mercredi 25 mai 2011

DSK: chut, la droite pavoise


Officiellement, les déboires de Dominique Strauss-Kahn ne changent rien. La majorité voulait croire que le candidat n'était pas dangereux, mais son élimination plonge les socialistes dans une tourmente qui la réjouit. En toute discrétion.

 

"Maintenant, c'est 2017 qui est préoccupant." Cette provocation d'un proche de Nicolas Sarkozy en dit long sur l'état d'esprit de la droite après l'arrestation de Dominique Strauss-Kahn et son inculpation. Jusque-là, il fallait dissimuler tout sentiment de défaite annoncée. Aujourd'hui, c'est l'inverse, la victoire est à portée de main. Malgré les derniers sondages, toujours favorables à la gauche, ils en sont tous persuadés. 
Mais ils prennent soin de ne pas (trop) le montrer. Car la consigne est claire, il ne faut pas s'emballer. "Quel que soit le candidat du PS, ce sera un candidat solide. Il nous faut rester concentrés sur la gestion du pays et régler les problèmes des Français en obtenant des résultats", affirment en choeur les ministres Xavier Bertrand et Laurent Wauquiez. Voilà pour les éléments de langage. 

Dès l'annonce de cet événement planétaire, l'Elysée a exigé du gouvernement et de la majorité sobriété et discrétion. La ministre de l'Ecologie, Nathalie Kosciusko-Morizet, qui devait participer à l'émission Mots croisés, lundi 16 mai sur France 2, consacrée à l'affaire, a ainsi été priée de décommander. 

"Les langues se délient"

En coulisses, les langues se délient. La droite a du mal à cacher qu'elle voit d'un bon oeil la disqualification spectaculaire du favori des sondages, pour la primaire socialiste comme pour le second tour de la présidentielle, reléguant même Nicolas Sarkozy en troisième position, derrière Marine Le Pen.  

Ce n'est pas seulement un rival qui disparaît, ce sont aussi des arguments: le scandale de New York relativise les faux pas de Paris. Soirée au Fouquet's, séjour sur un yacht au lendemain de la victoire, rupture avec Cécilia puis annonce fracassante du remariage avec Carla Bruni, tentative avortée de placer l'un de ses fils, Jean, à la tête de l'Epad: autant d'épisodes qui ont classé Nicolas Sarkozy du côté des riches, des patrons et du bling-bling. 

Certes, le chef de l'Etat a toujours estimé que DSK n'était pas le candidat le plus dangereux à affronter, car, une fois les fragilités du patron du Fonds monétaire international passées au "laser" - comme il l'a dit lui-même -, les siennes seraient apparues dérisoires. 
Ce pronostic s'est avéré, plus tôt que prévu et dans des proportions inespérées: la gravité des accusations à l'encontre de DSK a complètement modifié l'échelle de valeur des griefs, estime la droite. "En contrechamp, Nicolas Sarkozy accède à la sainteté !" ose l'un de ses responsables. "Cela nous permetd'effacer quelques ardoises, de remettre les compteurs à zéro", analyse plus modestement un cadre de l'UMP. 
Le Parti socialiste, Martine Aubry en tête, avait fait du style de Nicolas Sarkozy la cible de ses attaques les plus mordantes. "Dorénavant, on les voit mal nous donner des leçons de morale, dit un ministre. Cela va plomber durablement les attaques perso." 

Un secret qui n'en est plus un

Si les conseillers du chef de l'Etat redoutent l'excès de confiance, le chef de l'Etat a évité cet écueil. Pour le moment. Lors de la réunion de la majorité, mardi 17 mai, Nicolas Sarkozy, qui se plaît d'habitude à commenter l'actualité de la semaine, a ostensiblement refusé de parler du sujet. Tout comme il reste discret sur sa future paternité, un secret qui n'en est plus un. 

Avant l'affaire, le chef de l'Etat avait décidé de cultiver la retenue. Les frasques présumées de Dominique Strauss-Kahn le confortent dans le choix de ce rôle, inédit pour lui, celui de bonus pater familias. "Le même jour, on apprend que DSK est une bête de sexe et que Nicolas Sarkozy va être papa", commente crûment l'un de ses visiteurs réguliers. 
Le contraste est si saisissant que la droite ne se privera pas de le rappeler. Si nécessaire. Pour l'instant, "tout est tellement énorme que nous n'avons pas besoin d'en rajouter", juge le conseiller d'un ministre. Nicolas Sarkozy peut même se payer le luxe de flatter celui qui aurait pu devenir son adversaire. 

