mardi 6 septembre 2011

Nettoyage... ethnique à Tripoli



La chasse aux Noirs, présentés systématiquement comme partisans de Kadhafi, et les règlements de compte de toutes sortes prennent une dimension toujours plus préoccupante.
Tripoli (Libye), envoyé spécial. Pas de quartier, tel semble être le mot d’ordre suivi à la lettre par le reste des kadhafistes comme par les insurgés sur le terrain dans les combats qui perdurent pour le contrôle définitif de la terre libyenne. L’heure est aux règlements de compte les plus atroces. Des survivants à une attaque des troupes loyalistes affirment avoir vu comment des prisonniers rebelles avaient été fauchés à la mitrailleuse lourde après qu’on leur a fait croire qu’ils étaient libres. À Tripoli, des kadhafistes blessés se vidant de leur sang ont été laissés pendant deux jours dans les ruines d’une caserne de pompiers transformée en hôpital de campagne sans recevoir ni nourriture, ni eau, ni le moindre soin médical.
Des traces d’exactions encore plus lourdes surgissent. Comme cette cinquantaine de corps carbonisés découverts samedi dernier dans une caserne, contrôlée par Khamis Kadhafi, le fils du dictateur que les rebelles affirment, entre-temps, avoir tué. Tout accuse a priori le camp loyaliste de ce massacre-là. « Des milliers d’hommes, y compris des civils non armés, ont disparu pendant le conflit après être passés aux mains des forces pro Kadhafi », rappelle Amnesty International. Mais il faut rester extrêmement prudent. Avant de connaître les résultats d’une indispensable enquête. Car le scénario d’une mise en scène des vainqueurs ne saurait être aussi totalement exclu. On a pu en faire l’expérience sous d’autres cieux.
abus physiques, tortures et liquidations
Au-delà de ce langage du sang et de la vengeance, il y a plus préoccupant encore pour les droits de l’homme dans la nouvelle Libye. Les insurgés rebelles réservent d’évidence les pires traitements aux partisans de Kadhafi à la peau noire. Qu’ils viennent du sud de la Libye, réputée acquise au despote, ou d’Afrique où ils ont pu être recrutés comme mercenaires. Des exécutions sommaires ont été d’évidence pratiquées sur certains de ces hommes. « Et pas forcément des combattants », indique un représentant d’une ONG tunisienne de défense des droits de l’homme. La chasse aux Noirs, considérés comme des ennemis de la cause libyenne, s’étend aux migrants qui vivent dans la terreur et continuent d’essayer de fuir le pays par tous les moyens.
D’après une enquête d’Amnesty, plusieurs détenus de la prison de Zawiyah (à l’ouest de Tripoli) contrôlée par les rebelles ne sont pas d’ex-combattants kadhafistes, mais de simples migrants. Ils ont été « interpellés manu militari dans leur maison, à leur travail ou dans la rue en raison uniquement de la couleur de leur peau », souligne Diana Eltahawy, chercheuse et représentante d’Amnesty International en Libye. Celle-ci relève un nombre record d’abus physiques, de tortures et de liquidations extrajudiciaires avec l’extension d’un phénomène « que nous avons connu plus tôt, précise-t-elle, dans l’est du pays ».
Les actes de vengeance, de règlements de compte sont condamnés par les « officiels » du Conseil national de transition (CNT) quand ils sont interpellés sur le sujet. Mais ces dirigeants civils semblent avoir bien peu d’influence sur leurs guerriers qui nettoient le pays à leur façon.
Vers la fin des combats ?
Le Conseil national de transition a lancé hier un ultimatum aux soldats restés fidèles à Muammar Kadhafi. Samedi, si aucune solution pacifique n’est négociée, les rebelles lanceront 
une attaque sur les derniers fiefs du régime libyen, dont la ville 
de Syrte. « Le lancement de la bataille finale est imminent. Jusqu’ici nous n’avons reçu aucune proposition de reddition pacifique. (...) Nous sommes prêts militairement pour la bataille qui mettra fin au conflit », a déclaré un colonel des forces rebelles lors d’une conférence de presse. Kadhafi reste quant à lui introuvable, mais même s’il « se croit en sécurité, (...) il doit savoir qu’il n’est en sécurité nulle part en Libye », ajoute le colonel.
Bruno Odent

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