
  4. plus d'une centaine de postes de soins et de nombreux centres de traitement du choléra ont été montés dans toutes les zones sinistrées avec le leadership du ministère de la Santé publique afin d'augmenter l'accès aux services de santé à la population ;
  5. des centres de santé ainsi que des hôpitaux de référence sont en train d'être construits dans différentes régions du pays ;
  6. la distribution électrique a été rétablie à près de 95% dans les zones où le courant était distribué avant le tremblement de terre et de nouvelles capacités sont en train d'être installées;
  7. des milliers d'emplois provisoires ont été créés, permettant aux victimes de disposer d'un minimum de ressources pour subvenir à leurs besoins premiers;
  8. plus de 600 000 personnes ont quitté les camps, plusieurs milliers d'abris provisoires ont été construits et environ 400 logements permanents sont prêts à être distribués à la population ;
  9. conformément au plan présenté à New-York, des investissements importants ont été réalisés dans les dix départements dans le domaine des infrastructures (routes, ponts), de l'énergie, des services de base (eau potable, écoles, centres de santé, etc.);
  10. des investissements importants ont été consentis pour faciliter la création d'emplois en dehors de la capitale (par exemple la construction d'un important parc industriel dans la région Nord qui devra générer également plusieurs emplois indirects) ;
  11. d'énormes efforts ont été déployés pour continuer à mieux protéger les populations contre les effets des turbulences climatiques et diminuer l'incidence du passage des cyclones (travaux de curage, protection des berges, aménagements des bassins versants, etc.) ;
  12. des études, des plans et des terrains ont été identifiés et vont permettre rapidement de démarrer la construction de logements modernes à loyer modéré pour les populations touchées.

En tout, plus de 87 projets ont été approuvés par la CIRH et plusieurs sont en cours de réalisation sous la coordination du gouvernement. L'une de mes responsabilités, à titre de coprésident de la Commission, est de m'assurer que les ministères concernés sont toujours à l'origine ou opérateurs des projets proposés à la validation de la Commission.

Au regard du futur de la CIRH, les récentes réflexions ont permis de mettre en exergue trois issues plausibles:


a)          La CIRH disparaît purement et simplement le 21 Octobre 2011 au terme de son mandat de 18 mois;
b)          Conformément à la Loi votée par le Parlement, la CIRH se transforme en Agence de reconstruction avec un mandat bien défini qui prendrait la relève après le 21 octobre;
c)          Le mandat actuel de la CIRH est prolongé pour une période limité (un an au plus) avec des modifications à sa mission et si nécessaire à sa structure, en vue d'accommoder la nouvelle conjoncture et de redistribuer ses attributions en fonction de la vision du nouveau gouvernement.

Ces différentes options sont déjà en discussion et devront être traitées en priorité par les prochaines autorités élues. En ce qui me concerne, la décision finale sur l'avenir de la Commission devrait être guidée par trois considérations majeures;
d)          L'obligation de garantir que les éléments de base de la reconstruction, particulièrement l'enlèvement des débris, les logements sociaux, la réparation/reconstruction des écoles, la mise en place de systèmes sanitaires et d'eau potable, de services de santé et la création d'emplois, etc. ne soient interrompus ou pris en otage par la transition politique. La population ne peut plus attendre;
e)          Le besoin d'assurer que le gouvernement et les institutions nationales puissent assumer pleinement, directement et aussi rapidement que possible la prise en charge complète du processus de reconstruction. Ceci inclut la coordination de l'aide publique dans un cadre transparent et efficient garantissant la reddition de comptes aussi bien au niveau national que pour les citoyens des pays qui ont accepté que les fonds provenant de leurs impôts soient investis en Haïti;
f)            La nécessité de veiller à ce que, sur le moyen et long terme, nous ne nous retrouvions pas en train de créer une administration bancale et à deux vitesses.

En tout état de cause, la disparition de la CIRH le 21 Octobre prochain mettrait tout un ensemble d'acquis en danger et obligerait le gouvernement à envisager une nouvelle structure de coordination. Il est clair que le retour au statut d'avant le séisme ne faciliterait en rien le processus de reconstruction. En effet, il est certainement facile pour les détracteurs de la CIRH d'oublier que ce nouvel instrument repose sur un partenariat efficace entre la communauté internationale, le gouvernement haïtien et les intervenants locaux pour d'assurer un flux continu de ressources, une cohérence des déboursements et une gestion transparente du financement. Par contre, ceux qui ont la responsabilité de gouverner doivent s'assurer que ces différents éléments s'articulent de manière harmonieuse pour soulager les souffrances de la population.

La reconstruction d'Haïti ne peut se concevoir sans un vrai partenariat entre les différents intervenants des communautés internationales, de la société civile et des pouvoirs de l'état. J'affirme sans réserve que si ses missions sont bien comprises et ses attributions bien remplies, la CIRH est un instrument incomparable pour faciliter une meilleure prise en charge par les Haïtiens de leur propre développement. La présence de « blancs » sur la table ne doit pas être vue comme un handicap à l'atteinte de cet objectif. Au contraire. Nous avons un plan et nous voulons construire les capacités nationales. Afin de le mener à bien, nous travaillons avec ceux qui le financent pour assurer une parfaite transparence dans la gestion des fonds reçus en évitant les chevauchements.

Comme le démontrent les faits ci-dessus établis, la CIRH a entrainé un changement significatif en Haïti. Des progrès s'opèrent par exemple au niveau des modalités d'intervention des innombrables petites agences. Auparavant, il suffisait d'être présent sans pour autant être efficace. Des millions de dollars ont été dépensés par plusieurs petites organisations à Mapou, aux Gonaïves après le passage du cyclone Jeanne, sans que la réalité sur laquelle elles prétendaient agir ait réellement évolué. Le contexte actuel exige de la transparence et des actions concrètes. Nombre d'organisations réclamant la disparition de la CIRH ont leur budget de fonctionnement en augmentation depuis le séisme, sans pour autant articuler des actions concrètes au sein de la population. Le déplacement du débat, accompagné de la stigmatisation de la CIRH et orchestré par divers groupes, n'est donc certainement pas dû au hasard.

Pour terminer, tout en souhaitant que le présent éclairage facilite la compréhension de l'authentique mission de la CIRH, je vous prie toutes et tous de croire en mon dévouement dans l'intérêt de la nation.


Premier ministre d'Haïti
Co-président de la CIRH

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