D’où vient la viande halal? Quels sont les abattoirs qui la produisent? La plus grande opacité est de mise, et la liste des abattoirs certifiés fait l’objet d’une véritable omerta.
Où pratique-t-on l’abattage rituel en France? En plein Salon de l’agriculture, où éleveurs et visiteurs réclament plus de transparence après la polémique déclenchée voici quelques jours par Marine Le Pen, la question continue d’agiter les esprits. Cette semaine, l’Oaba (l’Œuvre d’assistance aux bêtes d’abattoirs, seule association habilitée à visiter les abattoirs français) somme les pouvoirs publics de dévoiler la liste des établissements d’où sort de la viande certifiée halal ou casher.
A défaut, elle menace de le faire elle-même.
Faute d’obligation pour les professionnels d’indiquer sur l’étiquette comment l’animal a été tué, seul ce listing permettrait aux clients de s’y retrouver. « Les consommateurs exigent de connaître le mode d’abattage, car ils ont appris qu’ils peuvent manger de la viande provenant d’animaux égorgés sans étourdissement », explique Frédéric Freund, directeur de l’Oaba. « Ces dernières années, le pourcentage des bêtes abattues rituellement n’a cessé d’augmenter, on est passé de 32% à 51%. Pas pour répondre à une demande confessionnelle, mais pour faciliter la tâche des abattoirs », assure-t-il.
De fait, selon la dernière enquête connue réalisée en 2008 auprès des services vétérinaires, 161 abattoirs (pour veaux, bovins, caprins et ovins) sur 274 pratiquent de l’abattage rituel, soit 59% d’entre eux. Et seule une petite minorité estourbissent l’animal. Des chiffres que les associations de protection animale comparent à d’autres : en France, les pratiquants musulmans et juifs ne représenteraient que 7% de la population française.
« Tous les abattoirs de France peuvent faire du rituel, car il n’y a pas besoin d’autorisation préalable », explique-t-on au ministère de l’Agriculture, qui reconnaît qu’« il peut arriver que la quantité de viande abattue de la sorte soit supérieure aux besoins des musulmans. Des pièces de boucherie halal peuvent se retrouver dans le circuit traditionnel. »
Une opacité que même les musulmans, confrontés, eux, au « faux halal », dénoncent. Conséquence, sur le Net, les listes officieuses d’abattoirs halal fleurissent. Ce qui est certain, c’est que la Grande Mosquée de Paris habilite par exemple plusieurs dizaines d’établissements.
Mais les lieux d’abattage font l’objet d’une véritable omerta. « Pourquoi tiendrait-on des listings qui relèvent du religieux? » interroge-t-on au Sniv, le syndicat national des industries de la viande, ou chez Interbev, l’interprofessionnelle du bétail. « Communiquer là-dessus, c’est stigmatiser les différentes religions », estime Kamel Kabtane, recteur de la grande mosquée de Lyon.
« A ce jour, il n’y a pas de liste officielle, tout au plus un inventaire établi à un instant T », insiste-t-on au ministère de l’Agriculture, qui souligne : « A partir du 1er juillet, les choses seront plus claires, car le décret et l’arrêté qui entreront en application imposeront des conditions aux professionnels. Ils ne pourront entre autres abattre rituellement que les animaux pour lesquels ils ont une commande. »
Claire CHANTRY
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