En principe, l’épandage aérien de pesticides est interdit en France. En principe seulement, car la circulaire du ministère de l’agriculture, publiée très discrètement le 5 mars, introduit de nombreuses exceptions.Intitulé « Liste des produits phytopharmaceutiques autorisés ou en cours d’évaluation pour les traitements par aéronefs », ce texte, « à diffusion limitée » et que Le Monde s’est procuré, fournit aux directions régionales et départementales de l’agriculture, aux directions des populations, aux services vétérinaires, la possibilité de délivrer des dérogations pour toute une série de fongicides, herbicides, insecticides destinés à traiter le maïs, le riz, la vigne et les bananiers.La circulaire risque de passer pour un feu vert et présagerait alors des conflits probables entre commanditaires de l’épandage, cultivateurs bio, apiculteurs, riverains, comme ce fut le cas dans plusieurs régions en 2011.
La loi Grenelle II du 13 juillet 2010, qui, dans son article 103, interdit la pulvérisation de ce type de produits depuis un avion, un hélicoptère ou un ULM, comporte elle-même une part d’ambiguïté puisqu’elle prévoit des dérogations. Mais restreintes: lorsque cette pratique « présente des avantages manifestes pour la santé et l’environnement par rapport à une application terrestre », lorsqu’il faut agir en urgence face à un danger qui menace les plantes, les animaux, la santé humaine, ce mode d’intervention peut se justifier « dans des conditions strictement définies par l’autorité administrative pour une durée limitée » et après avis de plusieurs commissions compétentes en matière d’environnement.
« EFFETS GRAVES POUR LA SANTÉ »
La loi stipule en outre que lors des pulvérisations, l’opérateur doit respecter une distance minimale de sécurité de 50 mètres par rapport aux habitations, jardins, parcs, points d’eau, marais… La France avait par ailleurs renforcé son dispositif d’encadrement de l’usage des pesticides par épandage aérien en transposant, en juillet 2011, une directive européenne datant d’octobre 2009. La réglementation approuvée par les Vingt-Sept impose que les pesticides doivent être « expressément approuvés par l’Etat membre à la suite d’une évaluation spécifique des risques » qu’ils comportent.
La circulaire du 5 mars émanant de la direction générale de l’alimentation donne la liste de sept pesticides « autorisés », dans la mesure où ils ont été évalués par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation de l’environnement et du travail (Anses) spécifiquement pour être appliqués par voie aérienne. Il s’agit de quatre fongicides, d’un insecticide, un herbicide et un stimulateur de défenses naturelles utilisés dans la culture des bananes et du riz.
Six sont classés officiellement « dangereux pour l’environnement » et « nocif » sur le plan toxicologique. Le site Internet du ministère de l’agriculture recense quelques-unes de leurs caractéristiques: « risque d’effets graves pour la santé en cas d’exposition prolongée par ingestion », « très toxique pour les organismes aquatiques » au sujet du Sico par exemple ; l’inhalation de vapeurs de Tilt – qui s’avère irritant pour les yeux et la peau – « peut provoquer somnolences et vertiges » et son ingestion « une atteinte des poumons »; le Gardian présente « des risques d’effets graves pour la santé en cas d’exposition prolongée par ingestion ». Les autres (Bion 50 WG, Mimic LV, Amistar, Clincher) présentent le même genre de profil.
Le ministère fournit aussi une liste de seize pesticides dont le dossier a été déposé auprès de l’Anses à la fin de l’année 2011 ou qui devrait l’être d’ici au 31 mars et qui « peuvent en conséquence être intégrés dans les demandes de dérogation » formulées par les commanditaires de pulvérisation aérienne.
S’agit-il de les autoriser avant même que l’Agence ne se penche sur leur cas respectif ? Au ministère de l’agriculture, on assure qu’il n’en est pas question. N’empêche, l’administration semble soucieuse de ne pas faire perdre de temps aux agriculteurs convaincus par ce type d’épandage. Le texte prévoit que si l’évaluation des produits n’est pas terminée au 31 mars, date limite pour cette année, une dérogation pourra néanmoins être octroyée ultérieurement.
Il n’est en outre pas sûr que les experts de l’Anses aient eu le temps d’étudier dans le détail les spécificités des sept pesticides accrédités. Certains d’entre eux disposaient d’une autorisation de mise sur le marché ancienne, qui a bien vite été actualisée.
Martine Valo
Source : www.lemonde.fr
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