mardi 21 juin 2011

POUR UN REEQUILIBRAGE GEOGRAPHIQUE DU DEVELOPPEMENT ET DU TOURISME

Touriste- Martinique : photo: Evariste Zephyin

Le 29 mai 2007, l’assemblée plénière du Conseil Régional, sous la mandature d’Alfred MARIE-JEANNE, adoptait un « dispositif d’intervention en faveur des offices de tourisme et syndicats d’initiative ».

Ce dispositif, voté alors à l’unanimité des élus, prévoyait deux volets : une aide forfaitaire annuelle et une aide au titre des programmes d’animations annuels des communes.

L’aide forfaitaire annuelle était plafonnée à 6 000 euros par commune et permettait d’assurer les missions de recensement de l’offre touristique, d’accueil et d’information des touristes.

L’aide au titre des programmes d’animation était attribuée sur  la base d’un montant égal, au maximum, à 30 % du coût des activités prévues sur l’année. Elle était plafonnée à 45 750 euros par an.

Dans ce second volet, il était prévu que tout programme d’animation présenté par un groupement d’offices et de syndicats d’initiatives verrait l’augmentation de la participation régionale de 30 à 45 %..

Une reprise du schéma déjà en place

Le nouveau dispositif proposé par la majorité actuelle du Conseil Régional ne fait que reprendre le schéma existant, en revalorisant simplement les sommes mises à disposition par le Conseil Régional.

Dans le projet soumis à la plénière du mardi 7 juin 2011, il est ainsi proposé de faire varier l’aide forfaitaire de 6 000 à 12 000 euros. Quant au taux d’intervention régionale dans le volet des programmes d’animation annuels des communes, il est, comme antérieurement, maintenu à 30 %, mais le plafond connaît une petite augmentation de 45 750 € à
50 000 €. Dans le cadre d’un regroupement d’actions entre plusieurs offices et syndicats d’initiatives, le taux qui avait été fixé à 45 % en 2007 est porté à 50 % et plafonné à 100 000 euros.

Si ces revalorisations sont les bienvenues, par contre les critères définis par « Ensemble pour une Martinique Nouvelle » contribuent à marginaliser les petites communes et à pérenniser, voire à accentuer, la fracture du développement entre la zone centre-agglomération / Sud-Caraïbe et la zone Nord / Sud-Atlantique, en besoin de rattrapage économique.




La marginalisation des petites communes

Le rapport de la majorité précise en effet :

« La variation du montant de l’aide (il s’agit de l’aide forfaitaire) sera déterminée en fonction d’une grille de critères qui tiennent compte du nombre d’habitants de la commune et de son potentiel touristique (nombre de lits, de restaurants et de sites touristiques). »

En réalité, « le nombre d’habitants de la commune » ne constitue pas un critère pertinent pour l’attribution d’une aide dont la fonction consiste à assurer les missions d’accueil et d’information des touristes ainsi que le recensement de l’offre touristique.

D’abord parce qu’il n’existe pas de corrélation mécanique entre l’importance démographique d’une commune et le nombre de touristes qu’elle accueille ou est en capacité d’accueillir. C’est d’ailleurs pourquoi Alfred MARIE-JEANNE ne souhaitait pas défavoriser les petites communes et attribuait 6 000 euros à tous les offices et syndicats d’initiatives.

Ensuite, ce critère aura pour effet de renforcer les disparités entre les petites communes et les autres, surtout dans un contexte financier difficile qui les fragilise davantage que les autres, en raison de recettes moindres. La grille élaborée par la majorité (Ensemble pour une Martinique Nouvelle) accorde 100 % des avantages de ce critère aux communes de plus de 20 000 habitants, contre 20 % aux communes de 4 999 habitants et moins (soit 360 €).

En conséquence, des communes comme les Anses-d’Arlets, Grand-Rivière, Fonds-Saint-Denis ou encore le Prêcheur
-dont l’attractivité touristique est incontestable- n’auraient droit qu’à 360 € pour ce critère. Et ce sont les communes du centre (Fort-de-France, Lamentin et Schoelcher), lesquels concentrent déjà l’essentiel des richesses, qui tireront avantage de ce dispositif ; celui-ci, en définitive, renforcera les effets de centralité, au détriment d’une bonne partie du reste du pays. La « grille des critères » répond, de fait, aux intérêts du centre.

La sacralisation de la fracture de  développement

Le second critère proposé, celui du « nombre de lits et de restaurants », sous des apparences de rationalité, livre les communes du Nord et du Sud-Atlantique à une concurrence déloyale avec celles du centre-agglomération et du Sud-Caraïbe.

En effet, dans les années 1960 à 1980, l’Etat aménageur a favorisé le développement d’un tourisme balnéaire dont nous pouvons, aujourd’hui encore, lire les traces dans le fait que trois communes de la Martinique (Trois-Ilets, Sainte-Anne et Sainte-Luce) concentrent, à elles seules, 49,5 % de la capacité de réception touristique (chambres et lits).

A l’opposé, des communes comme Grand-Rivière et le Prêcheur n’offrent qu’environ une dizaine de lits chacune !

D’autres chiffres mettent en évidence la concentration géographique de l’activité touristique. La zone centre-agglomération / Sud-Caraïbe totalise, en effet :

·        65 % des établissements touristiques
·        77 % des emplois de ce secteur économique
·        80 % des tables de restaurants

Faire dépendre le niveau de l’aide forfaitaire du nombre de lits et de restaurants renforce donc les disparités régionales et les situations d’inégalités qui pénalisent déjà nombre de communes et de leurs habitants.

Etablir des critères plus justes

Le Groupe des Patriotes Martiniquais et Sympathisants a proposé, lors de la plénière du 7 juin, trois critères qui s’inscrivent dans une vision permettant d’aider au rééquilibrage du territoire et d’assurer l’égalité des Martiniquais dans le domaine du développement :

      D’abord la valorisation des sites touristiques
     Ensuite, un critère de rattrapage, au profit des zones ayant accumulé du retard
      Enfin, un critère d’innovation et de dynamisme

Les élus patriotes ont aussi demandé que ces critères de justice et de rééquilibrage soient appliqués autant dans la détermination de l’aide forfaitaire que dans celle du soutien aux programmes d’animation annuels des communes. Cette dernière mesure permettrait d’aller au-delà du taux de 30 % pour des territoires identifiés.

A l’évidence, le débat sur le tourisme martiniquais ne se cantonne pas à ce dispositif particulier. Néanmoins, le projet défendu par « Ensemble pour une Martinique Nouvelle », le 7 juin, traduit une absence de vision des enjeux de développement et d’égalité des citoyens sur l’ensemble du territoire martiniquais.

Compte tenu des éléments que nous avons apportés à ce débat, la majorité du Conseil Régional a été obligée de proposer le renvoi du rapport qu’elle avait présentée. Une nouvelle grille sera élaborée et soumise au vote des élus dans une prochaine plénière.


Francis CAROLE                                                                                                          Clément CHARPENTIER-TITY

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