Charles Blé Goudé était, hier mardi, l'invité de RFI. Le leader des jeunes patriotes n'a pas porté de gant pour dire ses vérités au régime Ouattara. Voici l'intégralité de cette interview.
Charles Blé Goudé, qu’est-ce vous devenez ?C.B.G : Je suis Charles Blé Goudé, je suis là.Quand vous dites « je suis là », ça veut dire où?C.B.G : Je suis là où je dois être. Je suis à l’abri. Je suis là et je regarde les choses.On dit que vous circulez beaucoup en Afrique de l’Ouest.C.B.G : Oui. On dit aussi que je suis décédé. Donc, je laisse les gens déblatérer sur mon sort et souvent je ris. Donc, vous êtes quelque part en exil ?
C.B.G : Non. Je dis aux uns et autres qu’on est ensemble là où on doit être. Certainement que je suis à Abidjan ou quelque part, mais je suis dans une vie de clandestinité que j’assume. On m’annonce souvent mort, on m’annonce au Zimbabwe, on m’annonce au Bénin, au Ghana. Mais tout cela m’amuse et je regarde.
Alors vendredi dernier, la justice ivoirienne a lancé contre vous, un mandat d’arrêt international. Comment réagissez-vous ?
C.B.G : Ecoutez, rien ne me surprend du tout. Parce que voyez-vous, depuis que M. Ouattara est au pouvoir, il y a une justice à double vitesse. Il a peur. M. Ouattara a peur d’une opposition significative. Il a décidé d’installer son pouvoir dans la terreur et tous les signes apparents d’un pouvoir dictatorial, d’un pouvoir tribaliste sont là. Pour moi, ce pouvoir n’ira pas bien loin. Parce que M. Ouattara fait comme si son pouvoir avait pour seul objectif de traquer, de tuer, de poursuivre tous ceux qui ont été plus ou moins proches du président Gbagbo. Donc, nous osons croire qu’à un moment donné, le président Sarkozy et le président Obama vont l’interpeller pour lui dire qu’il n’est plus le président du Rhdp, il est le président de la Côte d’Ivoire, alors il doit garantir la justice pour tous les Ivoiriens. Alors, j’attends qu’on me justifie ce mandat d’arrêt et qu’on me dise les raisons pour lesquelles on me poursuit.
Le ministre ivoirien de la Justice dit : « Blé Goudé, il pense se cacher, mais on sait où il est, son extradition se fera ».
C.B.G : Dites au ministre de la Justice que quelqu’un que vous cherchez, vous lui dites que vous savez où il se trouve, donc vous êtes en train de lui dire de se déplacer. Je ne vais pas m’inscrire dans cette comédie. Je puis simplement dire qu’en Côte d’Ivoire, il y a une justice à deux vitesses. Regardez-vous même : un président de la République du Nord, un Premier ministre du Nord, ministre de l’Intérieur du Nord, ministre de l’Agriculture, ministre de l’Industrie du Nord. Où allons-nous avec tout cela ? Pourvu que vous ayez battu campagne pour Laurent Gbagbo, alors on bloque votre compte.
Ce que vous reproche la justice ivoirienne, ce n’est pas seulement d’avoir battu campagne pour Laurent Gbagbo. Est-ce que vous ne regrettez pas vos appels à la mobilisation populaire contre Alassane Ouattara, contre l’Onu, contre la France entre décembre et avril dernier ?
C.B.G : Au moment où je vous parle, il y a quelques semaines, les indignés sont dans la rue en Espagne et ne sont pas arrêtés !
Mais, quand vous avez appelé vos patriotes à bloquer les voitures de l’Onuci au mois de février, au mois de mars dernier, est-ce que c’était vraiment pacifique ?
C.B.G : Combien de véhicules de l’Onuci ont été bloqués ? Combien d’agents de l’Onuci ont été blessés ? Qu’est-ce qui s’est réellement passé ? Face aux gens de Ouattara qui, depuis 2002, tuent, pillent tous les Ivoiriens, pourquoi on ne parle pas d’eux et puis on s’acharne sur la personne de Blé Goudé ? Moi, je pense qu’il faut être sérieux et puis mettre tout ça dans la balance. Maintenant, si c’est la justice des vainqueurs sur les vaincus, mais M. Ouattara n’a pas vaincu l’armée de Côte d’Ivoire. Je suis désolé ! Il sait très bien que c’est l’armée française qui l’a aidé là où il est. Et, il a donné raison à ceux qui disent qu’il est un suppôt de la France. Monsieur, je voudrais vous dire que j’ai la conscience tranquille. Depuis 2002, c’est la mobilisation aux mains nues. Je lance le défi à quiconque peut mobiliser plus que nous. Voilà ce qui est la démocratie, la loi du nombre.
Le président de l’Assemblée nationale, Mamadou Koulibaly, affirme que le 1er mars quand l’Union africaine a reconnu la victoire d’Alassane Ouattara, il a reconnu que c’était fichu. Et vous ?
C.B.G : Je ne peux pas commenter des propos du président Mamadou Koulibaly pour qui j’ai beaucoup de respect. Mais, je pense qu’il fallait plutôt faire en sorte qu’on revienne au vrai débat. Qui de M. Laurent Gbagbo et de M. Alassane Ouattara a remporté les élections ?
