jeudi 19 mai 2011

Libye : "Des exactions "anti-noirs" dans les zones rebelles"


Les migrants africains d'origine subsaharienne sont victimes de violences racistes sur le territoire contrôlé par les insurgés en Libye. La FIDH dénonce "une situation d'extrême urgence".

 

Battus, spoliés, parfois violés et tués, les migrants africains d'origine subsaharienne sont les victimes collatérales de la révolte libyenne. Les membres d'une mission de la Fédération internationale des droits de l'homme (FIDH), de retour deSalloum, à la frontière égypto-libyenne, rapportent les témoignages de 50 travailleurs migrants qui ont fui par "peur d'attaques racistes".  

Ils seraient au total quelque centaines de réfugiés à vivre dans des conditions extrêmement précaires, en attendant d'obtenir l'asile politique ou d'être rapatriés dans leur pays d'origine. "Ce sont des personnes qui vivaient et travaillaient dans la région contrôlée par les rebelles, explique Geneviève Jacques, membre de la mission FIDH qui était sur place du 8 au 15 mai. Ils nous ont tous rapporté avoir subi de graves violences à cause de leur couleur de peau."  

De la discrimination à la violence

Originaires principalement du Darfour, d'Erythrée, de Somalie et d'Ethiopie, ils avaient fui les conflits dans leurs pays pour venir trouver un emploi en Libye. "Exploités, socialement exclus, ils subissaient le harcèlement policier sous le régime de Kadhafi, affirme Geneviève Jacques. Depuis le début du conflit, ceux qui vivent dans les zones rebelles sont accusés par la population d'être des mercenaires du colonel."  
De fait, le régime de Kadhafi a recouru à des mercenaires d'Afrique noire qui ont semé la terreur. Mais ceux-là se sont enfuis vers les zones contrôlées par le colonel, au fil de l'avancée des insurgés.  

L'amalgame "noirs=mercenaires" est désormais le prétexte d'insultes, de licenciements sans paiement, de passages à tabac et d'attaques de la part de "groupes armés non identifiés" en "Libye libre". La mission de la FIDH a recueilli trois témoignages de jeunes filles violées.  

"La communauté internationale n'a pas condamné ces exactions"

"Bloqués au poste frontière de Salloum, ces migrants non nulle part où aller, raconte Geneviève Jacques." L'Egypte refuse de leur ouvrir ses frontières et réclame qu'ils soient évacués de ces campements de fortune. Ayant fui les conflits et la persécution dans leur pays d'origine, ils attendent d'être accueillis par un pays tiers. "78% de ces migrants ont été reconnus comme réfugiés par le Haut-commissariat aux réfugiés, affirme Geneviève Jacques. Pourtant, la politique migratoire et répressive de l'Union européenne ne leur laisse que peu d'espoir."  

La FIDH réclame un assouplissement des conditions d'asile de la part des pays signataires de la Convention de Genève et exhorte le CNT libyen à prendre les mesures nécessaires afin de faire cesser ces violences. "Dans ce contexte hostile, aucune des victimes que nous avons interrogées n'a osé porter plainte, déplore Geneviève Jacques. Les insurgés libyens ne réussiront pas à construire un Etat démocratique s'ils continuent à cautionner ce type d'exactions." 



Jules Giraudat

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