vendredi 6 mai 2011

Ben Laden « Justice Est Faite »


Après qu’Oussama Ben Laden a été abattu au Pakistan par un commando américain [1], Barack Obama a déclaré : « Justice est faite ». Puis la chefferie de l’État français, qui s’y connaît en équité, a bissé :« Justice est faite ». Puis le quotidien Le Monde, où les indigènes sont, comme on sait,« tous américains », a titré, cet après-midi : « Justice est faite ».


Je serais natif de Billings (Montana, USA) ?


Je ferais dès à présent d’ardentes prières pour qu’Obama cesse d’énoncer que la loi du Talion serait synonyme de « justice ».
Je brûlerais du cierge par douzaines, pour qu’il s’abstienne de trop répéter que la « justice » consisterait donc à tuer sans jugement les assassins, non sans avoir préalablement buté aussi de conséquents quotas de victimes collatérales.

Car en effet, si un tel avis devait partout prévaloir, et s’il devait présider désormais au rendu planétaire de la justice : les Américain(e)s (mais pas que) auraient beaucoup - beaucoup - de souci à se faire.

Car en effet : pour ce qui serait du terrorisme de grosse échelle « reponsable du meurtre de milliers d’innocents », comme l’a fort bien rappelé Barack Obama -, force est de constater que Ben Laden, nonobstant l’application qu’il mit dans ses massacres [2], restait un tout petit joueur, par rapport aux serial killers (de dizaines de dizaines de milliers d’innocent(e)s Vietnamien(ne)s, Guatémaltèques, Irakien(ne)s [3]) de Washington.

Noam Chomsky : « Dans la majeure partie du monde, les États-Unis sont considérés comme un grand pays terroriste, ce qui n’est pas sans fondement. »


Noam Chomsky : « Dans les années 1980, les États-Unis ont attaqué le Nicaragua. Il y a eu des dizaines de milliers de morts. Le pays a été presque entièrement détruit, il ne s’en relèvera peut-être jamais. Cet attentat terroriste international s’est accompagné d’une guerre économique dévastatrice, qu’un petit pays, isolé par une superpuissance vindicative et cruelle, pouvait difficilement supporter, comme l’ont montré en détail les grands historiens du Nicaragua, dont Thomas Walker. Mais les Nicaraguayens n’ont pas répliqué en lançant des bombes sur Washington . Ils sont allés devant la Cour internationale de justice, qui a statué en leur faveur, ordonnant aux États-Unis de cesser leur action et de payer des réparations importantes. Les États-Unis ont rejeté la décision du tribunal avec mépris et ont aussitôt intensifié leurs attaques. Le Nicaragua est donc allé devant le Conseil de sécurité de l’ONU, qui a alors proposé une résolution appelant les États à respecter le droit international. Les États-Unis ont été les seuls à y opposer leur veto [4]. »


Imaginons trois secondes que le Nicaragua, adoptant les vues d’Obama et de Sarkozy et du Monde, envoie la semaine prochaine un commando buter Oliver North chez Fox News, après avoir bombardé d’abondance le Minnesota et le Wisconsin, puis se félicite en majesté de ce que « justice » ait ainsi été enfin rendue aux dizaines de milliers de victimes du terrorisme étatsunien – puis que, l’apprenant, de grands bouts du peuple nicaraguayen festoient en direct live dans les rues de Managua, comme on fait cette nuit dans celles de New York et de Washington de grands bouts du peuple américain ?


Quelque chose me dit que ça passerait moyen bien, dans les éditocraties d’Occident.

(Quelque chose me dit que Le Monde n’irait pas du tout titrer que« justice est faite ».)

Tu peux tout à fait nous présenter l’assassinat ciblé vendettique comme de la « justice », Buddy - oeil pour oeil, comme au bon vieux temps, dans le bon vieux Far West : ça fera plaisir à Netanyahou, qui s’y connaît un peu.

Mais faudra alors pas que tu t’étonnes, si, faisant des émules, tu te manges de méchants coups dans les dents.

Sébastien Fontanelle


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