lundi 7 mai 2012

Les procureurs de comptoirs



Ainsi donc, c’est la fin du Monde. En tout cas du Monde de la Droite parlementaire à l’Élysée. Mais pour certains, c’est la même chose… Ainsi a-t-on vu, entendu ou reçu via internet ces derniers jours un nombre impressionnant d’appels à « faire barrage à Hollande », émanant tout aussi bien de personnes appelant à voter coûte que coûte pour Nicolas Sarkozy, menaçant, méprisant et insultant ceux qui choisiraient l’abstention ou le vote blanc, telle la première Marine Le Pen venue… et vouant aux gémonies ceux qui voteraient « contre » Nicolas Sarkozy, que ce soit par vengeance ou par tactique, l’une et l’autre tout aussi politique… que de personnes affublant le nouveau président, non pas de tous les noms d’oiseaux de la création, mais (entre autre) d’une célèbre pâtisserie, oubliant que tous les gourmands de 7 à 77 ans l’apprécient à juste titre et que ce n’était sans doute pas le meilleur moyen de faire barrage aux hordes mélenchono-hollandaises qui prirent d’un assaut somme toute fort mesuré les urnes de cette élection présidentielle. Il est connu que ce n’est jamais en période électorale que l’adage « il faut raison garder » est le plus appliqué, la preuve en est une fois encore.
Exit donc Nicolas Sarkozy qui n’aura pas réussi le pari d’être réélu… Le résultat 51,62 % pour son rival et 48,38 % pour lui est toutefois nettement plus serré qu’on ne l’avait prévu. À tel point qu’on peut légitimement penser que bien des choses, ces derniers mois, auraient pû inverser un tel résultat.
En ce jour où tous les commentateurs s’interrogent sur l’avenir de la France durant le quinquennat à venir, nul ne semble tout de même rappeler quelques « incidences » qui ont probablement été déterminantes dans le résultat final de ce scrutin.
Tout d’abord, l’élimination de Dominique Strauss-Kahn pour causes de dérives ancillaires contrariées… Le Parti socialiste, à l’époque, le voulait pour porter ses couleurs. Il n’est pas certain que cela aurait été le meilleur choix, au-delà des révélations ou non de ses frasques sexuelles.
Nicolas Sarkozy aurait peut-être affronté plus aisément un tel Grand manitou de la Finance internationale qui aurait été un « adversaire de connaissance » davantage à sa portée.
Un François Hollande au « carisme d’oursin », bien plus « normal » que lui – à tel point que l’élu de Corrèze n’avait pas manqué de s’en vanter –, labourant les sillons électoraux de la France avec la tranquille persévérance d’un cheval de labour, s’est avéré être bien plus dangereux. On l’a vu durant le débat d’entre-deux-tours : nombreux furent ceux qui s’attendaient à une mise à mort rapide et sans bavure, un effondrement annoncé de l’insignifiant socialiste… et qui en restèrent frustrés : les attaques du candidat sortant n’entamèrent en rien l’impassible posture du successeur de François Mitterrand en qui un nombre encore plus grand de spectateurs reconnurent une « force tranquille » dont ils gardaient la nostalgie.
Mais ce ne fut pas la seule incidence… Car il y a des « accidents politiques » comme il y a des « accidents industriels ». Telle s’avéra être la candidature d’Eva Joly. N’importe quel autre candidat(e) présenté(e) par le courant écologiste aurait pu faire sans trop de mal et au pire d’une campagne qui aurait été considérée comme un échec, 3 à 4 % de plus que les 2 qu’a péniblement réunis l’ex-talibane franco-norvégienne de nos tribunaux.
Ce qui aurait empêché François Hollande d’être en tête au Premier tour et l’aurait ainsi privé d’un avantage psychologique certain auprès des indécis dont beaucoup n’aiment rien tant que d’être certains de voter pour le vainqueur final afin de s’en glorifier auprès de leurs proches les jours suivants.
Et un score écologiste plus élevé n’aurait pas été non plus sans conséquence sur ceux de Jean-Luc Mélenchon et de François Bayrou. Le premier n’aurait alors sans doute pas franchi la barre des 10 %, le second aurait reculé plus dangereusement encore en direction de celle des 5 %, si tant est que la place de l’un et de l’autre n’en eut pas été inversée.
On ne refait évidemment pas l’Histoire et celle de cette élection présidentielle est désormais écrite. Considérer qu’elle aurait pu être somme toute bien différente n’a qu’une utilité : rappeler à tous les « procureurs de comptoirs » qu’il est souvent vain de chercher à passer leur colère, à calmer leur aigreur, à déverser leur bile ou à donner de furieuses leçons à « deux balles » en désignant tel bouc émissaire ou tel autre.

Chronique hebdomadaire de Philippe Randa

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