"Plus jamais ça!" La voix du pasteur résonne, sous les applaudissements de centaines de personnes, en majorité noires, venues assister vendredi à Londres aux obsèques de Mark Duggan, l'homme dont la mort lors d'une opération de police avait déclenché quatre nuits d'émeutes en août.
"Nous avons vu trop de sang", s'est indigné d'une voix forte le pasteur Nims Obunge, dans un prêche retransmis par des haut-parleurs à l'extérieur de l'église New Testament Church of God, qui n'arrivait pas à contenir la foule.
"Il a fallu la mort de Mark pour voir qu'il y avait un problème! Nous refusons la stigmatisation de cette famille, de cette communauté", a tonné l'ecclésiatique.
Quelques instants plus tôt, sous les yeux de dizaines de journalistes maintenus derrière une barrière à l'écart de l'église de briques de ce quartier défavorisé du nord de Londres, le cortège funéraire était arrivé dans un silence recueilli.
Une calèche tirée par quatre chevaux blancs transportait le cercueil, recouverte de fleurs formant les mots "petit-fils, père, fils et frère", suivie par une dizaines de berlines noires avec à bord des proches du défunt.
Au cours de la cérémonie, ponctuée de chants, plusieurs membres de la famille ont rendu hommage au jeune homme, né d'un père noir et d'une mère blanche. Sa compagne, Semone Wilson, a fait lire un message s'adressant à "son premier véritable amour", père de ses quatre enfants. "Je ne comprends pas pourquoi tu es parti si tôt", a-t-elle lancé.
Le jeune homme avait été tué le 4 août dernier dans le quartier de Tottenham par des policiers, engagés dans une opération contre la criminalité au sein de la communauté noire. Une arme n'appartenant pas à la police a été retrouvée sur les lieux du drame. Les funérailles ont été retardées pour les besoins de l'enquête.
Deux jours après le décès, une manifestation avait été organisée pour réclamer "justice" pour le jeune homme, avant que n'éclatent des émeutes. Ces violences, qui ont été le fait de jeunes de toutes origines, s'étaient propagées à plusieurs quartiers de Londres puis à d'autres villes anglaises.
Des membres de la communauté noire ont mis en cause l'impartialité de la Commission indépendante chargée des plaintes contre la police (IPCC), qui devait clarifier les circonstances de la mort.
"La communauté pense que l'IPCC est trop liée à la police", a dénoncé devant des journalistes Ken Hinds, président de l'association locale "Stop and search monitoring" qui entend jouer un rôle de médiation entre la police et les jeunes.
"Nous voulons de la transparence et de l'impartialité, nous avons besoin que l'IPCC montre du respect envers la communauté", ajoute cet homme, qui se présente comme un ami de la famille Duggan.
L'évêque Barrington O. Burrell, principal officiant, a également souhaité, dans un communiqué, qu'"une enquête indépendante puisse établir la vérité".
Constatant que le "fossé entre la police et les jeunes Noirs" s'était encore plus creusé, il a estimé que les deux parties devaient "changer d'attitude" l'une envers l'autre.
De son côté, la famille a reconnu dans une interview au quotidien The Guardian, que Mark Duggan était connu des services de police, mais a insisté sur le fait qu'il n'avait jamais été condamné, s'inquiétant de le voir parfois présenté dans les médias comme un gangster.
Les émeutes consécutives à la mort du jeune homme, les pires depuis près de trente ans en Grande-Bretagne, ont fait cinq morts et se sont soldées par des dégâts sur des centaines de magasins et d'habitations, et plus de 3.000 arrestations.
Vendredi, environ 10.000 policiers, soit un nombre supérieur à la normale, étaient de service à Londres dans la crainte de tensions, mais ils étaient peu nombreux autour de l'église, et la situation était calme en milieu d'après-midi.
AFP
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