Un coup de main du destin

Le 19 mai, dans un communiqué où il prend acte de la démission de DSK de son poste de directeur général du FMI, il se félicite que, "sous [son] autorité", l'institution "a contribué [...] à la reprise de la croissance économique". 

Difficile, ensuite, de dire qu'il aura crié avec les loups. "Le président de la République est devenu président de la République, note même un cadre de l'UMP. Cela avait commencé il y a quelques semaines, après les cantonales." Annoncée, escomptée, cette tentative de représidentialisation n'avait pas réussi. L'affaire DSK, c'est le coup de main du destin. 

Elle facilite la nouvelle com' du président. Influe-t-elle pour autant sur la stratégie de la campagne? Réponse sérieuse, celle de Bruno Le Maire: "Rien ne change", explique l'entourage du ministre de l'Agriculture, chargé du projet pour 2012. Son contenu va rester ce qu'il est. Et le parti majoritaire entend toujours insister sur le décalage entre les propositions du Parti socialiste et les préconisations du FMI de ces dernières années, malgré le départ forcé de DSK. 

Réponse cynique, celle de Marc-Philippe Daubresse, l'un des lieutenants de Jean-François Copé, secrétaire général de l'UMP. "Je suis le premier à le regretter mais, dans notre société, le programme est de moins en moins important. La vraie question est de savoir qui est le mieux à même de diriger le pays." Aujourd'hui, de ce côté-ci de l'échiquier, la réponse ne fait plus de doute. 

"Ils sont dans la mouise et risquent d'y rester"

La majorité compte aussi sur la primaire socialiste pour pousser son avantage. Encore plus imprévisible après l'élimination de DSK, elle pourrait bien déchirer le PS, à nouveau et durablement, surtout si le front anti-Hollande se durcit. Les quatre premiers mois "utiles" pour la présidentielle, entre septembre et décembre 2011, juste avant l'entrée probable en campagne de Nicolas Sarkozy, "ils vont les passer à se concurrencer entre eux plutôt qu'à nous combattre", se régale par avance un proche de Jean-François Copé.  

Dans ce climat, la scission en cours des centristes prend l'allure d'un drame surmontable: "La question est de savoir non plus si la droite est désorganisée, mais si la gauche va pouvoir se remettre de cette épreuve", estime le conseiller d'un ministre La majorité espère et pronostique que non. "Ils sont dans la mouise, juge un habitué de l'Elysée, et risquent d'y rester un certain temps." Surtout si un procès de DSK intervient dans la dernière ligne droite menant à la présidentielle. Les conséquences seraient dévastatrices pour les socialistes, quel que soit le candidat, et tout au bénéfice du président sortant. 

Le vrai problème de Hollande s'appelle Ségolène Royal

De toute façon, beaucoup en sont persuadés au sein de l'exécutif, Martine Aubry et François Hollande apparaissent comme des candidats par défaut. Avec une circonstance aggravante pour la première secrétaire, le pacte de Marrakech, qui liait son avenir à celui de Strauss-Kahn. Or la droite la donne gagnante de la primaire. 

Le candidat Sarkozy ne manquera pas d'insister sur un autre point sensible: le manque de stature internationale de son adversaire, Aubry ou Hollande. Si DSK avait un atout qui neutralisait le statut présidentiel de Nicolas Sarkozy, c'est bien celui-là. La présidence française du G 8-G 20 promettait un affrontement entre deux fins connaisseurs des dossiers économiques du moment et deux habitués des grands dirigeants de la planète. 

Les parcours de ses rivaux sont aussi passés en revue comme autant de failles potentielles. François Hollande? Son absence de toute expérience gouvernementale dans son CV ne ferait pas le poids face à un président sortant. Mais son vrai problème s'appelle Ségolène Royal, son ancienne compagne. Un proche du chef de l'Etat, sourire en coin, en est persuadé: "Elle fera tout pour se venger et l'empêcher de passer." 

Martine Aubry? Elle est jugée trop clivante pour attirer à elle ces électeurs de droite qui auraient pu être tentés par un Dominique Strauss-Kahn positionné plus au centre. A les entendre, la patronne du PS elle-même ne croit plus à la possibilité d'une victoire. Ils en veulent pour preuve ses premiers mots après l'annonce de l'interpellation de DSK: "Un coup de tonnerre." L'expression avait déjà été utilisée par Lionel Jospin. Le soir du 21 avril 2002.  

Benjamin Sportouch

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