Haiti : Sweet Micky: une nouvelle crise socio-politique pour 100 (cent) ans
Le 7 Février 1996, René Préval inaugure son premier mandat présidentiel. Le bonhomme n’est pas un vrai tribun. Il prononce un discours d’installation à débit flegmatique. Une simple phrase a fait monter l’applaudimètre: “Mon gouvernement restaurera l’autorité de l’État”. 5 ans plus tard, soit le 7 février 2001, Jean Bertrand Aristide inaugure un second mandat. “De l’ordre nous en avons besoin, de l’ordre nous en aurons” marquera aussi son discours inaugural. Entre la chute d’Aristide en 2004 et l’arrivée au pouvoir de Martelly, les discours de prise de pouvoir sont toujours marqués par des déclarations sur le “rétablissement de l’autorité de l’État.” Rétablissement de l’autorité de l’État, par qui et pour qui ?
D’Aristide à Martelly en passant par Préval, les visions se suivent et ne se ressemblent guère. Entre un projet politique, le Lavalas, galvaudé dans son idéal et sa conceptualisation par ses pères nourriciers et le mouvement dit Tèt Kale de Martelly, la rupture annoncée par ce dernier, prend carrément des allures de revanche. Le future est en train d’être conjugué au passé. C’est le retour à plein régime vers le schéma colonial, la forme de société qui a valu à Haïti de connaître, la guérilla d’Akao, les Piquets, les Zenglens, les Cacos... N’est-ce pas le moment de réfléchir aux facteurs qui avaient concouru à la naissance de la milice des Duvalier et l’éclosion de ce phénomène qui avaient dans la bouche des piliers du schéma colonial, le nom de Chimères ?
Au Palais National, aujourd’hui, l’amateurisme est plus qu’évident. Prisonnier de ses chromosomes macoutes et empêtrés dans les griffes de ses créanciers, des affairistes et flibustiers locaux et internationaux, Martelly fonce. Droit dans le mur de l’histoire. Militaire raté, ardent supporter du coup d’Etat sanglant du 30 septembre 1991, il projette actuellement de ressusciter cette engeance inepte qui n’a jamais su s’adhérer à l’ensemble du Corps social Haïtien. Sivil pa mele ak chèf, était le credo de tous ceux qui sortaient des centres de formation militaire.
Non seulement l’ensemble du projet d’Arrêté voulant réinstaurer les ex-FAD’H/FRAPH charrie haine et revanche, les germes d’un conflit à long terme. Nous voilà bel et bien reparti pour des conflits sociaux en Haïti pour encore cent ans. Martelly est dangereux et vient de le signaler publiquement. Voici un ensemble de questionnements qui illuminent les zones d’inquiétude. Comment parler d’une armée apolitique, quand le groupe qu’il projette de faire défiler militairement le 18 Novembre prochain, est une milice qui avait ouvert un centre d’entraînement clandestin dans les hauteurs de Carrefour à l‘époque dans les derniers mois du mandat de Préval. S’étant baptisé Armée ou Militaire, ce groupe arborait ouvertement les symboles du macoutisme: un drapeau noir et rouge avec au milieu, une pintade, l’animal totem de François Duvalier. De vieux ouvrages retraçant l’histoire des Duvalier n’ont-ils pas circulé au milieu des recrues de ce groupe. En somme, Martelly veut institutionnaliser le bras armé d’un secteur politique qui n‘a pas laissé de bons souvenirs, en termes de respect de la personne humaine: Fort Dimanche, Macoutes, Détention Arbitraire dans lieux inconnus, disparitions d’opposants « propitious » déclarés ou supposés, et j’en passe.
Comment ne pas craindre également, l’émergence d’une structure dite militaire, mais qui agit comme une milice à la solde de Martelly, hissée pour la circonstance au grade de bénéfactor, pour s’être identifié à eux politiquement et les avoir sorti du placard que leurs propres sauvageries les avaient confinés. Quelles sont les garanties que ce ne sera, dans la logique du schéma colonial, la constitution d’une milice privée dont le fonctionnement de ses structures est subventionné et garanti par l’Etat.
A l’évidence, les indicateurs sont multiples quant à la dictature qui se profile à l’horizon. Le programme labellisé, “rétablissement de l’autorité de l’Etat“, au niveau de certains pays du Tiers-Monde s’est toujours appliqué dans l’instrumentalisation de la violence d’Etat contre la portion économiquement faible de la population. Que dire de ce projet de mise en place d’une machine infernale de répression ? Aux journalistes qui posaient des questions, Martelly n’avait-il pas révélé le fonds de sa conscience marquée au coin de la malfaisance. “Taisez-vous, l’armée d’Haïti est avec moi”. On sent ce que cela veut dire aujourd’hui.
En menaçant, intimidant et projetant de plonger dans la terreur une population qu’il aspire diriger, Martelly est en train de creuser son propre tombeau politique. Déjà, l’arrogance de type makouto-bennetiste de son pouvoir porte en lui-même les germes de sa chute. Martelly espère se maintenir au pouvoir le plus longtemps possible, comme il en avait confié à ses amis après la proclamation des résultats des présidentielles de 2011. Il espère sans doute que les fusils de ses militaires ou plus réellement, ses macoutes en kaki, il pourra modifier la Constitution dans le sens de ses intérêts et s’installer pour deux, trois mandats consécutifs. Aux pouvoirs mal édifiés, Martelly, la chute n’attend pas le nombre des année.
Norluck Dorange
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