vendredi 9 septembre 2011

Maqbool Fida Husain, victime des extrémistes même après sa mort



Même mort, le peintre indien le plus célèbre de l’ère contemporaine continue d’être la cible des extrémistes hindous. Poussé à l’exil en 2006, Maqbool Fida Husain dérange encore. Une exposition posthume de ses œuvres s’est finalement tenue dans la capitale indienne, après que plusieurs galeries aient refusé d’abriter l’évènement, invoquant «des menaces dissuasives».
Lorsqu’on scrute les magnifiques œuvres  peintes par M. F Husain, mort le 9 juin dernier, à Londres, d’une crise cardiaque, à l’âge de 95 ans, on ne peut s’empêcher de se demander pourquoi les extrémistes s’étaient tant acharné contre lui ? Ses peintures respirent la vie intense, la liberté farouche, la mythologie revisitée... Les portraits de femmes, les représentations de chevaux et de divinités en mouvement exhalent toutes un talent indéniable et une recherche de la perfection poussée à l’extrême. Aucune trace toutefois des tableaux controversés représentant des divinités hindoues nues et qui avaient provoqué une violente campagne de dénigrement contre le peintre. Des militants extrémistes hindous avaient attaqué sa maison en 2006, vandalisant ses toiles.   

Organisé par Delhi Art Gallery, dans le centre commercial DLF Emporio dans le quartier de Vasant Kunj, dans la capitale indienne, l’événement se voulait un véritable défi lancé aux forces obscurantistes qui veulent empêcher, même après la mort de l’artiste, toute rencontre avec son public indien. «C’est notre contribution pour lui permettre de revenir à sa terre natale et pour faire savoir que l’artiste le plus connu d’Inde a mérité toutes les distinctions qui lui ont été décernées», a confié à la presse Ashish Anand, directeur de la galerie.
Exil forcé
Plusieurs groupes extrémistes de la droite nationaliste hindoue avaient menacé d’attaquer les lieux où les oeuvres de Husain seraient exposées. Heureusement, l’exposition s’est déroulée sans incident, et jusqu’au jour de sa clôture, le 16 août dernier, les visiteurs se bousculaient dans l’atrium de DLF Emporio. Il faut dire que l’exil forcé de Husain dans les pays du Golfe, d’abord à Dubaï puis à Doha, a empêché ses admirateurs et les connaisseurs de son art de pouvoir contempler ses dernières créations. Celui qui ne connaissait pas sa date de naissance, indiquée comme le 17 septembre 1915, a vu le jour à Pandharpur, dans l’Etat du Maharashtra, et grandit à Bombay au sein d’une famille musulmane modeste. Bien qu’ayant reçu une éducation islamique et fréquenté des écoles religieuses, il ne pensait qu’à peindre. Celui dont les peintures s’arrachent lors des ventes d’art au prix de plusieurs millions de dollars, a dû quitter l’Inde après avoir subi pendant des années la persécution des extrémistes hindous. Exhumant des toiles des années 1970 représentant des déesses hindoues nues, ces derniers l’ont accusé de heurter leur foi et leur sentiment religieux. Poursuivi par des centaines de plaintes, et ayant fait l’objet de mandats d’arrêt, Husain a dû malgré lui se résoudre à fuir sa terre natale.
Versets coraniques
En 2008, lorsqu’il reçut la nationalité qatarie, il fut de nouveau attaqué par les hommes politiques hindous qui l’accusèrent de trahir sa patrie. A ces critiques, il répondit avec son habituelle magnanimité : «Mon pays, c’est là où je trouve l’amour». Après que la justice indienne ait prononcé un non-lieu en sa faveur, décrétant, que «si les sculptures érotiques du Kamasutra qui ornent les temples de Khajuraho ne heurtent pas la foi hindouiste, alors même les toiles de Husain ne peuvent blesser leur sentiment religieux», il refusa de retourner en Inde, car il se sentait encore menacé. Mais Husain ne trouvait pas grâce, de son vivant, même aux yeux des intégristes musulmans.
L’un de ses films -car il était également cinéaste et producteur- avait été interdit à cause d’une chanson, Nour ala nour, qui contenait des extraits de versets coraniques. L’organisation des oulémas de l’Inde l’avait considérée blasphématoire. Sa mort récente a été regrettée par le Premier ministre Manmohan Singh, qui a déclaré : «Sa disparition est une perte pour la nation indienne». De Husain, les futures générations retiendront sans doute sa soif de liberté, principe qu’il paiera par l’exil et la mort loin de sa terre. «Il est important d’avoir un esprit libre», affirmait-il dans un entretien accordé au quotidien indien The Statesman, en janvier 2010. Il est libre enfin. Loin de ses persécuteurs.
Nacera Benali

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