vendredi 16 décembre 2011

Pas de poupées Barbie pour les petites filles noires


Après une énième ATTAQUE, inacceptable, sur cela que je suis, cela que j'ai, djinen, dans mon ventre planté debout; après que l'école, institution conformatrice par excellence, a offert à MA fille, nègre fille martiniquaise de l'Afrique, comme "CADEAU" de fin d'année,une poupée Barbie, aux cheveux blonds et aux yeux bleus, je me DEFENDS, je dis NON.

Ma lettre à l'institution, adressée à Madame la directrice, sa représentante:

François, le 14 décembre, 2011

Hanétha Vété-Congolo Madame la directrice de l’école
XXX de XXX

Objet : Opposition aux « cadeaux » déstructurants
pour nos enfants, de la sorte de la « Barbie »

Madame,

Je tiens à remercier l’école du XXX dont vous êtes la directrice et qui a offert à ma fille XXX, un cadeau pour célébrer la fin du premier trimestre qui coïncide avec une fête importante pour les enfants, Noël.

Je remercie l’école du XXX et sa direction pour l’ESPRIT gouvernant à un tel geste de générosité et de solidarité destiné à valoriser les enfants et à leur témoigner de l’amour et de l’attention qui les rendent beaux et forts et suscitent chez eux l’estime de soi, l’assurance et l’engouement pour l’apprentissage opérant et agissant.

Il est important que nos écoles continuent de perpétuer cette pratique structurante et réconfortante. Puisque son esprit est sain et qu’elle procure un immense plaisir à nos enfants, nous devons nous donner les moyens de la perpétuation de cette pratique.

Je comprends bien que le choix du cadeau que l’école offre à un enfant répond à l’arbitraire et que la perspective commandant à cette pratique est que seule l’intention compte.

Cependant, j’attire votre attention, avec fermeté et conviction, sur le fait que certains présents offerts aux enfants – notamment celui offert à ma fille – portent en eux une grande capacité de déstructuration, de déséquilibre psychiatrique et se révèle d’une indéniable nocivité pour le développement structuré et équilibré de leur individualité.

Il a été offert à ma fille une poupée Barbie aux yeux étonnamment bleus et aux cheveux d’un blond prononcé.

Ceci a provoqué chez moi une vive réaction de protestation et de colère que je contiens seulement parce que consciente des mécanismes non-conscients et ainsi, non-maîtrisés, déterminant le choix d’un tel objet comme présent à un enfant nègre.

La NOTION de « cadeau » est fondée sur une SYMBOLIQUE structurante. Or, le cadeau, l’objet, offert à ma fille porte en lui une symbolique déstructurante pour les individus conformés par une histoire, une sociologie et une anthropologie comme les nôtres en Martinique. Nous savons les conflits psychologiques que cette aporie peut provoquer chez un enfant en construction.
Les implications symboliques d’une poupée Barbie dans la vie d’une petite fille nègre provenant de l’histoire de la colonisation et de l’esclavage ne sont plus à démontrer.
La (re)présentation de la Barbie aux cheveux blonds et aux yeux bleus n’est pas anodine. Elle est offensive et répond à un discours culturel, esthétique, politique et idéologique lié à la race.

Les principes, processus et procédés psychologiques, du conscient, du subconscient et de l’inconscient, en ce qui concerne l’identification et les objets identifiants, sont importants dans toute société et peut-être plus dans une société comme la société martiniquaise.

Il est par conséquent, de notre devoir, et surtout du vôtre, en tant que responsable principal d’un ensemble éduquant l’enfance, caractérisé par des phénomènes psycho-culturels et identitaires particuliers, eux-mêmes procédant d’une histoire fondée sur la dépersonnalisation, la déconstruction, l’injustice, la domination raciale, culturelle et politique, le déséquilibre et les déviances de tous genres, notamment psychiatriques ; d’être particulièrement vigilants et dans la conscience des symboles, des objets symbolisants et symbolisés auxquels nous exposons nos enfants.

Mon devoir de mère consciente du soubassement psycho-historique et des circonstances actuelles de la société martiniquaise, des signes et signifiances culturels, ethniques, raciaux, idéologiques et philosophiques de la représentation ; me mène à ne pas permettre à ma fille de jouer avec une poupée Barbie lui renvoyant un imago exclusivement négatif d’elle, en tant que négresse, et exclusivement positif pour la caucasienne.

Je me permets en tant que maman dont l’enfant est un usager de l’école du XXX, de vous soumettre une suggestion :

Peut-être, pourriez-vous envisager de ne pas offrir aux petites filles de poupées de ce type ou de n’en offrir d’aucune sorte laissant aux parents le choix de déterminer, à ce niveau, la poupée la plus appropriée à l’amusement, à l’identification de leurs petites filles. Cela vaudraitt aussi pour les cadeaux ordinairement faits aux petits garçons. Ainsi, vous pourriez leur offrir d’autres types de cadeaux, peu couteux et neutres, dont la symbolique ne constituerait pas une agression pour leur équilibre psychologique, leur estime de soi et leur développement personnel.

Je vous suis reconnaissante Madame d’avoir tenu, malgré les circonstances économiques, à servir nos enfants de sorte que l’offre d’un cadeau leur fasse terminer la fin du premier trimestre en des termes heureux et joyeux. La délicatesse de ce geste me touche et j’en suis solidaire.

Permettez-moi d’ajouter que je suis pédagogue et scientifique universitaires, spécialiste des littératures et oralités d’Afrique subsaharienne et de la Caraïbe.

Le cas échéant et si vous l’estimez nécessaire, si, en tant que chercheure scientifique, je puis aider à travailler avec nos enfants pour l’éveil de leur conscience sur le caractère beau et grand de leur personnalité martiniquaise et leur (re)connaissance de celle-ci, je serais heureuse de mettre mes connaissances et mon savoir au service de leur éducation dans votre établissement.

Un enfant qui se sait, se connaît, se comprend, s’accepte tel quel ; sait, connaît, comprend, ‘maîtrise’ les particularités de son identité, intrinsèque et collective, capables de le conduire à de grandes productions, intimes et collectives ; il terrasse nécessairement l’échec et a nécessairement toutes les chances de parvenir à la réussite que souhaitent pour lui tous les systèmes conventionnels ou non, particulièrement celui de l’éducation officielle et formalisée.

Veuillez, je vous prie, Madame la directrice, recevoir mes salutations distinguées.

Hanétha Vété-Congolo
Lonnè épi rèspé,

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