On a souvent dit que Laurent Gbagbo était le plus malin de la classe politique ivoirienne, mais il a quand même perdu. Quelle est la faute politique qu’il a pu commettre ?
C.B.G : Ecoutez, pourquoi voulez-vous que je vienne exposer les fautes politiques du président Laurent Gbagbo sur des antennes? C’est un être humain, mais on ne parle pas des fautes de son chef sur des antennes.
Quelle est la dernière fois que vous lui avez parlé ?
C.B.G : Ça encore, je suis désolé. C’est entre lui et moi.
Charles Blé Goudé, est-ce que vous reconnaissez Alassane Ouattara comme président de la République ?
C.B.G : Mais, si c’est moi qui reconnaissais les hommes politiques comme président de la République, vous savez très bien que Laurent Gbagbo serait président de la République aujourd’hui. La volonté de la France a été faite par la force et à partir du 11 avril, moi je n’ai pas à savoir qui est président ou qui ne l’est pas.
Donc, pour vous aucune réconciliation n’est possible ?
C.B.G : Non. Moi, je veux qu’il y ait la réconciliation. Mais là, M. Ouattara a pris le pouvoir pour se venger. Il veut installer son pouvoir dans la terreur. Aujourd’hui, tous ceux qui sentent même une petite odeur du camp pro-Gbagbo, tous ceux-là sont traqués jusque dans leur dernier retranchement.
Vous dites que tout le monde est traqué, mais il y a tout de même un Front populaire ivoirien qui a pu, à nouveau, se réunir à Abidjan.
C.B.G : S’il vous plaît, quand le président du Front populaire ivoirien, Affi N’Guessan est en prison dans le nord de la Côte d’Ivoire, c’est cela que vous appelez la liberté ? Quand on parle de pillages de la ville d’Abidjan, vous êtes d’accord avec moi que les Frci ont pillé, que les chefs de guerre et les com’zones ont pillé, mais ils sont en liberté pendant que d’autres sont traqués.
A quelle condition cette réconciliation sera-t-elle possible ?
C.B.G : Quand on veut faire une réconciliation, on discute avec les opposants. Laurent Gbagbo ne peut pas être en prison à Korhogo, son épouse en prison à Odienné, le président du Front populaire ivoirien et le fils de Laurent Gbagbo en prison à Bouna dans le Nord et puis on nous parle de réconciliation. Je demande à M. Ouattara de prendre de la hauteur. Il faut réunir les Ivoiriens et savoir pardonner.
Vous demandez le pardon, est-ce que la justice peut passer l’éponge sur les quelque 3000 victimes de la crise post-électorale ?
C.B.G : Mais, moi-même qui vous parle, je suis une victime de cette crise post- électorale. Nous ne demandons pas que la justice ne se fasse pas. Mais de là à aller tuer des gens toutes les nuits, à aller les traquer dans leur village, tout cela n'est pas des signes encourageants.
Vous dites qu’il est normal que justice se fasse, mais est-ce que vous seriez prêt, le cas échéant, à comparaître devant un tribunal ivoirien ?
C.B.G : Je n’ai aucun problème. A moins que M. Ouattara soit mon voisin. Parce que quand on va comparaître, vous savez très bien qu’il a commis des actes, que ses hommes ont commis des actes ignobles en son nom, alors je suis prêt à comparaître. Mon voisin doit être M. Ouattara. Mon voisin doit être M. Soro Guillaume et ensemble, nous allons comparaître devant la justice.
Comment revenir sur la scène politique Charles Blé Goudé, si vous êtes un clandestin, si vous êtes en fuite ?
C.B.G : Dites à tous les Ivoiriens qu’un jour, il fera jour. Nous avons perdu une bataille, nous n’avons pas encore perdu notre combat.
Vous avez des actions revanchardes dans vos réponses, Charles Blé Goudé, vous croyez encore à une solution militaire ?
C.B.G : Non, non, non ! Pas du tout ! Je ne suis pas revanchard. J’ai toujours pardonné, vous le savez. Je veux que les Ivoiriens se parlent à nouveau. Je veux qu’il y ait un débat responsable, critique. Je ne suis pas pour les coups de force. Je suis pour qu’il y ait l’alternance. Je pense que les Ivoiriens ont déjà été trop traumatisés et ils attendent mieux des hommes politiques que encore des coups de canon.
Samedi dernier à Paris, quelque 1300 personnes ont manifesté en faveur de la libération de Laurent Gbagbo. Qu’est-ce que vous attendez de la France et des Français ?
C.B.G : Comme c’est la France qui a permis à M. Ouattara d’être au pouvoir, je souhaite que la France pèse encore de tout son poids sur M. Ouattara, de lui dire qu’un monsieur comme Laurent Gbagbo, qui a dirigé la Côte d’Ivoire au sommet et qui a obtenu, selon les résultats de la Cei, près de 49% de l’électorat, ce monsieur ne peut pas être maintenu au Nord. A ce sujet d’ailleurs, le 16 juillet, le Conseil européen du Congrès panafricain des jeunes et des patriotes se réunit. Je voudrais inviter tous les Africains qui vivent à Paris à participer à cette conférence. Pour la première fois, l’on verra ce que je suis devenu et cela à travers une vidéo exclusive que nous allons leur projeter.
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