samedi 11 février 2012

Dans la Libye d'après Kaddafi l'usage de la torture est devenue une pratique banale, dénoncent plusieurs ONG occidentales



La torture et l'assassinat de prisonniers est une pratique banale dans la Libye d'après Kaddafi et les nouvelles autorités ont ignoré toutes les condamnations exprimées durant ces derniers mois, ont révélé Amnesty International et l'organisation Médecin sans frontières (MSF).

Selon ce que dénonce Amnesty dans son communiqué, publié la semaine dernière, la torture et l'assassinat de prisonniers libyens et émigrés originaires d'Afrique subsaharienne – suspectés d'être des partisans de l'ancien régime – est une chose habituelle dans les centres de détention dont s'occupent les milices, en particulier ceux situés dans la capitale, Tripoli, et à Misrata. La barbarie est tolérée par les responsables du Conseil national de Transition (CNT).

« Plusieurs personnes suspectés d'être partisanes de Kaddafi furent torturées jusqu'à la mort », mais, en dépit de cela « nous n'avons aucun cas où tant les proches des familles que les survivants ont eu accès à la justice ou à une quelconque réparation », a déclaré Amnesty.

L'organisation appuie sa conclusion sur des enquêtes et des témoignages recueillis auprès des proches des victimes et de prisonniers, certains d'entre eux ayant été torturés quelques jours auparavant, dénonce-t-elle.

La « statue » et d'autres types de positions douloureuses, des coups portés avec des objets contondants ou des décharges électriques sont quelques-unes des tortures qu'Amnesty a confirmé comme des pratiques communes.

Les blessures observées sur les cadavres et sur les prisonniers auscultés en sont la preuve, soutient Amnesty. « Nombre parmi ceux dont nous parlons ont admis avoir avoué des crimes qu'ils n'ont pas commis pour échapper aux mauvais traitements, et ont confirmé ne jamais avoir parlé à aucun avocat. »

Amnesty a également déclaré qu'à Misrata, on pratique la torture au QG des milices et que cela fut corroboré par les miliciens eux-mêmes le 23 janvier dernier.

S'ajoutent à cela les témoignages des proches. Amnesty donne l'exemple d'un ancien policier transporté dans un lieu inconnu pendant trois semaines. Passée cette période, il lui fut permis de parler avec son épouse au téléphone, mais quelques jours après la conversation, son cadavre fut livré à l'Hôpital de Tripoli, présentant diverses contusions et des plaies ouvertes sur la plante des pieds, causées par des coups répétés.

A ce cas précis, Amnesty ajoute celui d'un ancien colonel de l'armée, Ezzeddine al Ghool, dont le cadavre fut rendu à la famille dans des conditions similaires.

Cela fait depuis mai 2011 qu'Amnesty dénonce les cas d'abus et de tortures des autorités centrales et locales, mais, jusqu'à présent, « ceux qui détiennent le pouvoir n'ont rien fait pour mettre fin à cette situation et punir les responsables. Les dites commissions judiciaires continuent de réaliser des interrogatoires en toute impunité. »

Une situation inacceptable

Dans la même idée, l'organisation Médecins sans frontières (MSF) a accusé les autorités miliciennes de Misrata d'abuser de ses services ou, dans d'autres cas, de priver certains détenus du traitement médical nécessaire.

« Ils nous emmenaient des patients au milieu des interrogatoires. Après avoir récupéré, ils nous les reprenaient puis continuaient les tortures », a révélé MSF, qui affirme également avoir entamé plusieurs démarches pour dénoncer les faits.

« C'était inacceptable. Notre mission était d'aider les blessés de guerre et les personnes souffrantes, non de traiter des détenus entre deux sessions de torture », a conclu cette structure, qui a suspendu ses activités à Misrata, où, depuis Août, « la torture s'est peu à peu généralisée ».

MSF révèle avoir traité un total de 115 personnes dont les blessures avaient été provoquées par les tortures infligées par les miliciens. Certains des détenus en sont même morts. Les autorités en ont été informées, mais elles ont toujours ignoré les rapports allant dans ce sens.

Plusieurs prisonniers qui avaient déjà été secourus par MSF sont revenus avec de nouvelles blessures causées par la torture, a également déclaré l'organisation. La goutte d'eau aura été le 3 janvier dernier, lorsque neuf patients, sur un total de 14 personnes transportés par les autorités présentaient des traces incontestables de torture. Un seul d'entre eux a pu être transféré dans un hôpial afin de recevoir le traitement adéquat.

Le 9 janvier, MSF déclare s'être adressé au Conseil militaire, au Comité de Sécurité, au Conseil civil de Misrata et au Service de sécurité de l'Armée nationale exigeant la fin de ces pratiques, mais, comme seule réponse, ils n'ont reçu qu'un nouveau groupe de quatre prisonniers qui avaient été torturés.

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