La "divisionnite", cet art de déchirer le lien social au bazooka, s’est à nouveau emparée du chef de l'Etat.
On croyait qu’il avait changé, qu’avec l’âge et l’expérience, il avait acquis une certaine forme de sagesse. Un point d’équilibre. La crise, pensait-on, l’avait enfin hissé au rang d’un président au dessus des partis, des émotions et des petites bassesses des politiciens ordinaires. Ces derniers temps, au cours du G20, il paraissait presque apaisé, serein, adoptant un profil churchillien pour nous préparer à lutter contre l’invasion inexorable d’une armée invisible, mais aux conséquences sociales dramatiques : celle de la rigueur. Ses vieilles habitudes de taper dans le tas, de montrer d’un doigt vengeur toutes ces catégories sociales qui profitent du modèle français comme des enfants gâtés semblaient l’avoir quitté.
Et puis, depuis quelques jours, il rechute. La "divisionnite", cet art de déchirer le lien social au bazooka, qui lui avait permis de gagner en 2007, s’est à nouveau emparée de lui. Le Président sortant s’est remis à cogner comme un sourd sur tous les soi-disant profiteurs, les tire-au-flanc, et, bien sûr, les fonctionnaires qui n’en finissent pas de se coller en arrêt maladie au moindre éternuement. Pauvre France, livrée à ces salauds de tricheurs. La corporation des médecins du travail a beau crier qu’elle passe son temps à proposer des congés à des salariés qui refusent en masse de partir traîner dans les hamacs, rien n’y fait. Les mêmes s’indignent de voir stigmatiser des travailleurs en situation précaire, rappellent les taux de suicide, l’affaire France Télécom, et quelques autres. La perte des repères en entreprise, l’éthique en berne, l’humanisme oublié. Balivernes, nous répond le premier magistrat du pays. Les Français, tous des planqués.
Il faut s’y faire, l’ancien Sarko est de retour. Il revient à sa marque de fabrique, à son ADN originel, celui de l’incendiaire qui crie au loup. Mais le fait-il avec autant de fougue et de détermination qu’auparavant ? Certes, il fustige tous les traînards, les apathiques, les indolents avec une ardeur intacte. Mais, cette fois, il semble radoter, user d’une recette éculée. Il joue un film déjà vu. Un peu à la manière de Ségolène Royal durant la primaire socialiste, qui n’avait pas senti les temps nouveaux, trop engluée dans la nostalgie de les incantations de sa campagne passée. Le Président de la République est-il en train de commettre la même erreur ? Est-ce le signe d’une certaine panique chez lui ? Son incapacité à se caler dans le costume du Protecteur de la Nation, du Grand Rassembleur, qui le met à des années lumière de ses racines gaullistes, est révélatrice du malaise qui le gagne.
En entrant trop tôt dans la campagne présidentielle, il révèle une forme de fébrilité, une nervosité qu’il devrait déléguer à ses lieutenants. Là encore, Nicolas Sarkozy veut jouer lui-même les snipers et nous refaire le coup de "c’est moi qui fais l’actualité- l’opposition et les journalistes n’ont qu’à me suivre". Face à la "tortue" Hollande, il joue le lièvre pour occuper le terrain. A ce petit jeu, il risque non seulement de se faire coiffer sur le poteau, comme dans la fable de La Fontaine, mais aussi de s’essouffler trop tôt. L’élection présidentielle est un marathon. On ne court jamais les premiers kilomètres au sprint…
Serge Raffy – Le Nouvel Observateur
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